Sa Blessure Secrète
img img Sa Blessure Secrète img Chapitre 1 Chapitre 1
1
Chapitre 6 Chapitre 6 img
Chapitre 7 Chapitre 7 img
Chapitre 8 Chapitre 8 img
Chapitre 9 Chapitre 9 img
Chapitre 10 Chapitre 10 img
Chapitre 11 Chapitre 11 img
Chapitre 12 Chapitre 12 img
Chapitre 13 Chapitre 13 img
Chapitre 14 Chapitre 14 img
Chapitre 15 Chapitre 15 img
Chapitre 16 Chapitre 16 img
Chapitre 17 Chapitre 17 img
Chapitre 18 chapitre 18 img
Chapitre 19 Chapitre 19 img
Chapitre 20 Chapitre 20 img
Chapitre 21 Chapitre 21 img
Chapitre 22 Chapitre 22 img
Chapitre 23 Chapitre 23 img
Chapitre 24 chapitre 24 img
Chapitre 25 Chapitre 25 img
Chapitre 26 Chapitre 26 img
Chapitre 27 Chapitre 27 img
Chapitre 28 Chapitre 28 img
Chapitre 29 Chapitre 29 img
Chapitre 30 chapitre 30 img
Chapitre 31 chapitre 31 img
Chapitre 32 Chapitre 32 img
Chapitre 33 Chapitre 33 img
Chapitre 34 Chapitre 34 img
Chapitre 35 Chapitre 35 img
Chapitre 36 Chapitre 36 img
Chapitre 37 Chapitre 37 img
Chapitre 38 Chapitre 38 img
Chapitre 39 Chapitre 39 img
Chapitre 40 Chapitre 40 img
Chapitre 41 Chapitre 41 img
Chapitre 42 Chapitre 42 img
Chapitre 43 Chapitre 43 img
Chapitre 44 Chapitre 44 img
Chapitre 45 Chapitre 45 img
Chapitre 46 Chapitre 46 img
Chapitre 47 Chapitre 47 img
Chapitre 48 Chapitre 48 img
Chapitre 49 Chapitre 49 img
Chapitre 50 Chapitre 50 img
Chapitre 51 Chapitre 51 img
Chapitre 52 Chapitre 52 img
Chapitre 53 Chapitre 53 img
Chapitre 54 Chapitre 54 img
Chapitre 55 Chapitre 55 img
Chapitre 56 Chapitre 56 img
Chapitre 57 chapitre 57 img
Chapitre 58 Chapitre 58 img
Chapitre 59 chapitre 59 img
Chapitre 60 Chapitre 60 img
Chapitre 61 Chapitre 61 img
Chapitre 62 Chapitre 62 img
Chapitre 63 Chapitre 63 img
img
  /  1
img
img

Sa Blessure Secrète

Moucharaf Owen
img img

Chapitre 1 Chapitre 1

#chapitre 1

Je n'ai jamais aimé les miroirs. Chaque fois que mon regard s'y perd, c'est comme si je traversais une fissure invisible qui me ramène à cette nuit. Le reflet me fixe, mais ce n'est pas vraiment moi. C'est elle, cette version brisée que j'essaie d'oublier. Ce matin-là, en me préparant, je me suis surprise à éviter mon propre visage. J'ai attrapé mon manteau beige, passé mon écharpe en laine autour de mon cou, et j'ai quitté l'appartement en claquant la porte derrière moi, comme si la vitesse pouvait effacer mes pensées. La pluie battait déjà le pavé humide de la vieille rue. Les façades grises et les balcons en fer forgé semblaient retenir leur souffle. J'ai glissé mes mains dans les poches de mon manteau, sentant le froissement sec du papier que je portais depuis hier soir. Trois mots griffonnés à la hâte : Je sais tout. Ils tenaient moins de place qu'un billet de métro, et pourtant, ils pesaient une tonne. Je descendais vers la place centrale. L'air sentait le café brûlé et la poussière mouillée. Un tram passa, projetant des éclaboussures sur les passants. Je me suis reculée d'instinct, évitant de justesse une gerbe d'eau sale. Mon téléphone vibra dans ma poche. Je savais déjà qui c'était. Personne ne m'appelle à cette heure-là, sauf lui. J'ai hésité à décrocher. Les sonneries s'égrenaient, lentes, insistantes. Au quatrième appel, j'ai répondu.

- Anick ? Sa voix était basse, presque un murmure.

- Qu'est-ce que tu veux, Vincent ?

- On doit parler.

- Ce n'est pas le moment.

- Tu as reçu la lettre ?

Mon cœur se serra. Il savait.

- Oui.

- Alors tu sais aussi que tu n'as plus beaucoup de temps.

La ligne coupa net. Pas de salutations, pas d'explications. Je restai immobile quelques secondes, comme si mon corps refusait d'obéir. Puis mes jambes se mirent à marcher toutes seules, plus vite que je ne l'aurais voulu. Les vitrines défilaient. J'apercevais mon reflet dans le verre des boutiques, déformé par la pluie, et chaque fois j'avais envie de détourner les yeux. Au coin de la rue des Marronniers, un café m'offrit un abri temporaire. L'odeur du pain chaud et du chocolat fondu me caressa les sens, mais mon estomac se contracta. Je pris une table au fond, près de la vitre embuée. Un serveur aux cheveux en bataille s'approcha.

- Un café noir, s'il vous plaît.

J'avais besoin de quelque chose de fort, de brûlant. Il s'éloigna en silence. Je posai mes coudes sur la table, les mains jointes devant ma bouche. Tout en fixant le brouillard qui dansait sur la vitre, mes pensées me ramenèrent à dix ans en arrière. Ce soir-là, il pleuvait déjà. J'avais dix-sept ans. Je portais une robe rouge, trop courte pour ma mère, parfaite pour lui. Nous étions sortis après le dîner. Il avait cette odeur de tabac froid et de menthe. Ses mains sur mes épaules, son rire qui couvrait celui des autres. Puis, soudain, la rue déserte. Les phares d'une voiture qui s'éteignent. Les cris. Et ce silence... lourd, irréversible. Le serveur posa la tasse devant moi, me tirant de ma torpeur.

- Vous allez bien ? demanda-t-il en me fixant un instant.

- Oui. Merci.

Je mentais. Mais j'avais appris à le faire bien. Je pris une gorgée de café. La brûlure me ramena dans l'instant présent. Dehors, une silhouette m'observait. Grande, manteau noir, capuche tirée. Je ne distinguais pas son visage, mais mon instinct criait danger. Je glissai quelques pièces sur la table et sortis sans terminer ma boisson. La pluie avait cessé, mais l'air était plus froid. Je pris à gauche, puis encore à gauche, comme pour me perdre volontairement dans le dédale des rues. Mais chaque fois que je jetais un coup d'œil derrière moi, la silhouette était là, à la même distance. Mon souffle s'accéléra. Mon cœur battait dans mes tempes. J'atteignis enfin l'entrée de mon immeuble. Les pierres anciennes semblaient m'offrir une protection fragile. Je montai les escaliers quatre à quatre, ma clé tremblant dans ma main. Une fois à l'intérieur, je verrouillai la porte, poussai la chaîne et m'appuyai contre le bois, respirant à grandes goulées. Mon téléphone vibra encore. Un message. Ne fuis pas. Tu sais que ça ne sert à rien. Je me laissai glisser au sol, le dos contre la porte. Les larmes menaçaient, mais je refusai de leur céder. Pas encore. Pas tant que je ne saurais pas qui se cache derrière cette menace. Mon regard tomba sur la vieille boîte en fer au-dessus de l'armoire. Je n'y avais pas touché depuis des années. Pourtant, mes mains se mirent à la saisir. À l'intérieur, des photos, une chaîne en argent, et un petit carnet à la couverture usée. Je l'ouvris. L'écriture penchée de Vincent me sauta aux yeux. Anick, un jour, tu devras tout dire. Une déflagration de souvenirs m'envahit. La voix de Vincent cette nuit-là, ses mains pleines de sang, son regard vide. Je refermai le carnet et le jetai sur le lit. Je ne voulais pas me rappeler, mais c'était trop tard. La sonnette retentit. Une fois. Deux fois. Trois. Je restai figée. Puis une voix familière traversa la porte.

- C'est moi. Ouvre.

Je reconnus la voix d'Élise, ma meilleure amie. Mon corps se détendit un instant. J'ouvris. Elle entra, ses yeux clairs balayant la pièce.

- Tu as l'air d'avoir vu un fantôme.

- Peut-être bien.

- Qu'est-ce qui se passe ?

Je lui tendis la feuille. Elle la lut, ses sourcils se froncèrent.

- C'est lui ?

- Je ne sais pas. Mais il me suit.

Elle serra ma main.

- Alors il est temps d'arrêter de fuir.

Ses mots étaient simples, mais leur poids était immense. Mon esprit se divisa en deux : la partie qui voulait se cacher encore, et celle qui brûlait d'en finir.

            
            

COPYRIGHT(©) 2022