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Laurenne GBÉDAN épouse AKUENU
- Tu es déjà rentré ? demandé-je à mon mari en sortant de la cuisine.
- Oui, Madame ma femme. Tu m'as tellement manqué que je suis rentré plus tôt du travail, répond Joshua avec un sourire charmeur.
- Regardez-moi ce gros flatteur ! dis-je en lui volant un baiser tout en m'installant sur ses genoux.
- Et toi, comment s'est passée ta journée ?
- Très bien, chéri. Je reviens du supermarché. J'ai fait les courses pour le déjeuner de demain. Dis-moi, tu veux qu'on te prépare un plat spécial pour le dîner ? Je demande en glissant ma main sur son crâne rasé.
- Oui. Toi, répond-il en appuyant ses mains sur mes hanches avant de poser sa tête sur ma poitrine.
Je l'adore, mon mari. Il sait toujours trouver les mots simples qui réchauffent mon cœur. Malgré les années et les rides, notre complicité et notre amour sont intacts. Chaque jour, il me fait tomber amoureuse de lui un peu plus. Je l'aime tellement, mon gros bébé barbu à la tête d'œuf.
- Ton fils n'est pas loin, tu sais. Il va débarquer d'une minute à l'autre, dis-je en me relevant.
- Je suis chez moi, réplique Joshua. D'ailleurs, il n'est pas encore en âge de quitter ma maison ?
- Je te rappelle que je suis chez mon père, Monsieur Akuênu ! lance Hervé en entrant dans le salon, comme je l'avais prédit. Tu devras supporter ma présence jusqu'à mes 40 ans.
- Chérie, tu entends ça ? Dis à ton fils de quitter ma maison ! À son âge, les garçons travaillent déjà, ont monté leur propre affaire et vivent loin des jupons de leur mère !
- Ne me mêlez pas à vos histoires, dis-je en montant les escaliers.
Je suis épuisé d'entendre ces disputes incessantes. On dirait des enfants, ces deux-là.
Comme tous les midis, ma famille et moi déjeunons dans une ambiance agréable. Seuls Hervé et Iris manquent encore à l'appel. J'insiste toujours pour que nous prenions ensemble les trois repas de la journée, en famille unie et soudée.
- Iris, viens avec moi. On va prendre notre dessert ailleurs.
Je l'invite en me levant.
- Maman !
- Je veux juste qu'on discute.
Je lui réponds, debout devant la porte de la salle à manger.
- Maman, pour info, je ne suis plus une gamine. J'ai 25 ans. VINGT-CINQ ANS, MAMAN ! J'en ai assez que tu me traites constamment comme une adolescente. Je suis adulte maintenant.
- Tu baisses d'un ton et tu me parles autrement. Je ne suis pas ta camarade.
- Qu'est-ce qui se passe ?
Mon mari demande en s'essuyant les lèvres avec une serviette de table.
- Ta fille sort avec un homme que je ne connais pas.
- Elle n'est plus une enfant. Laisse-la fréquenter qui elle veut. Quand elle sera prête, elle viendra nous en parler ou nous le présenter.
- Merci, Papa. Enfin quelqu'un qui comprend que je n'ai plus huit ans. D'ailleurs, il est temps que je prenne un appartement. J'ai besoin de mon espace.
- Tu peux toujours courir. Comme je l'ai dit à tes sœurs aînées, tu ne quitteras cette maison que lorsque ton futur mari viendra faire les démarches pour t'épouser.
- Chérie, cesse d'être sur son dos. Elle est grande maintenant. Elle a le droit de prendre ses propres décisions et d'en assumer les responsabilités et les conséquences.
- Attends une seconde. Papa, que veux-tu dire par "assumer les responsabilités et les conséquences" ?
- Je n'ai pas dépensé des millions pour tes études pour que tu me demandes la définition de ces mots.
- Ah, je vois. Tes filles sont tes enfants préférés, c'est ça ? Moi, je ne compte pas ? Tu les menaces à demi-mot pour qu'elles restent ici jusqu'au mariage, mais avec moi, tu es pressé que je parte.
- Je ne te parle pas, espèce de paresseux.
- Joshua, ta fille se promène dans tout Cotonou avec un inconnu et tu me demandes de ne pas m'inquiéter ?
- Je sais déjà tout ce qu'il y a à savoir sur ce garçon. Il vient d'une bonne famille. Tu n'as pas à t'en faire.
- Quoi ? Attends... Tu as enquêté sur moi ?
- Je n'en ai pas le droit ?
- Tu es sérieux, Papa ? Je n'ai même pas droit à une vie privée ? Tu n'as pas le droit d'aller fouiller dans ma vie. C'est ma vie privée. D'ailleurs, je retire le merci que je t'ai adressé tout à l'heure.
- Tu es notre fille. Tu ne peux pas fréquenter n'importe qui. Tu réalises ce que signifie le nom AKUÊNU dans ce pays et à l'international ? Aucun membre de cette famille ne peut agir à sa guise. Tout ce que ta mère et moi faisons, c'est pour ton bien.
- J'aurais préféré que vous me posiez directement des questions au lieu de jouer les détectives dans mon dos.
- Tu ne nous as pas laissé le choix.
- Vraiment ? Quand m'avez-vous interrogée sur lui et que vous ai-je caché ?
- Tu...
- Vous savez quoi ? me coupant, bon appétit.
Elle quitte la table, furieuse.
- Je l'ai invité demain à déjeuner.
- Je croyais que seuls les membres de la famille avaient droit à ce déjeuner ?
- Je connais bien ma fille. Si Iris s'affiche ouvertement avec ce Qadmiel, c'est que c'est sérieux. Même si tu as déjà fait tes enquêtes, je veux le voir et lui parler, face à face. Il y a des choses que seul l'instinct maternel perçoit.