Chapitre 4 Chapitre 4

Je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Mon esprit tournait en rond, incapable de se calmer. Depuis que nous étions arrivées, tout semblait étrange. Déjà à la station-service, j'avais ressenti ce malaise diffus. J'ai pris mon téléphone, ajouté le numéro d'Isla et ouvert une nouvelle conversation. Mes doigts hésitaient avant d'écrire :

« C'est Maya. Désolée si j'ai donné l'impression d'être une garce. Ce n'était pas volontaire. Nouvelle ville, tout ça... Merci d'avoir été là. »

À peine le message envoyé, l'écran s'est allumé avec sa réponse.

« Juste une petite garce lol je rigole !! Excuse mon frère, je t'avais prévenue qu'il était parfois con, mais il a un bon fond. Bref, ça te dit qu'on aille prendre un café demain ? C'est moi qui régale. A x »

J'ai hésité à lui parler de ce que son frère avait fait, puis j'ai choisi de me taire.

« Le café, super idée :) tu pourras me raconter ce qu'on fait ici pour s'amuser mdr »

Encore une fois, j'ai décidé de garder le reste pour moi.

« Je passe te prendre à 11 heures. Bonne nuit Maya, Ax »

J'ai réglé mon téléphone sur silencieux et fermé les yeux, espérant qu'enfin le sommeil me tombe dessus.

...

Le matin, j'étais d'humeur exécrable. Le canapé grinçait, mon dos me faisait souffrir et je rêvais d'une douche brûlante suivie d'un grand verre d'eau glacée.

« L'eau chaude est prête. » Ma grand-mère était déjà levée depuis l'aube, occupée à gérer mille choses à la fois. Elle avait commandé un lit pour moi, consciente que je n'aurais pas supporté une autre nuit sur ce canapé. « Le café est dans la cafetière. »

« Merci, grand-mère. Je sors avec Isla vers onze heures pour prendre un café. Tu veux que je te rapporte quelque chose ? »

« Pas besoin, je vais être dehors presque toute la journée, j'ai des courses à faire. Profite de ta sortie, ma chérie. Tes mains vont mieux ? »

« Ça brûle encore un peu mais rien de grave. Je file sous la douche, on se voit après. »

« Je laisserai un peu d'argent sur la table, je serai partie avant toi. »

La douche fut un soulagement. L'eau brûlante effaçait la douleur et relâchait mes muscles, comme si je renaissais. Une fois sortie, j'ai attrapé un jean, un t-shirt, mes bottes et ma veste en cuir dans ma valise. Puis, serviette autour du corps, je suis passée dans ce qui allait être ma chambre. Elle n'était pas si mal, un coup de peinture et des rideaux neufs suffiraient à la rendre vivable.

Après un rapide passage du fer à lisser, j'ai enfilé bonnet et écharpe. L'automne touchait à sa fin, l'air s'emplissait déjà du froid sec de l'hiver. J'ai toujours détesté avoir froid, même si cette saison avait quelque chose de rassurant.

Un coup de klaxon me pressa. Je fourrai mon argent dans ma poche arrière, pris mon sac et mon téléphone, verrouillai la porte et me dirigeai vers la voiture.

« Salut », lançai-je avec un sourire.

« Un bonnet et une écharpe ? » Isla rit en me voyant.

« Tu rigoles ? On se pèle dehors et il ne fait pas beaucoup plus chaud dans ta voiture. Sérieusement, mets le chauffage ! » Comment ces gens faisaient-ils pour ne jamais avoir froid ? Elle n'avait qu'un pull.

« Sang chaud », répondit-elle avec un clin d'œil, mais elle monta le chauffage. « J'avais pensé qu'on pourrait commencer par le café, puis je t'emmènerai au centre commercial. Ça te tente ? »

« Ça me va. De toute façon, c'est mieux que de tourner en rond à la maison. »

« Ta grand-mère est sortie ? »

« Oui, elle fait des achats pour la maison. Elle veut que tout soit parfait pour moi, pour nous. » Et c'était vrai. Je n'avais jamais manqué de rien grâce à elle. Elle s'était toujours arrangée pour que j'aie ce dont j'avais besoin.

« Elle a l'air super cool pour une grand-mère », lança Isla en riant, en arrêtant la voiture devant un petit café. « C'est pas Starbucks, mais je te jure que c'est le meilleur du coin. »

« Tu m'as convaincue rien qu'avec le mot café. »

Je défais ma ceinture, sors et la suis à l'intérieur. L'endroit est minuscule mais chaleureux, avec une odeur de café fraîchement moulu qui me met l'eau à la bouche.

« Je vais chercher les boissons, trouve une table », dit-elle.

Je me dirige vers une banquette au fond, près de la fenêtre. J'ai toujours aimé observer les passants, imaginer leur vie, deviner leurs histoires. Mais mon cœur a fait un bond en reconnaissant celui qui venait d'entrer.

Blake.

Et il n'était pas seul.

« Je ne savais pas ce que tu voulais, alors j'ai pris un peu de tout », dit Isla en posant une tasse devant moi. J'ajoute du sucre et du lait, mais je sens son regard sur moi, lourd, insistant.

« J'espère que ça ne te dérange pas, une copine à moi nous rejoint. » Elle retire son pull et le pose sur la chaise. Je l'imite, ôtant ma veste, mon bonnet et mes gants.

« Pas de souci, j'aime bien rencontrer du monde », dis-je. Mais j'ai eu la mauvaise idée de lever les yeux. Blake me fixait, et malgré moi, je détournai vite la tête. Ce n'était pas normal d'être jalouse de la fille assise sur ses genoux. Je ne le connaissais même pas.

Pourquoi je réagissais comme ça ?

« Ignore-le », souffla Isla.

« Hein ? »

« Tu n'arrêtes pas de le regarder. Mon frère a cet effet sur les filles. Maya, promets-moi de ne pas tomber dans le panneau. »

« Ce n'est pas que je- »

« Salut les filles », lança une voix claire. Une blonde s'installa à côté d'Isla. « Cet hiver va être rude. » Elle enleva sa veste et me sourit. « Je suis Brooke. Ravie de te rencontrer, Maya. »

« Moi aussi », répondis-je.

« Je vais me chercher un café. Ensuite, tu pourras continuer ton histoire sur comment tu ne regardais pas Blake. » Elle m'adressa un sourire malicieux. J'en restai bouche bée. Comment avait-elle deviné ?

Sans un mot, je bus une gorgée de café. Mon estomac gargouilla. Comme si elle avait lu dans mes pensées, Brooke revint avec trois muffins au chocolat.

« Servez-vous », dit-elle.

J'en attrapai un et croquai dedans. Les filles m'observaient, amusées.

« Quoi ? » gémai-je, la bouche pleine. « Je suis accro au sucre. J'y peux rien. »

Elles éclatèrent de rire.

« On va bien s'entendre », dit Brooke avec un clin d'œil. « Maintenant, reparle-moi de ce regard vers Blake. »

« Je ne fixais pas », soufflai-je. Elles me jetèrent un coup d'œil appuyé. « Bon d'accord, si... mais c'est plus fort que moi. C'est bizarre, je n'ai jamais ressenti ça. J'ai l'impression que mes yeux se bloquent sur lui. »

« Oh mon Dieu », s'exclama Brooke en échangeant un regard avec Isla. « Tu as attrapé le virus. Et ça fait à peine un jour que tu es là. »

Elles se mirent à rire, mais je savais qu'elles ne disaient pas tout.

« Je ne le connais même pas, et je me sens jalouse de cette fille sur ses genoux. Ce n'est pas moi. » Je détestais cette sensation. Je n'étais pas ce genre de fille. J'avais toujours eu confiance en moi et en l'autre, sans jamais ressentir le besoin d'être jalouse.

Mais là, c'était différent.

« J'imagine que mes règles approchent », dis-je en soupirant, engloutissant le reste de mon muffin. J'évitai soigneusement de tourner la tête vers leur table, malgré l'envie brûlante qui me tenaillait.

« Je vais chercher un autre café. Tu veux quelque chose ? » demanda Isla.

« Non, juste du café. »

« Il a bon cœur », lança soudain Brooke.

C'était la deuxième fois que j'entendais ça. Je haussai les épaules.

« Je ne suis pas ce genre de fille », insistai-je. Et c'était vrai. Je n'étais pas du genre à papillonner. J'avais attendu un an avant de coucher avec Tommy.

« Justement », répliqua-t-elle. « Peut-être que c'est exactement ce qu'il attend. »

Je jetai un coup d'œil malgré moi. La fille avait quitté ses genoux et il me regardait, furieux.

« Bon, après ça, on file faire quelques courses et on prendra de quoi boire pour ce soir », annonça Isla.

« Ce soir ? »

« Chaque vendredi, on va sur la plage. Bières, feu, musique, juste de quoi s'éclater avant le week-end. Ça te tente ? »

« Il y a une plage ? » Je ne pus cacher mon sourire.

« Oui », répondirent-elles en chœur.

« Je viens de Floride, la plage, c'était ma vie. Évidemment que je viens. »

« Alors, commençons notre week-end un peu en avance », conclut Isla.