Chapitre 5 Chapitre 5

« Je t'ai répété cent fois de ne pas céder à ses caprices, mais tu n'écoutes jamais ! » s'emporta Lauren. Elle ravala aussitôt la suite de sa colère, de peur que les mots ne l'étranglent.

La veille, elle avait dû encaisser une humiliation cuisante : M. Frans avait découvert que Scarlett avait fugué. L'homme, blessé dans son orgueil, avait menacé de tout rompre. Lauren avait passé des heures à calmer sa fureur, implorant une dernière chance. Finalement, il avait consenti à attendre un peu, à condition qu'ils ramènent la fugitive.

Mais voilà le problème : la gamine n'avait pas reparu depuis la nuit précédente.

On l'avait cherchée partout sur l'île, sans succès. Pendant ce temps, le compte à rebours avançait. Si Scarlett ne se montrait pas, M. Frans couperait tout financement et briserait leur réseau de partenariats.

« Jonathan, tu réalises la gravité de la situation ? Hier, il était rouge de rage ! J'ai dû m'abaisser à le supplier pour obtenir un répit. Tout ça à cause de ta fille ! » Lauren inspira profondément, ses yeux brillants d'angoisse. « Si nous ne la retrouvons pas aujourd'hui, notre société sera ruinée. Fais quelque chose, ou c'en est fini de nous ! »

Jonathan Piers demeurait immobile, muet. Son visage restait calme, mais ses entrailles bouillonnaient. Depuis le retour de Scarlett, il lui semblait parler à une étrangère. Obstinée, rétive, rien à voir avec l'enfant docile d'autrefois.

Il se convainquait que ce séjour à l'étranger l'avait changée, que ses fréquentations l'avaient dévoyée. À présent, elle rejetait tout : l'idée de rejoindre l'entreprise familiale, celle d'un mariage arrangé... et désormais, elle disparaissait carrément.

Que voulait-elle au juste ?

Jonathan avait toujours supporté ses insolences, mais cette fois il n'en pouvait plus. Il fallait la contraindre, car l'avenir de la société en dépendait. Déjà croulante sous les dettes, hypothéquée jusqu'au cou, l'entreprise n'avait plus de marge d'erreur.

« Comment comptes-tu gérer ça avec Frans ? » s'alarma Lauren. « Il nous impute la honte de cette histoire. Et il a juré que si nous n'agissons pas immédiatement, il nous fera bannir de toute l'île ! »

La tête de Jonathan se mit à tourner. Oui, Frans possédait une influence colossale ici. Mais il savait aussi que l'homme exagérait, et qu'un tel pouvoir n'était pas si facile à exercer.

« Lauren ! Ne crois pas toutes ses menaces. Il n'a pas les moyens de nous éliminer comme ça. À moins que... tu n'aies signé quoi que ce soit avec lui. Alors là, ce serait différent. »

Le teint de Lauren se décomposa. Ses lèvres tremblèrent avant d'avouer : « Je... je l'ai déjà signé. »

Jonathan blêmit. Elle avait osé ? Le contrat, l'argent, et même le certificat de mariage... tout était déjà paraphé, il ne manquait que la signature et l'identité de Scarlett.

« Qu'est-ce que tu racontes, Lauren ?! Comment as-tu pu valider ça sans me prévenir ? » Sa voix monta, chargée d'incrédulité.

Elle tenta de se justifier, haletante : « Je n'avais pas d'autre issue. Frans me pressait, il me promettait son accord en échange... »

« Tais-toi ! Tu avais même préparé un registre de mariage ? Es-tu folle ?! Je t'avais dit de leur organiser une rencontre d'abord ! » Jonathan s'arracha presque les cheveux, le front martelé par une migraine.

Lauren, blême, reprit : « La seule solution, c'est de ramener Scarlett et de lui faire signer. Avec son accord, tout sera sauvé. L'entreprise tiendra debout, et nous pourrons rembourser la banque. »

Jonathan inspira longuement. Bien sûr qu'il voulait la retrouver. Mais où pouvait-elle bien se cacher ? Une pensée l'assaillit soudain : et si elle s'était envolée vers les États-Unis ?

« Non... » Son corps se tendit d'un coup. « Lauren, vite ! Vérifie si elle a toujours son passeport. Si elle part là-bas, on est fichus ! »

Pris de panique, ils bondirent ensemble du canapé. Mais avant d'atteindre l'escalier, des applaudissements secs résonnèrent dans le salon. Ils s'immobilisèrent, stupéfaits.

Là, adossée à la porte, se tenait la silhouette tant redoutée. Scarlett, un sourire énigmatique aux lèvres.

Jonathan chuchota, le cœur battant : « Pourquoi... pourquoi sourit-elle ainsi ? Elle a tout entendu... »

« Oui, père. Absolument tout, » déclara-t-elle en s'avançant avec calme. Elle les invita d'un geste à reprendre place, puis s'assit elle-même, croisant les jambes avec une désinvolture provocante. « Vous devriez écrire des pièces de théâtre. Sérieusement. Vous êtes excellents dans le drame. Laissez tomber les affaires, lancez-vous dans le spectacle ! »

« Scarlett... » souffla Jonathan, à bout de voix.

Lauren, furieuse, fulmina : « Insolente ! Tu oses ridiculiser tes parents après avoir déshonoré M. Frans ? Il avait consenti à t'épouser, et toi tu t'es enfuie comme une voleuse ! Qui t'a aidée ? Réponds ! » Ses yeux lançaient des éclairs, prête à gifler.

Scarlett, intérieurement, la maudissait : Quelle effronterie... et c'est moi qu'elle accuse ?

Lauren observait Scarlett avec une méfiance glaciale. Rien n'expliquait comment cette gamine avait réussi à s'échapper après l'ingestion de cette drogue : elle aurait dû rester inerte, incapable du moindre geste, sinon en cherchant un exutoire auprès de M. Frans ou de quelque inconnu qui absorberait la violence de ses pulsions.

Une hypothèse traversa soudain son esprit : et si Scarlett avait glissé dans une autre pièce pour y commettre ses « expériences » avec quelqu'un d'autre ? Cette idée fit courir un frisson à travers son dos. Son regard, dur comme une lame, détailla le corps de la jeune fille, traquant la moindre marque compromettante. Rien. Pas la moindre trace. Hypothèse peu probable. Mais alors ? Son attention se porta sur un homme en costume sombre, immobile derrière elle. Était-ce lui, l'éventuel complice ?

Lauren allait questionner Scarlett lorsque la voix de celle-ci fendit l'air comme une gifle.

- Tsk... tsk... Mère ? Enfin, non. Tu n'es pas ma mère. Plutôt la maîtresse de mon père.

Ses lèvres esquissèrent un sourire cruel. Elle savourait l'idée de piquer l'orgueil de cette femme. Voyant Lauren s'assombrir, elle ajouta, venimeuse :

- Finalement, je devrais plutôt t'appeler tante.

- Comment oses-tu !! s'étrangla Lauren.

- Allons, ma tante, inutile de t'énerver. Tes rides se creusent déjà sous tes yeux. Tes crèmes hors de prix n'y changeront rien.

Scarlett éclata de rire, enchantée par l'effet destructeur de ses mots.