J'ai tourné la tête, et mon corps s'est raidi.
Juliette Moreau me regardait avec une inquiétude feinte, ses grands yeux innocents fixés sur moi.
Juliette.
Le sang dans mes veines a semblé geler. La scène avant ma mort a défilé dans mon esprit comme un film d'horreur. Ses mains me poussant violemment, le rugissement assourdissant du camion, la douleur atroce qui a déchiré mon corps, puis l'obscurité totale.
Je ne suis pas morte ?
J'ai regardé autour de moi, confuse. La boutique, les camarades de classe, Juliette... et la date affichée sur le grand écran publicitaire à l'extérieur.
C'est le jour de la Fête des Grands-Mères.
Le jour où tout a commencé. Le jour où Juliette a utilisé mes informations pour contracter un prêt frauduleux de plusieurs centaines de milliers d'euros, privatisant cette boutique pour impressionner toute la classe, se faisant passer pour une riche héritière cachée.
Je suis revenue. Je suis revenue au point de départ de mon cauchemar.
Une haine glaciale a envahi mon cœur, si intense qu'elle m'a presque fait trembler. Mais en surface, je suis restée calme.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? » ai-je demandé, ma voix un peu rauque.
« Tu t'es sentie mal tout à l'heure, tu as failli t'évanouir, » a expliqué Juliette avec un air attentionné, me tendant un verre d'eau. « Heureusement, tu vas mieux. Camille, pour ce que je t'ai demandé tout à l'heure... tu peux me prêter ta carte d'identité, s'il te plaît ? »
Sa demande. La même demande qu'elle m'avait faite dans ma vie précédente.
Elle voulait prendre ma carte d'identité, soi-disant pour une formalité, mais en réalité pour l'utiliser comme garantie pour le prêt.
Dans ma vie antérieure, naïve et stupide, j'avais accepté sans hésiter, la considérant comme ma meilleure amie.
Cette fois, j'ai regardé son visage, un visage qui paraissait doux et inoffensif, mais qui cachait une cupidité et une méchanceté sans fond.
J'ai souri froidement dans mon cœur.
« Non. »
Le mot est sorti de ma bouche, clair et ferme.
Juliette a été prise au dépourvu. Elle ne s'attendait manifestement pas à un refus aussi direct. Un éclair de mécontentement a traversé ses yeux avant qu'elle ne le masque rapidement par un air blessé.
« Camille... pourquoi ? Je pensais que nous étions amies. C'est juste pour une petite chose... Je ne veux pas que tout le monde soit déçu. »
Avant que je puisse répondre, une autre voix s'est interposée, pleine de reproches.
« Camille, qu'est-ce qui te prend ? Juliette est si gentille de nous inviter tous. Pourquoi es-tu si égoïste ? »
C'était Antoine Leclerc, mon petit ami. Ou plutôt, mon ex-petit ami de ma vie précédente. L'homme qui s'était tenu aux côtés de Juliette, me regardant me faire briser les jambes, et qui avait témoigné contre moi en disant que j'étais jalouse.
Il s'est approché et a essayé de prendre mon sac.
« Allez, donne-moi ça. Ne gâche pas la fête. »
J'ai serré mon sac contre moi, mon regard passant de son visage beau mais faible à celui de Juliette, qui jouait parfaitement le rôle de la victime.
Dans ma vie passée, j'étais tellement amoureuse d'Antoine. J'ai tout fait pour lui, ignorant les avertissements de mes parents sur son caractère influençable. Je pensais que mon amour pouvait tout changer.
Quelle idiote j'ai été.
J'ai été un pion dans leur jeu, une source de financement pour leurs ambitions, une échelle pour leur ascension sociale.
Mais plus maintenant.
La Camille Dubois qui leur faisait confiance est morte sous les roues de ce camion. Celle qui est revenue est une âme remplie de cicatrices et de vengeance. Et cette fois, je ne serai plus la victime.
Je serai le chasseur.