Je suis rentrée à la maison. Le silence est total. Je monte directement dans notre chambre et je sors des cartons vides du placard. Je commence à remplir le premier avec mes livres, mes carnets de dégustation, mes affaires. Méthodiquement, sans une larme.
Antoine rentre bien plus tard, vers deux heures du matin. Il pousse la porte de la chambre, le visage rouge, euphorique. L'odeur d'alcool et du parfum de Chloé flotte autour de lui.
Il me voit, au milieu des cartons. Son sourire s'efface, remplacé par de l'agacement.
« Qu'est-ce que tu fabriques ? Il n'y a rien à manger ? Je meurs de faim. La soirée a été un triomphe. »
Je ne réponds pas, je continue de plier un pull.
« Tu m'écoutes ? Et demain, ne prépare rien pour le déjeuner. Je dois débriefer tard avec Chloé, on mangera au bureau. »
Il fouille dans sa veste et en sort une bouteille. Il me la tend nonchalamment.
« Tiens, c'est pour notre anniversaire de mariage. J'allais oublier. »
C'est une bouteille de champagne bas de gamme, le genre qu'on trouve en promotion au supermarché. Le genre de chose qu'il n'aurait jamais osé servir à ses invités.
Je le regarde enfin. Mon visage est vide de toute expression.
Je pose le pull que je tenais et je lui tends une enveloppe que j'avais posée sur la commode.
Il la prend, l'air perplexe. Il l'ouvre. Ses yeux parcourent le document. Son visage passe de l'incompréhension à la moquerie. Il éclate de rire. Un rire gras, insultant.
« Un divorce ? Mais tu es complètement folle. Tout ça pour un regard ? »
Je le fixe, et ma voix sort, plus froide que la glace.
« Oui. Pour ce regard. »
Je fais une pause, le laissant savourer son mépris.
« Et pour l'enfant que tu viens de sacrifier. Ce vin, notre création, dont tu as offert l'âme à une autre. »
Son rire s'arrête net. Il me regarde, enfin, comme s'il me voyait pour la première fois. Mais c'est trop tard. Il n'y a plus rien à voir.