Chapitre 4 04

Agatha réajusta son manteau et entra dans la boîte de nuit avec une petite appréhension. Elle leva les yeux sur les lumières tamisées et sur ce fond rouge vif à en avoir mal aux yeux. Elle jeta quelques coups d'œil sur les canapés rouges et sur... Agatha ne put retenir un cri d'effroi. Un homme entièrement nu et grassouillet se dirigea vers elle, le sourire aux lèvres. Avec un cri aigu de dégoût, elle détala comme un lapin en époussetant son manteau comme si cet endroit l'avait déjà imprégnée.

- Oh mon Dieu ! cria-t-elle en descendant les marches.

- Cinquante-quatre secondes et neuf centièmes.

Agatha cessa de s'agiter et regarda l'homme de l'autre côté de la rue, qui souriait et qui visiblement s'amusait de la situation.

- Pourquoi vous ne m'avez rien dit ! Ça vous fait rire !

- Oui, pour être honnête, avoua-t-il en traversant la route pour la rejoindre. Mademoiselle Kristy ? Êtes-vous sûre que votre amie a disparu, ou est-elle en train de faire des galipettes dans d'autres clubs comme celui-ci ?

Cette question méritait d'y réfléchir. Les joues bouillantes, elle baissa puis releva les yeux.

- Bien sûr qu'elle a disparu ! s'emporta-t-elle soudain. Croyez-vous sincèrement que j'aurais fait tout ce chemin si je n'en avais pas la certitude ?

Il la dévisagea avec une intense lueur dans les yeux.

- Très bien, abdiqua l'homme à la beauté ravageuse. C'est décidément votre jour de chance, mademoiselle Kristy. Alors montez vite dans la voiture avant que je ne change d'avis.

Agatha grimpa dans la voiture, n'ayant d'autre choix que de le suivre docilement. Elle n'avait aucun endroit où passer la nuit, il était tard et la nuit noire devenait trop dangereuse pour se battre. À choisir entre passer la nuit dehors et le suivre, elle n'avait pas mis longtemps à décider. Seul bémol : l'homme ne se cachait pas de son humeur. Comme s'il regrettait déjà de lui avoir tendu la main.

- Alors... où est-ce qu'on va ? s'informa-t-elle.

Elle tourna la tête et ne vit qu'un visage ombragé par la nuit.

- Chez moi, répondit-il enfin. Il est tard et je ne retrouverai pas votre amie à cette heure-ci.

Agatha enfonça ses ongles dans sa paume nerveusement. L'idée d'aller chez un inconnu, qu'elle connaissait depuis quelques heures seulement, n'était pas dans ses habitudes. Surtout pas quand l'inconnu en question ne manquait pas de se montrer hostile. Elle préféra ne rien répondre et reporta son attention sur la route. Ses yeux se fermèrent un instant avant qu'elle ne sente la voiture s'engager dans un chemin étroit. La panique qu'elle tentait de refouler depuis des heures refit surface lorsque tout devint soudainement sombre. Agrippant le siège en cuir, elle tenta de visualiser les lieux.

- Vou... vous habitez dans... où... bafouilla Agatha.

- Et bien j'habite dans une villa, recluse, juste ici, déclara-t-il en débouchant dans une allée éclairée par des spots.

- Vous avez dit recluse ? dit-elle d'une voix étranglée.

- Oui, c'est beaucoup plus facile pour étrangler mes victimes...

Agatha tourna lentement la tête vers lui. Bien sûr, il se moquait d'elle ; ses yeux brillaient d'une lueur amusée, un sourire se dessina lentement sur ses lèvres tandis qu'il coupait le moteur. Lorsque leurs regards s'accrochèrent, Agatha se sentit encore plus nerveuse. Son ventre était noué.

- Alors ? Vous entrez ? Ou vous dormez dans la voiture ?

Agatha inspira imperceptiblement et sortit de la voiture pour lui montrer qu'elle n'avait pas peur. Or c'était tout l'inverse. Elle jeta un coup d'œil à la grande bâtisse qui, d'après ce que les lumières lui indiquaient, était marron, très masculine, très froide ; elle distingua un amas de cubes, empilés les uns sur les autres pour donner une structure impeccable et impressionnante.