Chapitre 5 05

Azzario s'ordonna d'être un peu plus chaleureux et prit place sur le fauteuil, sa mauvaise humeur devait sans aucun doute être perceptible sur ses traits, cette colère qui ne le quittait presque jamais était en train de le dévorer de l'intérieur.

Emma s'éclipsa lentement vers l'arche qui séparait en deux la salle à manger et observa la séance photo de loin. Azzario Dantes était si tendu qu'aucun sourire ne s'affichait sur son visage. Elle se demandait à présent ce qui lui était arrivé pour être aussi froid et insensible. Était-il comme ça depuis l'enfance ?

- Souriez monsieur Dantes.

Peine perdue, l'homme resta de glace au plus grand désespoir de Sergio.

- Je ne souris pratiquement jamais. Dit-il froidement d'une voix de gorge.

Sergio ne pipa pas un mot et reprit son travail sans s'attendre à recevoir un sourire de la part de l'homme, figé comme une statue.

Emma baissa les yeux et entoura son ventre de ses bras puis s'éclipsa dans le couloir pour tenter d'échapper à une nausée. Une nausée provoquée par la honte qui l'avait submergée. Rien de ce qu'elle s'était imaginé ne se passait comme prévu, elle avait honte d'être dans cette demeure devant cet homme qui lui avait donné la chance d'avoir un bébé, et qui de par sa froideur l'empêchait de lui révéler les véritables raisons de sa présence. Et ce regard posé sur son ventre hier, ce regard austère qui lui avait clairement fait comprendre qu'il n'avait pas dans ses plans d'avoir un bébé.

C'était sans doute pour cela qu'il avait donné cet échantillon, dans le seul but d'avoir un enfant quand il n'aurait plus d'autre choix que d'assurer une lignée. Au dernier moment. Emma se retint de pleurer et s'avança vers le tableau magnifique aux couleurs pourtant sombres. Il ne représentait pas l'ombre d'une joie, seulement la silhouette d'un homme face à la mer peinte d'une couleur aussi sombre que la profondeur de l'océan.

Elle s'approcha du tableau et jeta un coup d'œil curieux sur le meuble en bois. Elle toucha du bout des doigts l'éventail aux dorures anciennes, les yeux illuminés.

- Faites attention, il est fragile...

Emma réprima un sursaut qui aurait pu casser l'objet et se retourna pour affronter l'homme appuyé sur le mur avec une expression énigmatique.

- Je suis désolée je ne voulais pas le toucher...

Il s'avança vers elle et se pencha pour décrocher l'éventail de son socle.

- Il appartient à ma mère, elle attend de pouvoir le transmettre à la future madame Dantes. Expliqua-t-il d'une voix presque amère. Comme si cela n'allait jamais se produire.

Il le déplia et le mit dans ses mains.

Soigneusement, Emma toucha les bordures.

- Pourtant vous avez Sharon, elle ferait une épouse parfaite. Ne put s'empêcher de dire Emma timidement.

Il partit d'un rire amer.

- Jamais je ne pourrais épouser une telle femme.

Quand elle leva la tête vers lui, une ombre voila son expression déjà grave.

- Vou... vous n'avez pas envie d'avoir une... une famille pour remplir le Palazzo de joie ?

Sa question n'était pas sans arrière-pensées.

- Cette conversation est terminée, mademoiselle Brok. Dit-il sèchement en lui reprenant l'éventail des mains.

Emma avait eu la réponse à sa question.

Après la séance photo, il s'était empressé de leur proposer un petit rafraîchissement. Emma souhaitait pourtant en finir, mais avait-elle le choix de refuser ? Une femme apparut dans le salon avec une bonne dizaine de choix. Lorsqu'il lui tendit son verre, elle le prit d'une main tremblante, les glaçons se mirent à tinter tant sa main tremblotait. Une conversation s'enclencha rapidement sur un sujet complètement absurde et lassant, Sharon parlait de sa vie de mannequin et de ses projets, et seul Sergio semblait s'en soucier. L'homme était debout observant son domaine de la fenêtre, quand Emma jeta un coup d'œil dans sa direction, il se retourna au même instant...

Elle détourna la tête sur la statue en marbre posée sur sa gauche et but une gorgée de son jus d'orange. Au même instant, une femme fit son entrée avec un homme en costume. Emma contempla fascinée l'élégante femme qui pénétra d'un pas gracieux dans le salon et puis se dirigea le sourire aux lèvres vers Azzario.

- Bonjour mère...

Elle sentit son cœur s'emballer, quand elle comprit bien trop tard que ce rafraîchissement s'éternisait, au point d'être maintenant confrontée à la mère de ce dernier.

- Sergio, mademoiselle Brok, laissez-moi vous présenter ma mère Rosella Dantes et monsieur Ramirez.

Emma se leva d'un bond et fit une légère courbette pour la saluer. Inutile de se ridiculiser devant elle, son fils avait déjà suffisamment profité d'un lamentable spectacle. Évidemment, elle baissa son regard sur son ventre légèrement arrondi, et Emma s'attendait à recevoir des félicitations, mais au lieu de ça, Rosella Dantes se tourna vers son fils la mine soudainement triste. Au triste souvenir de la veille, de cette même expression qui s'était figée sur le visage de l'homme, Emma se laissa tomber sur le canapé sans un mot. Elle avait l'impression d'être coupable, d'un crime qu'elle ignorait.

- Enchantée, c'est un plaisir de vous rencontrer. Déclara enfin Rosella d'une voix fraîche et chaleureuse.

Sharon se leva et embrassa cette dernière d'une manière très familière.

- Bonjour madame, nous parlions justement de vous.

- Vraiment, et de quoi parliez-vous ? Demanda-t-elle en retirant son manteau qui fut rapidement pris par la gouvernante.

- Du domaine et du magnifique héritage que vous avez laissé à votre fils.

Emma ne se souvenait pas avoir entendu parler d'un quelconque héritage, mais à force de s'enfermer dans ses pensées, elle avait probablement raté la moitié de la conversation.

- Il le mérite, maintenant j'attends de savoir qui l'aura en retour.

- Ce n'est pas le moment d'en parler ! Coupa Azzario en venant s'asseoir sur le fauteuil.

Il venait de créer un froid dans lequel personne n'avait osé reprendre la parole.

Sauf monsieur Ramirez.

- Azzario, comment c'est passé la séance photo ?

- Très bien, Sergio et son assistante sont professionnels, ça a été rapide. Il se tourna vers elle.

Emma sourit pour ne laisser aucune chance de décrypter l'immense désespoir qui était en train de nouer son ventre. Ses yeux étaient d'une telle profondeur qu'elle sentit sa voix partir d'un déraillement honteux. Elle s'accrocha alors au discours de Sergio et garda le silence.

Mais le grand et puissant Azzario Dantes ne l'entendit pas de cette oreille.

- Combien de temps dure votre stage ?

- Oheuh... deux mois normalement.

- Deux mois ? Répéta Rosella presque altérée, est-ce bien raisonnable dans votre état mademoiselle Brok ?

Tous la regardèrent dans l'attente qu'elle parle.

- Sergio n'est pas dur avec moi, il me laisse aller à mon rythme. Se défendit-elle en reposant son verre.

- En effet, je confirme, elle va à son rythme. Lança Sharon sans cacher sa pointe de moquerie.

Emma joignit ses mains sur ses genoux sans trouver le moindre argument pour se défendre. Elle osa un regard vers Azzario, mais son regard ciselé resta silencieux en l'observant intensément. Son cœur résonnait si fort dans ses tempes qu'elle entendit un bourdonnement assaillir ses oreilles.

Sergio avait coupé court à la conversation pour complimenter la famille sur le Palazzo. Emma ne parvenait plus à suivre la conversation. Elle voulait s'en aller, elle n'avait pas sa place ici. Bébé ou pas, les regards méprisants qu'on lui portait, n'étaient pas sans lui rappeler ceux qu'elle avait dû affronter toute son enfance.

Elle sanglota avant de se lever.

- Veuillez m'excuser, mais je dois partir. Annonça-t-elle en récupérant son gilet.

- Maintenant ? Mais Emma attends je vais te raccompagner. S'empressa de dire Sergio en s'apprêtant à se lever.

- Non ! Laisse j'ai ma voiture...

- Hein ? Ta voiture, mais tu es...

- Je te dis que j'ai ma voiture. Coupa-t-elle en lui faisant les gros yeux.

- Vous ne désirez pas un autre verre ? Proposa Azzario qui jusque-là était resté silencieux.