Le père d'Alan a lentement baissé sa main. Son visage est passé de la fureur à une honte profonde. Il a regardé son fils, puis moi, et il a compris. Il a compris qu'ils avaient été joués, mais surtout, que leur fils était indéfendable.
« Alan... » a-t-il murmuré, la voix brisée.
Alan, lui, tremblait de rage. Il n'était pas honteux, il était furieux d'avoir été exposé.
« C'est un montage ! Elle ment ! » a-t-il crié, mais sa voix manquait de conviction. Personne ne le croyait.
Mes parents m'ont aidée à relever mon père. Ma mère avait les larmes aux yeux, mais c'était des larmes de soulagement et de fierté. Elle a posé sa main sur mon bras, un soutien silencieux mais puissant.
Le proviseur du lycée est sorti, attiré par le tumulte. Il a vu la scène, a entendu les derniers échos de l'enregistrement. Son visage était sévère.
« Monsieur et Madame Moore, je pense qu'une conversation s'impose dans mon bureau. Quant à vous, Juliette, rentrez chez vous avec vos parents. Tout est en ordre. »
Son regard signifiait qu'il était au courant pour Dauphine. Il était de mon côté.
Alors que nous nous éloignions, j'ai entendu les murmures de la foule.
« Tu te rends compte ? Il a accusé cette fille pour couvrir sa propre bêtise... »
« Et son père qui voulait la frapper... Quelle famille... »
Alan était seul au milieu de la cour, sous le regard de dizaines de personnes. Son avenir, qu'il croyait si brillant, venait de s'effondrer en quelques secondes.
Les semaines qui ont suivi ont été un mélange étrange de calme et de tension. Les résultats du bac sont tombés. Alan, ayant manqué l'épreuve principale et bâclé les autres, n'a eu qu'une mention passable. Son dossier, autrefois destiné aux plus grandes prépas, était ruiné. Personne ne voulait d'un élève avec une telle réputation.
Moi, j'avais officiellement reçu ma lettre d'admission de Dauphine. Mes parents étaient aux anges. Nous préparions mon déménagement à Paris. La vie semblait enfin me sourire.
Mais je savais qu'Alan n'en resterait pas là. La haine que j'avais vue dans ses yeux ce jour-là était trop profonde. Il avait tout perdu, et dans son esprit tordu, j'étais la seule responsable.
Un soir, mon téléphone a sonné. Numéro inconnu. J'ai hésité, puis j'ai répondu.
C'était lui.
Sa voix était étonnamment calme, presque suppliante.
« Juliette ? C'est Alan. »
Je n'ai rien dit.
« Écoute, je sais que j'ai été un monstre. J'ai tout gâché. Mes parents me mettent une pression folle. Je... je pars. Je vais à l'étranger, dans une petite fac en Belgique que mon oncle m'a trouvée. »
Il a marqué une pause.
« Je voulais juste... m'excuser. Vraiment. Avant de partir. Est-ce qu'on pourrait se voir une dernière fois ? Pour dire au revoir. Dans le vieil appartement de ma grand-mère, tu sais, celui où on jouait quand on était petits. Juste cinq minutes. S'il te plaît. »
Le vieil appartement de sa grand-mère. Le lieu même où, dans ma première vie, il avait mis en scène mon agression.
Le piège se mettait en place. Exactement comme je l'avais prévu.
Mon cœur s'est serré, non pas de peur, mais d'une sorte de tristesse froide. Il n'avait rien appris. Il était prêt à recommencer.
J'ai pris une profonde inspiration.
« D'accord, Alan. J'y serai. »