"Commençons les enchères à dix mille euros !" a crié Bastien, ivre de son propre pouvoir.
Un homme d'affaires connu pour ses mœurs légères a immédiatement levé sa plaquette. "Vingt mille !"
Un autre a surenchéri. "Cinquante mille !"
Les chiffres grimpaient de manière frénétique. C'était un scandale, et ils adoraient ça.
Mon visage était projeté sur les écrans géants de chaque côté de la scène. Mes yeux vides, mon expression figée par le choc.
Je n'étais plus une personne. J'étais le lot 78.
Bastien me regardait depuis la scène, un triomphe cruel dans les yeux.
Il a murmuré quelque chose à Chloé, qui a ri aux éclats, couvrant sa bouche de sa main gantée.
J'ai entendu sa voix, amplifiée par le micro qu'il n'avait pas encore éteint.
"Tu vois, mon amour ? Je ferais n'importe quoi pour te voir sourire. Même vendre ce déchet."
Un déchet.
C'est ce que j'étais pour lui.
Mon grand-père avait sauvé le sien de la prison, peut-être même du peloton d'exécution.
Et voici comment sa famille me remerciait. En me vendant comme du bétail.
La colère, une émotion que j'avais réprimée pendant dix ans, a commencé à monter en moi. Une lave brûlante.
J'ai pensé aux dix années de solitude.
Aux dix années où il ne m'a jamais touchée. Si un de mes objets, un livre, un stylo, entrait en contact avec lui, il le jetait à la poubelle.
Il disait qu'il était maniaque de la propreté.
Je comprends maintenant. Ce n'était pas la propreté. C'était moi. J'étais la saleté qu'il ne pouvait pas supporter.
La seule raison pour laquelle il m'a gardée, c'était la promesse de son père. Une assurance contre le mauvais sort.
L'enchère a atteint deux cent mille euros.
Bastien a fait un geste vers moi. "Amélie, viens sur scène. Montre à nos généreux donateurs ce qu'ils pourraient gagner."
Sa voix était douce, mais ses yeux étaient des éclats de glace.
C'était un ordre.