Chapitre 4

Le téléphone de Juliette a sonné au milieu de la nuit. C'était Madame Dubois, paniquée.

« Juliette ! Le financement a été annulé ! Le compte des Laurent est bloqué ! Qu'est-ce qui se passe ? »

Juliette n'y a pas cru. Elle a essayé de rassurer Madame Dubois, promettant de régler ça. Puis elle a appelé sa banque. C'était vrai. Tous les transferts vers les comptes de Madame Dubois et de son laboratoire avaient été gelés et rappelés.

Prise de panique, elle m'a appelé.

« Antoine ! Qu'est-ce que tu as fait ? » sa voix était stridente.

J'ai savouré le moment.

« Moi ? Rien du tout. »

« Ne mens pas ! Le financement de Madame Dubois a été coupé ! C'est toi ! »

« Non, Juliette. Ce n'est pas moi. Ce sont mes parents qui ont coupé les vivres. Tu sais, les vrais Monsieur et Madame Laurent. Ils n'aiment pas beaucoup qu'on utilise leur nom pour corrompre des professeurs. »

Un long silence a suivi, lourd de compréhension et de peur.

« Tes... tes parents ? »

« Tu as bien entendu. Maintenant, si tu veux bien m'excuser, j'ai une carrière à reconstruire. Ne m'appelle plus jamais. »

J'ai raccroché et bloqué son numéro. La sensation était exquise.

Le lendemain, les parents de Juliette, de vrais designers mais d'une influence bien moindre, ont tenté de sauver la situation. Ils ont contacté Madame Dubois, s'excusant pour le "malentendu" et proposant de financer eux-mêmes son projet. Madame Dubois, méfiante mais désespérée, a accepté.

Ils ne savaient pas que j'étais au courant. Grâce à un ami de la famille bien placé, chaque fois qu'ils signaient un contrat pour obtenir des ressources ou des sponsors pour Madame Dubois, mes parents intervenaient discrètement et faisaient capoter l'affaire. Un fournisseur de tissu annulait à la dernière minute. Un sponsor se retirait sans explication.

Après deux semaines de cet enfer, Juliette était à bout. Elle a réussi à me trouver à la bibliothèque de l'université. Elle avait l'air épuisée, des cernes sombres sous les yeux.

« Arrête, Antoine. S'il te plaît. »

Elle s'est assise en face de moi, la tête entre les mains.

« Je suis désolée. J'ai tout fait de travers. Je voulais juste aider Lucas. Il me rappelait tellement toi à tes débuts, plein de doutes, mais avec cette étincelle... J'ai cru que je pouvais lui donner un coup de pouce. »

Elle a sorti son téléphone et m'a montré des messages. C'était Lucas. Il la suppliait de l'aider, lui faisait des avances, lui disait qu'elle était la seule à croire en lui. C'était pathétique et manipulateur.

« J'ai déjà clarifié la situation avec Madame Dubois. La paternité du projet a été corrigée. Elle t'a réintégré. S'il te plaît, dis à tes parents d'arrêter. »

Je la regardais, impassible. Ses excuses semblaient sincères, mais je ne pouvais plus lui faire confiance.

« Donne-moi ton téléphone. »

Elle a hésité, puis me l'a tendu. J'ai trouvé le contact de Lucas. Je l'ai regardée droit dans les yeux.

« Je le supprime. »

Elle a hoché la tête, une larme coulant sur sa joue.

« Fais-le. »

J'ai effacé le contact et toutes leurs conversations. Une partie de moi, la partie stupide qui l'avait aimée, voulait la croire.

« Une dernière chance, Juliette. Une seule. Ne la gâche pas. »