Puis elle s'est retournée vers moi, son visage un masque tragique.
« S'il te plaît, ne le quitte pas. Je partirai. Je disparaîtrai. Je ferai n'importe quoi, mais ne brise pas cette famille ! »
C'était une performance magistrale, digne d'un Oscar.
« Candice, arrête », dit Alexandre, essayant de la prendre dans ses bras, mais elle le repoussa théâtralement.
Puis, elle a fait quelque chose de si audacieux, de si effrontément manipulateur, que ça m'a presque coupé le souffle.
Elle est tombée à genoux sur l'asphalte froid et humide de l'allée, juste à mes pieds.
« S'il te plaît, Hélène », supplia-t-elle, sa voix étranglée par une fausse émotion. « Frappe-moi. Gifle-moi. Fais ce que tu as besoin de faire pour te sentir mieux. Je le mérite. Mais n'enlève pas Hugo à son père. »
Elle a tendu la main, attrapant l'ourlet de mon pantalon, sa prise étonnamment forte.
« Il a besoin de son père, Hélène. Un garçon a besoin de son père. »
J'étais figée, piégée dans son tableau absurde et humiliant. Sa tête était baissée, ses épaules tremblaient, mais alors qu'elle levait les yeux vers moi, son visage caché d'Alexandre et d'Hugo, son expression a changé. Les larmes avaient disparu. Ses yeux étaient froids, durs, et remplis d'une haine triomphante.
Ses lèvres ont formé un mot silencieux.
Pars.
Ma patience a volé en éclats. Les années de silence, de fierté ravalée, de dents serrées, tout s'est évaporé dans un éclair de rage unique et brûlant.
« Lâche-moi », dis-je, ma voix un grognement sourd. J'ai essayé de retirer ma jambe, de me libérer de son emprise.
Elle s'est accrochée à moi, puis, avec un cri aigu, elle a lâché prise, trébuchant en arrière et atterrissant lourdement sur le sol.
« Aïe ! »
Je ne l'avais même pas touchée.
Une douleur fulgurante et cuisante a explosé sur ma joue. Alexandre venait de me gifler. Violemment.
La force du coup a fait basculer ma tête sur le côté. Des taches rouges et noires dansaient dans ma vision. À travers le sifflement dans mes oreilles, j'ai entendu la voix de mon fils.
« Papa ! »
Mais ce n'était pas un cri de protestation. C'était un cri d'alarme pour Candice.
Quand ma vision s'est éclaircie, la première chose que j'ai vue, c'était Alexandre et Hugo, leurs visages tordus par des expressions identiques de haine et de dégoût. Pas pour ce qu'Alexandre m'avait fait, mais pour ce qu'ils pensaient que j'avais fait à Candice.
Un rire m'a échappé. Un son brisé, creux. C'était si pathétique. Si prévisible. Leur loyauté, leur amour, tout était pour elle.
Hugo était déjà aux côtés de Candice, agenouillé près d'elle, son visage un masque d'inquiétude frénétique.
« Candice, ça va ? Elle t'a fait mal ? »
Il lui prit doucement le bras, ses doigts sondant son poignet.
« Ça fait mal ici ? Je sais comment vérifier si c'est une entorse. C'est maman qui m'a appris. »
L'ironie était un coup physique. Le savoir que je lui avais transmis, les soins que je lui avais enseignés, servaient maintenant à soigner ma rivale, la femme qui avait aidé à détruire ma vie.
« Je te protégerai, Candice », jura Hugo, sa voix épaisse d'émotion alors qu'il l'aidait à se relever. « Je ne la laisserai plus te faire de mal. »
J'ai pensé au jour de la naissance d'Hugo. Deux mois avant terme, une petite chose fragile de moins d'un kilo cinq. Les médecins lui avaient donné une chance sur deux. La famille d'Alexandre, les Lefèvre, avec leur vision froide et pragmatique du monde, m'avaient dit d'« être réaliste ».
Mais j'ai refusé. Je suis restée assise près de sa couveuse pendant des semaines, lui lisant des histoires, lui chantant des chansons, le suppliant de vivre. J'ai promis à l'univers, à Dieu, à quiconque écoutait, que s'il survivait, je lui consacrerais ma vie. J'abandonnerais tout.
Et je l'ai fait. J'ai abandonné ma carrière de brillante analyste dans un grand cabinet. J'ai abandonné mes amis, mes passe-temps, mon être même. J'ai enduré le mépris grandissant d'Alexandre, ses liaisons, sa cruauté, tout ça pour le garçon que j'avais si durement combattu pour mettre au monde.
Et maintenant, ce garçon me regardait comme si j'étais un monstre.
« Tu es une garce vicieuse, Hélène », cracha-t-il, ses yeux brûlant d'une haine qui me calcinait l'âme.
« Tu n'es pas ma mère », déclara-t-il, sa voix résonnant avec la finalité d'une condamnation à mort.
« Et tu n'es pas sa femme », ajouta-t-il en désignant son père.
Je me suis souvenue d'une époque, pas si lointaine, où il courait vers moi, ses petits bras enroulés autour de mon cou, chuchotant : « Tu es la meilleure maman du monde entier. » Je me suis souvenue de lui tenant tête à un tyran à la maternelle qui s'était moqué de mes baskets usées, criant : « Ne parle pas de ma maman comme ça ! »
Ce garçon avait disparu.