Chapitre 5 Chapitre 5

« Tu m'as bien entendu. Cette voiture que tu viens d'érafler avec ta conduite inconsciente vaut soixante millions de dollars. Tu pourrais m'en offrir une nouvelle et t'excuser en prime ? »

Le cœur de Shelby accéléra aussitôt. Les mots qu'il venait de prononcer résonnaient encore dans sa tête, gonflés d'arrogance. Elle baissa les yeux vers le véhicule. Le logo luisait, reconnaissable entre mille. Un modèle rare, presque unique, conçu sur mesure, d'une élégance hors norme.

« Alors ? Tu pensais vraiment qu'une assurance ordinaire couvrirait une voiture pareille ? » reprit Preston d'un ton narquois, ses lèvres étirées en un sourire léger mais cruel.

« Je... je... » balbutia Shelby, incapable de formuler la moindre réponse cohérente.

Lorsqu'elle avait parlé de remboursement, elle n'avait pas réfléchi. Elle n'avait même pas pris le temps de détailler la voiture avant d'ouvrir la bouche. Et voilà qu'elle se retrouvait face à une Rolls-Royce unique, probablement construite spécialement pour un client richissime. À Melbourne, très peu d'hommes avaient le pouvoir de s'en offrir une, et encore moins le privilège d'obtenir le permis spécial délivré par le gouvernement.

Était-il réellement en train d'insinuer qu'elle devait lui rembourser ce monstre de luxe ? Une somme pareille... d'où pourrait-elle bien la sortir ?

Preston consulta sa montre d'un geste agacé. « Alors, mademoiselle, comment comptez-vous régler la facture ? Comme vous le voyez, mon temps est précieux. »

Shelby sentit ses mains devenir moites. Il est sérieux ? pensa-t-elle.

Dès le premier instant, il lui avait semblé familier. De ces visages aperçus dans les journaux, associés à des fortunes colossales et à des familles influentes. Tout en lui respirait la supériorité : son port altier, sa voix assurée, et ce regard qui pesait sur elle comme si elle n'était rien. Un frisson lui traversa l'échine.

Pourtant, elle ne voulait pas céder. Elle inspira profondément et répondit d'une voix plus ferme qu'elle ne le croyait possible. « Je suis désolée, Monsieur, mais je n'ai pas les moyens de payer une telle somme immédiatement. Je peux vous verser ce que j'ai, et nous pourrions convenir d'un échéancier. Cela prendra du temps, mais je ferai de mon mieux. »

Preston arqua un sourcil, l'air à peine intéressé. « Du temps ? J'attends une compensation immédiate pour le désagrément. Je ne suis pas un homme patient. » Sa voix, glaciale, trahissait une arrogance implacable.

Shelby serra les poings. Comment pouvait-il être aussi insensible ? Lui réclamer autant d'argent, c'était de la cruauté pure. Sa propre voiture était abîmée, elle aussi. Pourquoi ne pouvait-il pas se contenter de simples réparations ?

« Encore une fois, je suis désolée. Mais je n'ai pas cette somme sur moi », répéta-t-elle en tentant de garder un ton courtois.

Un sourire narquois étira les lèvres de Preston. « Tu viens pourtant de dire que tu détestes avoir des dettes. »

« Oui, mais... c'était avant que je sache le type de véhicule que j'ai percuté. C'était un accident, rien de plus. Ma voiture aussi est endommagée. »

Il planta sur elle un regard dur. « Dans ce cas, je n'aurai pas d'autre choix que de porter plainte pour conduite dangereuse. Voire pour tentative de meurtre, puisque tu as failli me tuer. » Sa voix était aussi tranchante qu'un couteau. Derrière lui, deux gardes du corps s'approchaient déjà avec une voiture neuve pour le ramener.

« Tentative de meurtre ?! Tu plaisantes ? Tu n'as rien, aucun dossier ! » s'emporta Shelby, le suivant d'un pas rageur, allant jusqu'à attraper son costume pour le retenir.

Il s'arrêta net. Ses yeux, sombres et perçants, se posèrent sur ses mains crispées sur son bras. Une intensité glaciale brilla dans son regard, lui coupant le souffle.

« J'ai les meilleurs avocats à ma disposition. Crois-moi, tu finiras en prison. Alors, soit tu me paies, soit on règle ça au tribunal. »

Il ne reculait devant rien. Même le chantage lui semblait naturel. Mais au fond, il ne voulait pas la lâcher. Cela faisait longtemps qu'aucune femme ne l'avait retenu ainsi. Depuis des années, il se sentait prisonnier de lui-même, enfermé dans un corps qui lui refusait toute échappatoire. Et maintenant, cette rencontre ouvrait une brèche. Une opportunité. Il refusait de la laisser passer.

Shelby sentit la panique monter. Son emprise se resserra sur son bras malgré elle. Son sang battait à ses tempes, ses émotions s'entrechoquaient entre colère et désespoir. Cet homme était un monstre d'orgueil et de dureté. Elle avait envie de pleurer.

Un seul coup d'œil à son allure et à son assurance suffisait à comprendre qu'il appartenait à ce monde de puissants intouchables. Face à lui, ses chances de gagner un procès étaient quasi nulles.

Certes, elle venait d'une famille aisée, mais ces derniers temps, ses parents ne l'aidaient plus autant. Chaque plainte se heurtait à la même excuse : la chute de revenus de The Irwin Corporation. Son salaire d'organisatrice d'événements lui permettait de vivre correctement, mais pour payer une telle voiture, il lui faudrait travailler une vie entière.

La gorge serrée, elle se rendit compte à quel point elle était piégée. Surtout après la violente dispute avec ses parents à propos de Tyson et Marissa. Retourner leur demander de l'aide était impossible. Elle s'était juré de couper les ponts pour un temps.

Et la perspective d'une bataille juridique interminable, ou pire, la prison, lui glaçait le sang.

Elle inspira longuement, tentant de calmer le chaos dans sa tête. « Monsieur, je... je vous en supplie. C'était un accident. Laissez-moi partir cette fois. Je promets d'être plus prudente à l'avenir. » Sa voix s'était adoucie malgré elle, presque suppliante.

Elle aurait dû être ailleurs, loin de ce pays, loin de cette scène absurde. Mais la réalité la clouait devant lui. Peut-être que s'il percevait un peu de charme ou de douceur en elle, il relâcherait la pression. Mais son regard restait glacé. Son sourire, cruel.

« Hmph ! » lâcha-t-il enfin, une lueur narquoise dans les yeux. « Il y a peut-être d'autres moyens de compenser. »

Shelby se figea. Son estomac se noua. Avait-elle bien compris ?

Elle détestait ce genre d'hommes plus que tout. Ceux qui croyaient pouvoir tout acheter, y compris les femmes, avec leur argent et leur pouvoir. Elle avait espéré qu'il n'était pas de ceux-là. Elle avait même pris la peine de lui parler poliment, de lui serrer la main. Quelle erreur.

« Je n'aurais jamais cru qu'il serait aussi impitoyable », songea-t-elle, les dents serrées.

« Puisque tu n'as pas les moyens, tu m'es redevable. Et tu détestes avoir des dettes. Alors je ne peux te laisser partir qu'à une seule condition », annonça Preston, le ton tranchant.

« Et quelle serait cette condition, Monsieur le Propriétaire de Bijoux roulants ? » répliqua-t-elle, un ricanement au bord des lèvres, incapable de masquer son dédain.

Elle se doutait déjà de sa réponse, mais espérait se tromper. Peut-être exigerait-il un service quelconque, une faveur anodine. Mais pas ce qu'elle craignait.

« C'est simple. Cela effacerait entièrement ta dette. Et tu y trouverais même des avantages. Considère-le comme un geste généreux de ma part », répondit-il, un sourire calculé aux lèvres.

Shelby sentit l'agacement la gagner. « Et c'est quoi, ta brillante idée ? »

Preston savoura son trouble, appréciant de garder le contrôle. « Fais-moi confiance. C'est une solution parfaite pour nous deux. »

Elle serra les dents. « Que veux-tu exactement ? » demanda-t-elle à nouveau, la voix presque brisée par l'angoisse.

Son expression s'adoucit à peine, mais son regard brûlait toujours de cette intensité prédatrice.

Il s'approcha, se pencha près de son oreille et murmura d'un ton bas, assuré.

« Épouse-moi. »

Shelby resta muette, le souffle coupé.