Leïla a posé ses ciseaux. Le silence s'est fait dans l'atelier Veyron.
« Je pars. »
Sa voix était calme, mais chaque brodeuse a levé la tête.
Camille, sa meilleure amie, s'est approchée. « Tu pars où ? En vacances ? »
« Non. Je quitte la maison Veyron. J'ai accepté une résidence d'artiste à Kyoto. »
Un murmure a parcouru la pièce. Quitter Veyron ? Quitter Paris ? C'était impensable. Leïla était l'âme des broderies, la protégée du grand Hugo Veyron. Et surtout, sa femme.
Tout Paris connaissait leur histoire. Hugo Veyron, le directeur artistique génial et impitoyable, qui fondait devant sa femme. Il n'avait jamais manqué un seul dîner avec elle à 20 heures précises. Leur amour était une légende dans le monde de la mode.
« Mais... et Hugo ? » a demandé Camille, à voix basse.
Leïla a eu un sourire sans joie. « Hugo comprendra. »
Elle mentait.
La vérité, elle la gardait pour elle. La vérité était sur son téléphone, une vidéo qu'elle avait regardée jusqu'à en avoir la nausée. Une vidéo de l'ascenseur privé de l'atelier.
Hugo. Et Chloé, sa jeune protégée.
Leurs corps pressés l'un contre l'autre. Leurs bouches qui se dévoraient. Une étreinte qui n'avait rien de professionnel.
Cette vidéo n'était que le début. La vraie fissure, elle l'avait vue de ses propres yeux. C'était il y a une semaine. Hugo avait annulé leur dîner.
« Un essayage de dernière minute, mon amour. Un client important du Moyen-Orient. Je suis désolé. »
Un mauvais pressentiment l'avait poussée à prendre un taxi jusqu'à l'Avenue Montaigne. Elle n'était pas entrée dans l'atelier. Elle était montée sur le toit-terrasse de l'immeuble d'en face.
La vue sur Paris était magnifique. La Tour Eiffel scintillait. Et juste là, sur la terrasse privée de l'atelier Veyron, un feu d'artifice a éclaté. Pour le client, avait-il dit.
Sous les lumières colorées, elle les a vus. Hugo tenait Chloé dans ses bras. Il lui caressait les cheveux. Leurs silhouettes étaient collées. C'était une scène d'une intimité cruelle.
Camille l'a sortie de ses pensées. « Leïla, tu es sûre de toi ? Hugo... il t'étouffe. Il contrôle tout dans ta vie. Peut-être que c'est une bonne chose de prendre l'air. »
Leïla a hoché la tête. Elle a enlevé une bague de son doigt, une pièce unique de chez Cartier, un cadeau récent d'Hugo. Elle l'a tendue à Camille.
« Garde-la pour moi, s'il te plaît. Je ne veux plus la voir. »
Camille l'a prise, l'air inquiet. « Qu'est-ce qui se passe vraiment, Leïla ? »
Avant qu'elle ne puisse répondre, son téléphone a sonné. C'était Hugo. Sa voix était chaude, pleine d'amour.
« Mon cœur, la journée a été longue sans toi. J'ai hâte d'être à ce soir. »
Au même moment, une notification est apparue sur son écran. Une photo. Envoyée par un numéro inconnu. C'était Chloé, souriante, à Venise. Au bord d'un canal, Hugo était à côté d'elle, hors champ mais sa manche de costume était reconnaissable.
Et à son doigt, Chloé portait exactement la même bague Cartier.