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Laurenne GBÉDAN épouse AKUENU
- Maman !
- Oui, mon chéri. Je réponds en reprenant mes esprits.
- On ne va plus faire les courses pour le déjeuner du dimanche ?
- Si, si. Va prévenir Brice qu'on sort tout à l'heure et qu'il prépare la voiture. Je termine ce dossier et on y va.
- Je dois aussi acheter ma paire de baskets GOYA. J'en ai besoin pour ce week-end.
Je lui lance un regard appuyé avant de me reconcentrer sur mon travail.
Ce garçon a toujours des envies de dépenses inutiles...
Chaque dernier dimanche du mois, je réunis toute ma famille autour d'un déjeuner que j'ai instauré depuis le mariage de ma fille aînée. Ma famille passe avant tout, et ce rituel est ma façon de rester proche de mes enfants.
Une trentaine de minutes environ plus tard, je quitte la maison avec Hervé pour les courses de notre déjeuner du week-end.
- Maman, regarde !
- Regarder quoi ? je demande, le regard rivé sur mon chariot rempli de bouteilles de vin et de champagne.
- Ta fille.
- Ma fille ? Je relève la tête et suis la direction indiquée par son doigt.
J'aperçois ma cadette, bras dessus bras dessous avec un jeune homme de son âge.
- C'est qui, lui ?
- Je ne sais pas, mais à voir les gardes qui le suivent discrètement, ce n'est pas n'importe qui.
Je repose la bouteille de Moët & Chandon que je tenais et avance vers ma fille, laissant Hervé pousser le chariot.
- Iris ? Je l'interpelle dès que je suis à portée.
- Maman ! Que fais-tu là ? demande-t-elle, un peu surprise.
- (fixant l'homme à ses côtés) Bonjour.
- Bonjour, madame. Il me salue en tendant la main.
Je dévisage un instant cette main tendue avant de plonger mon regard dans le sien. Il retire alors sa main et la glisse dans sa poche, baissant les yeux.
- Maman, je te présente Qadmiel. Un ami.
- Un ami ? Hum...
- Tu fais des courses ?
- Non, elle est venue prier, rétorque son frère, moqueur.
Elle le fusille du regard.
- Invite ton ami à déjeuner demain, qu'on fasse connaissance.
- Non, non, il sera très occupé demain, elle s'empresse de répondre, l'air agacée.
- Aucun problème, je viendrai. Merci pour l'invitation, madame, me répond le garçon visiblement bien éduqué.
- D'accord. Iris, on déjeune dans une heure, je te veux à table. Je lance en me dirigeant vers la caisse.
Je suis une mère poule avec mes enfants, protectrice à l'extrême. Je n'aime pas qu'ils fréquentent n'importe qui. Même si ce jeune homme semble venir d'une bonne famille, je veux en avoir la certitude moi-même. Après tout, ce n'est pas parce que quelqu'un a des origines respectables qu'il est fréquentable.
J'ai connu la galère, la misère et la famine. Je me suis jurée que mes enfants, eux, vivraient dans l'opulence, sans jamais manquer de rien. Pour cela, je fais ce qu'il faut. Il est hors de question que mes enfants épousent quelqu'un en dehors de leur rang social. Ce Qadmiel, je le sais, n'est en rien un ami pour ma fille.
Mes deux aînées sont déjà mariées. Il ne reste qu'Iris et Hervé. Iris est rentrée au pays il y a environ un an, après sept ans d'études en Californie, où elle a obtenu un doctorat en droit. À son retour, son père a souhaité qu'elle travaille dans l'entreprise familiale ou dans le cabinet d'avocats qu'il a fondé, mais elle a refusé, préférant faire ses preuves dans un environnement neutre. Elle effectue actuellement un stage dans la filiale locale d'une grande firme internationale à Cotonou.
Mon fils Hervé, quant à lui, refuse d'aller étudier à l'étranger comme ses sœurs aînées. C'est le seul de mes enfants qui me fera blanchir les cheveux avant l'heure.