Olivier s'est approché de moi, son visage était un masque d'inquiétude feinte.
"Chérie, tu as tout entendu ? C'était juste une blague entre nous, tu sais comment sont les garçons."
Une blague.
Il osait appeler ça une blague.
La rage a commencé à monter en moi, une rage froide et puissante qui a chassé le choc.
J'ai essayé de me relever, mes jambes tremblaient.
"Une blague ?" ma voix était un murmure rauque. "La vidéo... c'est une blague aussi ?"
Le visage d'Olivier s'est durci. Il m'a attrapé le bras, sa poigne était ferme, c'était un avertissement.
"Ne dis pas de bêtises."
Un de ses autres amis, un type que je n'aimais pas du tout, s'est approché et a posé sa main sur mon épaule d'un air faussement compatissant.
"Allez, ne sois pas si tendue. Olivier t'aime bien, à sa façon."
Son contact me dégoûtait. J'ai reculé violemment, me dégageant de sa main et de celle d'Olivier.
Leurs visages affichaient un mélange d'amusement et d'agacement.
Ils n'avaient aucun remords, aucune honte.
Pour eux, je n'étais rien.
Des images de notre mariage ont défilé dans ma tête, le jour où j'avais cru que ma vie de conte de fées commençait.
J'avais quitté mon petit appartement, arrêté de travailler à la librairie familiale pour me consacrer à lui, à notre foyer.
Je m'étais investie corps et âme dans cette relation, j'avais tout donné, croyant construire un avenir.
Et tout ça n'était qu'un mensonge, une mise en scène sordide pour amuser une bande de gosses de riches pourris.
J'étais tombée dans un piège, un abîme qu'ils avaient creusé pour moi.
Sans un mot de plus, je leur ai tourné le dos et je suis montée dans notre chambre.
Mes mains tremblaient tellement que j'ai eu du mal à ouvrir la porte.
Une fois à l'intérieur, j'ai verrouillé.
Mon regard a balayé la pièce, notre chambre, le lieu de notre intimité supposée.
Où était-elle ? Où était cette caméra ?
Mon cerveau fonctionnait à toute vitesse, alimenté par l'adrénaline et la fureur.
J'ai regardé le détecteur de fumée au plafond, l'horloge sur la table de chevet, le cadre photo sur la commode.
Finalement, mes yeux se sont posés sur le petit chargeur mural branché près du lit, celui qu'Olivier avait installé il y a un mois en disant que c'était plus pratique.
Je me suis jetée dessus, je l'ai arraché du mur.
En le retournant, j'ai vu le minuscule objectif noir, presque invisible.
Une vague de dégoût si violente m'a submergée que j'ai failli vomir.
J'ai serré le chargeur dans ma main et je l'ai fracassé contre le mur, encore et encore, jusqu'à ce qu'il ne soit plus que des morceaux de plastique.
Puis, je me suis effondrée sur le lit, les larmes coulant enfin, des larmes de rage, de honte et de désespoir.
Plus tard, j'ai entendu Olivier essayer d'ouvrir la porte.
"Jeanne, ouvre. On doit parler."
Je n'ai pas répondu.
Il a insisté, sa voix se faisant plus impatiente. Finalement, il a dû utiliser une clé.
Il est entré et m'a vue assise sur le lit, le visage ravagé par les larmes, les débris du chargeur par terre.
Il a soupiré, comme si j'étais une enfant capricieuse.
"Tu te fais des films. C'était juste pour rire."
Il a vu le test de grossesse que j'avais laissé tomber sur la table de chevet. Il l'a ramassé.
Ses yeux se sont écarquillés un instant.
"Tu es enceinte ?"
Puis, un sourire suffisant s'est dessiné sur ses lèvres.
"Eh bien, au moins mes efforts ont payé. Je commençais à me demander si j'y arriverais."
Son ton était si détaché, si froid, comme s'il parlait d'une transaction commerciale réussie.
Le mot "amour" n'a même pas effleuré ses lèvres.
J'ai relevé la tête, le regardant droit dans les yeux.
"Est-ce que tu m'as seulement touchée une seule fois sans que ce soit pour ton pari ?"
Il a évité mon regard, se dirigeant vers la fenêtre.
"Ne sois pas ridicule. Tu es ma femme. Bien sûr que je te touche."
Son refus de répondre directement était une réponse en soi.
Chaque caresse, chaque baiser, chaque mot doux avait été calculé.
Rien n'était vrai.
Absolument rien.
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