La confrontation m'avait vidé de toute énergie.
Je ne voulais plus me battre, plus argumenter.
Je voulais juste partir, m'éloigner de cette douleur, de cette trahison.
"Je vais passer la nuit à l'hôtel," ai-je dit d'une voix lasse. "Demain matin, à neuf heures, à la mairie. Pour le divorce."
J'ai pris un dernier carton et me suis dirigé vers la porte.
Le visage de Clara s'est décomposé.
"Alex, attends ! Ne fais pas ça !"
Je ne me suis pas retourné.
J'ai fermé la porte derrière moi, laissant ses supplications se perdre dans le couloir.
Alors que j'attendais l'ascenseur, j'ai entendu sa voix à travers la porte.
Elle n'était plus suppliante, mais paniquée.
Elle était au téléphone.
"Quoi ? Un accident ? Comment ça va ? Tu es où ? J'arrive tout de suite !"
J'ai entendu le bruit de ses pas précipités, le cliquetis de la serrure.
Elle est sortie de l'appartement sans même me voir, le visage tordu par l'inquiétude, et s'est engouffrée dans l'ascenseur.
Je suis resté là, immobile.
Un accident.
Marc, sans aucun doute.
Et elle courait à son chevet sans une seconde d'hésitation.
Un souvenir amer m'est revenu en mémoire.
Il y a un an, ma petite sœur, Léa, avait fait une crise grave.
Elle était atteinte d'une maladie rare et son état s'était soudainement dégradé.
J'avais appelé Clara, paniqué, depuis l'hôpital.
"Chérie, c'est Léa, elle ne va pas bien, les médecins sont très inquiets. Tu peux venir ?"
Sa réponse avait été froide, distante.
"Alex, je suis en pleine réunion avec un client important. Je ne peux vraiment pas partir maintenant. Gère la situation, tu es son frère. Appelle-moi si ça s'aggrave."
Elle n'était jamais venue.
Elle ne m'avait même pas rappelé pour prendre des nouvelles.
À l'époque, j'avais mis ça sur le compte de son ambition, de son travail qui la dévorait. J'avais trouvé des excuses pour son manque d'empathie.
Aujourd'hui, je comprenais.
Ce n'était pas le travail.
C'était juste moi.
Ma famille, mes problèmes, ça ne l'intéressait pas.
Mais pour Marc, elle lâchait tout.
Je me suis senti stupide.
Tellement stupide de m'être voilé la face pendant si longtemps.
Je ne pouvais plus me mentir à moi-même.
La douleur s'est transformée en une colère froide et déterminée.
Le lendemain matin, j'étais devant la mairie à neuf heures précises.
J'ai attendu.
Neuf heures et quart.
Neuf heures et demie.
Elle n'est pas venue.
J'ai essayé de l'appeler.
Son téléphone sonnait dans le vide.
J'ai appelé des dizaines de fois.
Aucune réponse.
La colère montait en moi.
Elle m'avait encore posé un lapin.
Même pour divorcer, elle était incapable d'être ponctuelle.
J'ai composé le numéro de son bureau.
Une voix masculine a répondu.
"Bureau de Clara Moreau, bonjour."
La voix m'était vaguement familière.
"Bonjour, je voudrais parler à Clara Moreau, s'il vous plaît. C'est son mari, Alexandre Dubois."
Il y a eu un silence à l'autre bout du fil.
Puis la voix a repris, un peu moins assurée.
"Elle n'est pas disponible pour le moment. Puis-je prendre un message ?"
Et là, j'ai reconnu la voix.
Mon sang s'est glacé.
"Marc ?" ai-je demandé, incrédule.
Nouveau silence, plus long cette fois.
"Oui," a-t-il finalement admis.
L'air m'a manqué.
"Qu'est-ce que tu fais là ? Tu réponds à son téléphone professionnel ?"
"Je suis son nouvel assistant," a-t-il répondu, avec une pointe d'arrogance dans la voix.
Son assistant.
Le monde s'est mis à tourner autour de moi.
Elle ne l'avait pas seulement choisi lui.
Elle l'avait fait entrer dans sa vie professionnelle, à ses côtés, tous les jours.
Et moi, pendant ce temps, j'attendais comme un imbécile devant la mairie.
Un rire sans joie m'a échappé.
L'humiliation était sans fin.
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