Chapitre 4 Chapitre 4

Preston Caldwell se perdit un instant dans la senteur légère du parfum floral qui flottait dans l'air, une fragrance délicate qui s'était invitée dans ses narines sans qu'il n'ait eu le temps de s'y préparer.

Il fut pris de court par l'élan d'émotions qui le traversa soudain. Ce genre de sensation lui était étranger depuis des années, depuis que cette étrange allergie avait bouleversé son existence. La femme, elle, sembla un peu surprise de le voir apparaître ainsi devant elle, mais elle retrouva bien vite son calme, comme si rien ne pouvait vraiment la désarmer.

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire mesuré, poli, tandis qu'elle prit la parole :

- Eh bien, monsieur, il semble que nos voitures se soient heurtées à cause de mon inattention. J'étais distraite tout à l'heure. Heureusement, personne n'est blessé. Je suis sincèrement désolée pour la gêne occasionnée.

Preston hocha la tête, sans détourner son regard d'elle.

- Hmph. Je vois.

À quelques pas, Shelby observait cet homme imposant, stupéfaite. Avec son mètre quatre-vingt-huit, elle n'était pas habituée à se sentir petite face à qui que ce soit. Pourtant, devant lui, elle avait l'impression d'être rapetissée, presque fragile.

Et le pire, c'était son apparence. Cet homme avait une allure saisissante, d'une beauté qui dépassait les normes. Ses traits nets, ses yeux d'un bleu profond et ses épaules larges semblaient sortis d'un tableau. Il ressemblait à une version moderne d'un dieu grec.

Son costume sur mesure, parfaitement ajusté, ne faisait qu'accentuer cette impression. Le tissu épousait son corps athlétique, révélant la puissance de son torse et la carrure d'un homme qui inspirait autant le respect que l'admiration.

En croisant à nouveau son regard, Shelby sentit ses joues se teinter d'un rouge embarrassé.

- Oui... enfin... je suis encore désolée pour cet accident. J'expliquais à votre chauffeur que j'étais prête à couvrir les réparations, si cela ne vous dérange pas, dit-elle d'une voix douce, en glissant machinalement une mèche de cheveux derrière son oreille.

Preston déglutit, puis demanda d'une voix rauque :

- Ton nom ?

- Euh... pardon ?

- Ton nom, répéta-t-il, déjà agacé. Il ne supportait pas de se répéter et brûlait d'impatience de savoir qui elle était.

- Shel... Shelby Irwin, lâcha-t-elle enfin, le regard légèrement distant. Cette pointe d'indifférence dans ses yeux ne faisait qu'ajouter à son mystère.

Preston se contenta d'un bref :

- Hmmm.

Il tourna alors la tête vers son assistante, Curtis, postée à quelques pas. Curtis travaillait pour lui depuis plus de six ans et connaissait ses moindres gestes. Sans un mot, elle comprit ce que son patron attendait et sortit aussitôt son iPad pour rechercher le nom « Shelby Irwin ».

De son côté, Shelby pensa qu'il s'intéressait à son identité pour des raisons pratiques : sûrement pour obtenir ses informations d'assurance.

- Ne vous inquiétez pas, monsieur, dit-elle calmement. Je ne cherche pas à fuir. J'ai dit que je prendrais en charge les réparations, je n'aime pas avoir de dettes. Nos assurances pourront régler les formalités.

- Bien sûr, répondit Preston d'un ton hautain.

Ses yeux, cependant, restaient accrochés à elle. Il remarqua que ses yeux étaient rougis, embués, signe qu'elle avait récemment pleuré. L'idée fit naître en lui une tension étrange, un mélange d'inquiétude et de colère. Qui avait pu la faire souffrir ainsi ?

Son esprit s'emballa. Était-ce une parole blessante d'un proche ? Un affront d'un inconnu ? Ou quelque chose de plus grave, un geste volontaire pour lui faire du mal ? L'envie soudaine de venger ses larmes monta en lui, irrationnelle mais puissante.

Elle était belle, indéniablement. Pourtant, ce n'était pas sa beauté qui le troublait, mais l'effet inattendu qu'elle avait sur lui. Il avait rencontré de nombreuses femmes dans sa vie, toutes aussi charmantes les unes que les autres, mais aucune n'avait éveillé cette intensité chez lui.

Depuis sept ans, il vivait prisonnier de cette allergie étrange qui transformait toute proximité féminine en épreuve physique insoutenable. Une simple approche pouvait déclencher nausées, éruptions, crises respiratoires. La plupart du temps, cela se terminait aux urgences. Même un regard, parfois, suffisait à provoquer un malaise.

Alors, il avait renoncé. Il avait enterré toute idée de relation, rejeté les désirs charnels et affectifs pour se consacrer à son empire. Le vide avait fini par devenir une habitude, une solitude acceptée.

Mais face à Shelby, quelque chose se brisait. Aucun signe d'allergie. Pas de malaise, pas de dégoût. Au contraire, il ressentait une attirance inédite, une envie de se rapprocher.

Il prit une décision risquée. Il fallait en avoir le cœur net.

Un sourire mesuré se dessina sur son visage, tentant de masquer l'agitation intérieure.

- Enchanté, dit-il en tendant la main.

- De même.

Elle lui rendit son sourire, simple, franc, et posa sa main dans la sienne. Ce contact fit courir un frisson d'anticipation dans tout son corps. Preston se prépara au pire, s'attendant aux symptômes habituels. Mais les secondes s'étirèrent sans que rien ne se produise. Pas la moindre réaction. Son corps restait calme, indifférent à ce contact féminin.

Autour d'eux, ses hommes échangèrent des regards étonnés. Ils savaient qu'il lui était impossible de toucher une femme. Pourtant, la preuve se tenait devant eux.

Preston en resta stupéfait. Tous ces tests, ces traitements, ces médecins spécialisés n'avaient jamais trouvé de solution à son cas. Et voilà qu'une inconnue parvenait, sans le vouloir, à déjouer cette barrière invisible.

L'espoir jaillit brutalement en lui. Était-elle la clé ? Était-ce avec elle qu'il pouvait espérer retrouver une vie normale ?

Cette perspective l'excitait autant qu'elle l'effrayait. Il avait bâti son existence autour de son isolement, et voilà que cette certitude vacillait.

Pourtant, une pensée obscure le traversa. Il n'avait jamais eu ce genre de réaction... sauf une seule fois. Mais ce souvenir était chargé d'amertume et de colère. Il préféra ne pas s'y attarder.

Shelby soutenait son regard, comme consciente que ce simple geste avait une importance particulière. Preston y vit peut-être un signe.

Il se détourna un instant et rejoignit Curtis, qui lui tendit déjà un bloc-notes numérique. Les informations s'affichèrent rapidement : « Shelby Irwin », fille aînée d'une famille respectable, au passé irréprochable. Pas d'histoires compromettantes, rien qui puisse nuire à sa réputation.

Rassuré, Preston revint vers elle.

- Alors... mademoiselle, vous dites que l'accident est dû à votre distraction ? lança-t-il, son regard brillant d'une lueur ambiguë.

Son visage resta fermé, sévère, impénétrable. Derrière ce masque, il élaborait déjà un plan. Ses lèvres se retroussèrent légèrement en un sourire cynique.

- Oui, monsieur... J'avais trop de choses en tête. Je vous présente encore mes excuses, dit Shelby, sincère, presque accablée.

Dans son esprit, elle revoyait ces traîtres, Tyson et cette sœur indigne, responsables de ce chaos qui l'avait menée à cet état de faiblesse.

La réponse de Preston claqua, froide comme la glace :

- Tes excuses ne me rendront pas ma Rolls-Royce flambant neuve, estimée à soixante millions de dollars.

- Ex... excusez-moi ? balbutia-t-elle, écarquillant les yeux.