L'Amour Après le Chaos
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Chapitre 1

Jean Dubois était une légende dans le milieu. On ne l'appelait pas "l'Œil d'Or" pour rien. Sa capacité à voir ce que les autres manquaient, à déceler le détail infime qui faisait basculer une affaire, était inégalée. Son bureau, sobre mais élégant, était orné de quelques souvenirs discrets, des témoignages silencieux de ses victoires passées : une gravure rare retrouvée, une lettre de remerciement d'un client au bord du gouffre, une photo de sa mère souriante.

Il avait tout ce qu'un homme pouvait désirer : une réputation sans tache, une situation confortable, et une épouse, Marie, une femme d'affaires aussi belle qu'influente.

Pourtant, sa dernière enquête majeure, une affaire complexe de contrefaçon d'œuvres d'art qui menaçait de secouer le marché parisien, venait de s'effondrer. Et la cause de cet échec avait un nom : Antoine Leclerc.

Antoine était un jeune artiste, arrogant et plein de charme, le protégé de Marie. Il avait réussi à s'immiscer dans leur vie, profitant de l'affection aveugle que lui portait l'épouse de Jean.

Ce soir-là, l'air dans leur grand appartement haussmannien était lourd. Jean fixait le dossier de l'affaire posé sur la table basse, un monument à son échec.

Antoine, affalé nonchalamment sur le canapé en velours, sirotait un verre de vin coûteux.

« Allons, Jean, ne fais pas cette tête. Ce n'était qu'un jeu. »

Un jeu. C'est ainsi qu'il qualifiait le sabotage. Il avait "accidentellement" laissé filtrer des informations cruciales à la partie adverse, ruinant des mois de travail acharné.

Jean tourna un regard glacial vers lui.

« Un jeu ? Des gens risquaient leur fortune, leur réputation. Ce n'était pas un jeu, Antoine. C'était mon travail. »

Marie s'approcha, posant une main sur l'épaule de son mari. Son parfum de luxe flottait dans l'air, mais il ne lui apportait aucun réconfort.

« Chéri, Antoine ne pensait pas à mal. Il est jeune, il est artiste. Il ne comprend pas ces choses-là. Fais preuve d'un peu de tolérance. »

La tolérance. C'était toujours le mot qu'elle utilisait pour excuser les frasques d'Antoine. Jean se sentit soudain incroyablement seul. Sa propre femme, celle qui aurait dû être son plus grand soutien, prenait le parti de ce gamin insolent qui venait de le poignarder dans le dos. L'indifférence dans ses yeux face aux conséquences de cet acte le blessa plus que le sabotage lui-même.

Il se leva, repoussant doucement mais fermement la main de Marie.

« Je suis fatigué. Je ne veux plus en parler. »

Il se dirigea vers son bureau, fermant la porte derrière lui. Il entendit le rire étouffé d'Antoine et la voix apaisante de Marie. Le son était comme du poison. Il ne pouvait plus supporter la présence d'Antoine dans sa maison, dans sa vie.

Quelques jours plus tard, usant de ses contacts et de son talent pour la discrétion, Jean mit au jour quelques détails peu reluisants sur le passé d'Antoine à l'étranger, notamment des dettes de jeu et une tendance à fréquenter des cercles peu recommandables. Une information anonyme, transmise au bon endroit, suffit. Antoine reçut une "opportunité" inespérée : une résidence d'artiste de six mois en Asie, tous frais payés par un mécène anonyme. Une offre qu'il ne pouvait refuser.

Marie fut contrariée, mais Jean feignit la surprise et l'ignora. Il espérait que cet éloignement forcé ramènerait un peu de paix dans son foyer.

Il se trompait. L'absence d'Antoine ne fit que creuser le fossé entre lui et Marie.

Puis, les mauvaises nouvelles commencèrent à pleuvoir, une averse drue et glaciale. Un appel de l'hôpital l'informa que sa mère, sa seule famille restante, avait fait une grave attaque. Son état était critique, elle avait besoin de soins constants et coûteux. Presque au même moment, le comptable de son entreprise familiale, une petite société d'investissement héritée de son père, l'appela. Les comptes étaient dans le rouge. Des placements hasardeux, des retraits inexplicables... L'entreprise était au bord de la faillite.

Jean se sentit acculé. Sa réputation de détective était ternie par le récent échec, les clients se faisaient rares. Les factures médicales de sa mère s'accumulaient. Il n'avait plus le choix.

Il devait revenir à ses premières amours, un domaine qu'il avait délaissé mais où son nom avait encore du poids : l'expertise d'œuvres d'art et d'antiquités. Une prestigieuse vente aux enchères de jade, organisée par la maison Delcourt, devait avoir lieu. Des pièces rares, des fortunes à la clé. C'était sa seule chance de renflouer les caisses, de sauver son entreprise et de payer les soins de sa mère. C'était sa dernière carte.

Le soir de la vente, Jean pénétra dans la salle somptueuse de l'hôtel particulier où se tenait l'événement. L'air vibrait de chuchotements feutrés et du parfum du luxe. Il se sentait étranger dans ce monde qu'il avait autrefois côtoyé avec aisance. Il cherchait une place discrète quand son regard se figea.

Là, près de la scène, sous la lumière crue des projecteurs, se tenait Marie. Et dans ses bras, tendrement enlacé, se trouvait Antoine Leclerc. Il était revenu. Et il n'était plus seulement le protégé de sa femme. Il était son amant.

            
            

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