La Chute de l'Imposteur
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Chapitre 2

La nuit est tombée sur Lyon avec la violence d'un orage. La pluie martelait les fenêtres de notre appartement. Chloé brûlait de fièvre dans son lit, son petit corps secoué de frissons. Ma cheville, maintenant dans une attelle, me lançait une douleur insupportable à chaque mouvement. J'étais seule.

J'ai appelé Robert. J'avais besoin d'aide. La fièvre de Chloé montait en flèche, et je ne pouvais pas conduire avec ma cheville fracturée.

Il a décroché à la troisième sonnerie, sa voix était lasse et irritée.

« Quoi encore, Juliette ? »

« Robert, Chloé a 40 de fièvre. Elle délire. J'ai besoin que tu viennes, je dois l'emmener aux urgences. »

Un silence. Puis un rire sec, dénué de toute chaleur.

« Une forte fièvre ? Tu ne trouves pas que c'est un peu gros comme prétexte ? Tu veux juste que je rentre. D'abord, tu t'excuses auprès de Cécilia pour ton comportement à la kermesse. Elle a été très choquée. »

J'étais sans voix. L'absurdité de la situation me donnait la nausée.

« M'excuser ? C'est elle qui m'a fait un croche-pied ! C'est toi qui m'as humiliée ! »

« Arrête de te trouver des excuses. »

Soudain, j'ai entendu la voix de Cécilia en arrière-plan, mielleuse et faussement faible. « Robert, chéri ? Peux-tu venir me donner mon médicament ? J'ai encore mal à la cheville à cause de la chute... »

Robert m'a coupé. « Je dois y aller. Cécilia a besoin de moi. Débrouille-toi. »

Il a raccroché.

La rage m'a donné une force que je ne pensais pas avoir. J'ai serré les dents, j'ai enfilé un imperméable par-dessus mon pyjama, j'ai enveloppé Chloé dans une couverture et je l'ai portée dans mes bras. Chaque pas jusqu'à la rue était une torture. La pluie glaciale nous trempait jusqu'aux os. J'ai finalement réussi à héler un taxi, mon corps tremblant de douleur et de fureur.

Aux urgences, un médecin a confirmé une grosse angine pour Chloé. Il m'a regardée, puis mon attelle.

« Vous êtes venue seule dans cet état ? Votre mari... ? »

« Je suis veuve, » ai-je répondu, la voix plate.

Quelques jours plus tard, la fièvre de Chloé était tombée. C'était presque son anniversaire. Pour lui changer les idées, je lui avais commandé une magnifique maquette de la Tour Eiffel, sa passion du moment. Je suis allée la chercher dans une boutique de jouets spécialisée du centre-ville, boitant sur mes béquilles.

Et là, au milieu des allées colorées, ils étaient là. Robert, Cécilia et Léo. Ils regardaient la même maquette.

Léo l'a pointée du doigt. « Papa, je la veux ! »

Robert m'a vue. Au lieu de la gêne, j'ai vu de l'agacement dans ses yeux.

« Juliette. Qu'est-ce que tu fais ici ? »

« Je viens chercher la commande de Chloé. Pour son anniversaire. »

J'ai montré la boîte que le vendeur venait de me tendre. C'était la dernière en stock.

Robert a froncé les sourcils. « Donne-la-moi. Léo la veut. »

« Non. C'est pour Chloé. »

Le visage de Robert s'est durci. « Ne sois pas si égoïste. Tu peux lui acheter autre chose. Léo est triste depuis la kermesse à cause de toi. C'est le moins que tu puisses faire. »

Cécilia a ajouté, d'une voix douce et venimeuse : « Juliette, s'il vous plaît. Ce n'est qu'un jouet. Ne rendez pas les choses plus difficiles. »

J'ai serré la boîte contre moi. « Non. »

Je suis partie sans un mot de plus, sous le regard furieux de Robert.

Plus tard dans l'après-midi, en faisant défiler distraitement Instagram, une photo a attiré mon attention. C'était Cécilia. Elle était au volant d'une Peugeot neuve, un grand sourire aux lèvres. La légende disait : « Merci à mon patron incroyable pour ce cadeau magnifique ! Le meilleur patron du monde ! #reconnaissante #nouveauchapitre »

Le premier commentaire était de Robert. « Je t'apprendrai à conduire. 😉 »

Mon cœur a cessé de battre. Par curiosité morbide, j'ai cliqué sur le profil de Cécilia. Il était public. J'ai fait défiler. Et j'ai tout vu. Une année. Une année entière de leur vie secrète, documentée photo par photo. Des dîners romantiques. Des week-ends à la campagne. Des vacances en Italie, pendant qu'il me disait être en voyage d'affaires à Berlin. Il y avait des photos d'eux s'embrassant, des légendes pleines de sous-entendus, des cœurs.

La dernière pièce du puzzle s'est mise en place. La trahison n'était pas un accident, pas une erreur. C'était un choix. Un long et délibéré choix.

La douleur a laissé place à une résolution glaciale. C'était fini. Vraiment fini.

                         

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