C'était nos noces d'or, cinquante ans de mariage. Le domaine viticole de Bordeaux baignait dans une lumière dorée, chaque invité tenant une coupe de notre meilleur cru, le Château Étienne & Adèle.
Étienne était sur son lit de mort, entouré de nos enfants et petits-enfants. Sa main, fragile et tachetée, serrait la mienne.
« Adèle, » sa voix était un murmure.
« Oui, Étienne. »
« Je veux être enterré à côté de Chloé. Dans le caveau familial, à sa place. »
Le silence s'est abattu sur la pièce. Les regards de pitié de mes enfants se sont posés sur moi. Je les ai ignorés.
Chloé. Ma demi-sœur. Morte il y a cinquante ans.
L'amour de sa vie.
J'ai hoché la tête, mon visage sans expression. « Comme tu voudras. »
Il a souri, un dernier souffle de soulagement. Puis, il est parti.
J'ai regardé son visage apaisé et j'ai ressenti un vide immense, non pas de tristesse, mais de temps perdu. Cinquante ans de mariage, et sa dernière pensée était pour une autre.
Si seulement je pouvais tout recommencer. Je ne ferais jamais, jamais le même choix.
Mes yeux se sont fermés.
Quand je les ai rouverts, le lustre en cristal d'un château de la Loire scintillait au-dessus de moi. Je portais une robe de mariée blanche.
C'était le jour de mon mariage. Le premier.
Une demoiselle d'honneur s'est précipitée vers moi, le visage paniqué.
« Adèle ! Étienne... il est parti ! »
Elle m'a tendu un téléphone. Sur l'écran, une vidéo tremblante montrait Chloé, en larmes, au bord de la Loire.
« Étienne, si tu épouses ma sœur, je me jette dans le fleuve ! Je ne peux pas vivre sans toi ! »
Les invités murmuraient, choqués. La mère d'Étienne pleurait. Mon père serrait les poings, son visage rouge de fureur.
Moi, je n'ai ressenti qu'un immense soulagement.
Cette fois, je ne l'attendrais pas.
Mon regard a balayé la salle et s'est posé sur un homme dans un coin, seul, un verre de whisky à la main.
Lucian. L'héritier parisien, le mouton noir, le playboy des tabloïds.
Celui qui était mort pour moi dans l'incendie.
Je me suis levée, j'ai traversé la salle sous les regards stupéfaits de tous et je me suis arrêtée devant lui.
Il a levé les yeux, surpris.
« Lucian, » ai-je dit, ma voix parfaitement calme. « J'ai besoin d'un marié. Serais-tu d'accord pour prendre sa place ? »