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La nuit avait été longue.
Noah n'avait pas dormi. Il avait marché pendant des heures, tournant dans les rues de la ville, le cœur lourd. Chaque fois qu'il fermait les yeux, il revoyait Maëva rire avec Khalil, cette complicité évidente, ce courant invisible qui passait entre eux. Il avait mal. Une douleur sourde et silencieuse. Celle qu'on cache, parce qu'elle n'a pas le droit d'exister.
Quand il rentra chez lui au petit matin, le ciel commençait à s'éclaircir. Il posa son sac sur le sol et s'affala dans le canapé, les yeux vides. Il n'alluma pas la lumière. Il resta là, dans le silence, à écouter le battement de son propre cœur.
Khalil l'appela vers 8h.
– T'as disparu hier soir.
Noah regarda son téléphone sans répondre tout de suite. Il finit par décrocher, la voix fatiguée.
– J'avais besoin d'air.
– Tu vas bien ?
– J'ai juste pas dormi, c'est tout.
Un silence flotta. Khalil n'insista pas. Il n'était pas du genre à creuser. Et Noah, lui, n'était pas du genre à parler.
– Maëva a demandé si t'étais rentré.
Noah sentit son ventre se contracter.
– Et qu'est-ce que t'as dit ?
– Que t'étais sûrement avec quelqu'un. Je sais pas, mec, j'ai improvisé.
– Merci.
Encore un silence. Plus pesant cette fois.
– Tu viens au terrain ce soir ? reprit Khalil.
– Je sais pas. On verra.
– OK. À plus.
Noah raccrocha. Il posa son téléphone à côté de lui, le regard vide. Il se sentait piégé dans ses propres émotions, incapable de les exprimer, incapable de les ignorer. Ce qu'il ressentait pour Maëva, c'était bien plus qu'un simple crush. C'était une présence constante, un manque permanent. Et ça le bouffait.
Du côté de Maëva, la matinée se déroula dans une sorte d'agitation confuse. Elle avait dormi, oui, mais pas paisiblement. Elle repensait à la façon dont Noah était parti la veille. Ce regard. Ce silence. Ce malaise qu'elle avait senti mais qu'elle n'avait pas su nommer.
Elle s'habilla rapidement, noua ses cheveux en chignon, enfila un jean et un sweat large, et sortit sans vraiment savoir où elle allait. Elle avait envie de le voir. De lui parler. De comprendre ce qu'il se passait.
Elle envoya un message.
Maëva – 09:12 :
Tu vas bien ? Tu m'as semblé distant hier...
Pas de réponse.
Elle hésita. Ce n'était pas son genre de courir après quelqu'un. Mais Noah, c'était différent. Il avait quelque chose de profond. Une sensibilité qu'elle n'avait pas encore cernée, mais qu'elle respectait.
Elle alla au parc, là où ils se retrouvaient parfois tous les trois. Il n'y était pas.
Elle resta assise un moment, seule sur le banc, le regard dans le vide. Elle se demandait si elle n'était pas en train de faire une erreur. Est-ce qu'elle jouait avec les sentiments de deux gars sans s'en rendre compte ? Est-ce qu'elle laissait son cœur la diriger sans réfléchir ?
Un enfant passa en courant devant elle, suivi par sa mère. Elle sourit malgré elle. Puis son téléphone vibra.
Noah – 10:07 :
Je vais bien. Désolé pour hier.
Maëva – 10:08 :
Tu veux qu'on parle ?
Un long moment s'écoula avant qu'il réponde.
Noah – 10:16 :
Pas maintenant.
Elle serra le téléphone contre sa poitrine. Quelque chose s'effondrait doucement en elle.
Le soir venu, Noah finit par aller au terrain de basket. C'était leur endroit. Là où tout avait commencé, là où leur amitié s'était construite. Il savait que Khalil y serait. Il savait aussi que Maëva pouvait passer. Mais il s'en fichait. Il avait besoin de bouger, de courir, de faire taire les pensées.
Khalil l'attendait déjà. Il dribblait doucement, en solo, concentré.
– Mec, t'as une sale tête, dit-il en le voyant arriver.
– T'as pas idée.
– Mauvaise nuit ?
– Comme jamais.
Khalil lui lança la balle. Noah l'attrapa, fit un dribble rapide, tira. Panier.
– Je savais que t'avais besoin de ça, sourit Khalil.
Noah hocha la tête, un demi-sourire au coin des lèvres. Mais le cœur n'y était pas.
Ils jouèrent un moment, en silence. Puis Khalil posa la balle.
– Je peux te dire un truc ? demanda-t-il, le regard sérieux.
– Je t'écoute.
– Je crois que Maëva me plaît vraiment.
Le monde de Noah s'arrêta de tourner pendant une seconde. Il baissa les yeux, tenta de respirer normalement.
– Tu crois ? murmura-t-il.
– Ouais... Je veux dire, je la regarde et je sens un truc que j'ai jamais ressenti. Elle est différente. Elle est vraie. Et je crois qu'elle me voit aussi. Tu vois ?
Noah releva les yeux. Il regarda Khalil droit dans les siens. Il voulait hurler. Il voulait lui dire : Moi aussi. Moi, je la vois depuis le premier jour. Moi, je l'aime en silence. Mais il ne dit rien.
– Si c'est réciproque, alors fonce, répondit-il.
Khalil sourit, soulagé.
– T'es le sang, mec.
– Ouais...
Noah serra les dents. Il avait envie de vomir. Il prit le ballon et repartit jouer seul, s'éloignant de Khalil. Chaque dribble était un battement de cœur brisé. Chaque tir était une prière muette.
Plus tard, Maëva passa effectivement. Elle les trouva en train de jouer. Elle resta un moment à observer, puis s'approcha.
– Salut les gars.
– T'es venue, lança Khalil en souriant.
– Je m'ennuyais.
Noah ne dit rien. Il fit un signe de tête rapide, puis continua à dribbler.
Maëva le remarqua. Elle s'approcha de lui.
– Tu m'évites ?
– Non.
– Tu me regardes à peine.
– J'ai juste pas envie de faire semblant.
Elle fronça les sourcils.
– De quoi tu parles ?
– Laisse tomber, Maëva. C'est rien.
Elle posa une main sur son bras.
– Noah... je veux comprendre.
Il la fixa un long moment. Il se mordit l'intérieur de la joue. Puis il souffla, fatigué.
– Je t'aime, Maëva. Voilà. C'est ça que je voulais pas dire.
Elle recula légèrement. Surprise. Blessée. Ou peut-être perdue.
– Noah...
– Laisse-moi finir. Je t'aime. Depuis longtemps. Mais je t'ai regardée tomber pour lui, et j'ai rien dit. Parce que je voulais pas tout gâcher. Parce que Khalil, c'est mon frère. Mais je peux plus faire semblant. Pas après ce que j'ai vu hier.
Elle baissa les yeux.
– Je savais pas...
– Je sais. Et maintenant tu sais. Alors choisis.
Il se retourna et s'éloigna, le cœur en vrac, les yeux humides. Il venait de tout risquer. Il venait de tout perdre.