C'était une autre humiliation, une autre façon de lui rappeler sa place. Elle n'était plus la maîtresse de maison ; elle était la bonne.
« Et comme tu as été si... faible, » ajouta-t-il avec une torsion cruelle des lèvres, « je t'autoriserai à manger les restes. »
Elle ne dit rien. Elle se dirigea vers la cuisine, son corps se déplaçant en pilote automatique. Ses mains étaient stables pendant qu'elle cuisinait, mais son cœur était un bloc de glace. Le riche arôme des truffes emplit l'air, un parfum qui signifiait autrefois la célébration et l'amour. Maintenant, il sentait juste la cendre.
Ils mangèrent dans la grande salle à manger. Évelyne picora sa nourriture, puis posa sa fourchette avec un soupir.
« Je m'ennuie, » annonça-t-elle en regardant Annabelle. « Danse pour moi. »
Annabelle la dévisagea. « Quoi ? »
« Je veux que tu danses. Ce serait si divertissant. »
Annabelle sentit une nouvelle vague de vertige. Elle avait perdu beaucoup de sang. Son corps criait sa protestation. Elle regarda Jacques, un plaidoyer silencieux dans les yeux.
Il croisa son regard, son expression inflexible. « Fais-le, Annabelle. Ne gâche pas son humeur. »
Elle se leva, ses jambes lui semblant de plomb. Elle se déplaça au centre de la pièce, son corps se sentant déconnecté, comme une marionnette dont les ficelles étaient tirées par un maître cruel. Elle commença à bouger, une imitation lente et maladroite d'une danse.
Puis, une douleur aiguë et fulgurante lui transperça l'abdomen. C'était si intense que ça lui coupa le souffle. Elle haleta, se tenant le ventre.
Une humidité chaude se répandit entre ses jambes. Elle baissa les yeux. Une tache rouge foncé s'épanouissait sur son pantalon de couleur claire.
Évelyne recula de dégoût. « Beurk, quelle horreur ! Jacques, regarde-la ! Elle est dégoûtante. »
Le visage de Jacques était un masque de fureur et de révulsion. « Qu'est-ce qui ne va pas avec toi ? » rugit-il. « Tu fais des saletés ! Tu as gâché l'appétit d'Évelyne ! »
Il ne lui a pas demandé si elle allait bien. Il n'a pas montré une once d'inquiétude.
« Nettoie ça, » ordonna-t-il, sa voix dégoulinant de mépris. « Maintenant. »
Il prit Évelyne dans ses bras, qui feignait un évanouissement délicat, et la sortit de la pièce comme si Annabelle n'était rien de plus qu'une saleté sur son tapis coûteux.
Elle fut laissée seule, par terre, dans une mare de son propre sang. La douleur était insupportable, mais la douleur dans son cœur était pire. Elle ne pleura pas. Elle avait appris que les larmes étaient inutiles avec lui. Pleurer ne ramènerait pas son bébé. Pleurer ne ramènerait pas l'homme qu'elle avait autrefois aimé.
Plus tard dans la nuit, la douleur s'était calmée pour devenir une douleur sourde et constante. Elle était allongée dans son lit, fixant le plafond, quand sa porte s'entrouvrit.
C'était Évelyne. Dans sa main, elle tenait un petit couteau bien aiguisé de la cuisine.
« Tu crois que tu peux gagner ? » murmura Évelyne, sa voix un sifflement venimeux. « Il est à moi. Il a toujours été censé être à moi. »
Elle se jeta sur elle. Annabelle réagit par pur instinct, attrapant le poignet d'Évelyne. Le couteau tomba sur le sol avec un cliquetis. Évelyne hurla, un cri aigu et théâtral.
« Elle essaie de me tuer ! Jacques, à l'aide ! »
Jacques fit irruption dans la pièce, son visage une tempête de rage. Il vit Évelyne par terre, se tenant le poignet, et Annabelle debout au-dessus d'elle. Il ne demanda pas ce qui s'était passé. Il n'en avait pas besoin. Dans son esprit, Annabelle était toujours la méchante.
Il arracha sa ceinture de son pantalon. Le cuir siffla dans l'air avant de s'abattre sur son dos. La douleur était vive, électrique. Il la frappa encore et encore.
« Salope ! » hurla-t-il, sa voix rauque de fureur. « Je vais te tuer ! »
Il lui donna un coup de pied. Fort. Dans le ventre.
Une douleur comme elle n'en avait jamais connue explosa en elle. C'était une agonie déchirante, qui lui retournait les entrailles. Elle s'effondra, un cri étranglé s'échappant de ses lèvres.
Le sang jaillit d'entre ses jambes, un torrent de rouge qui trempa ses vêtements et forma une flaque sur le tapis blanc.
Son bébé.
Son bébé était parti.
« Jacques, » haleta-t-elle, tendant la main vers lui, sa vision se rétrécissant. « Le bébé... s'il te plaît... sauve mon bébé... »