Chapitre 1 Chapitre 1 : L'Écran et la Lame

Minuit. Il n'y a rien de plus parfait que l'obscurité pour plonger dans l'illusion de la tranquillité. La lueur pâle de mon écran me guide à travers un monde où je suis invincible. Le reste n'a pas d'importance. Le reste est... hors de portée.

Je tape frénétiquement, sans m'arrêter. Un mouvement après l'autre, mes doigts dansent sur le clavier avec une précision presque obsessionnelle. C'est mon terrain de jeu. Le cyberespace, mon royaume. Personne ne peut m'atteindre ici. Pas même lui.

Elias Varenzo.

Je sens mon cœur accélérer à chaque pensée qui m'effleure à son sujet. Ce nom... Ce nom me brûle la peau chaque fois que je le prononce. D'un autre côté, c'est aussi ce qui me pousse à aller plus loin.

Je l'ai trouvé. Ou plutôt, il m'a laissée le trouver.

Je frémis légèrement à l'idée d'avoir ouvert cette porte. Un fichier. Je l'ai décrypté. Je sais ce qu'il cache. Des centaines de transactions, des noms, des chiffres... mais surtout un secret. Un secret tellement puissant que personne ne devrait jamais en avoir connaissance. Et pourtant, je l'ai vu. Et maintenant, il le sait aussi.

Je me sens comme une gamine en train de jouer avec le feu. Mais, qu'est-ce que j'ai à perdre ? Je suis Lyana Black, la hackeuse dont tout le monde parle, ou dont tout le monde aurait peur, si j'étais connue. Je laisse ma réputation se perdre dans les recoins sombres de l'internet, où mes faits et gestes ne sont que des rumeurs murmurées.

Mais ce soir, tout a changé.

Un bruit, faible mais distinct, me tire de mes pensées. Il se faufile dans la pièce comme un serpent. Je fige mes doigts. Quelque chose n'est pas normal. Je scrute l'obscurité, m'efforçant de ne pas paniquer. C'est sûrement mon esprit.

Je me concentre à nouveau sur l'écran, mais le clic qui retentit soudainement dans le silence est différent. Je sais que je n'ai rien touché.

Un avertissement. Un message qui apparaît. "Intrusion détectée. Contre-mesure en cours."

Je me fige.

Non. Ce n'est pas possible. Pas maintenant. Pas moi. Je suis toujours invisible. Je suis toujours une ombre.

Mon cœur s'emballe, et une vague de froid envahit la pièce. Mes muscles se tendent, et cette fois, je ne peux plus ignorer cette sensation. Quelqu'un est là.

Je tourne la tête brusquement. Toujours rien. Pourtant, l'air semble se faire plus lourd, oppressant, comme si une présence invisible s'était glissée dans la pièce, m'enveloppant lentement.

Je saisis mon téléphone, prête à envoyer un message, mais mes doigts se figent en l'air. Un souffle chaud effleure mon cou, me glissant dans la peau comme une caresse glacée. Le genre de caresse qui te fait frissonner... mais pas de plaisir. Seulement... la peur.

Je ferme les yeux, et là, je le sens. Là. Derrière moi.

Mon souffle se coupe, un frisson court le long de mon échine. Puis, la voix. Elle est douce, presque un murmure, mais elle me frappe de plein fouet.

"Tu as fait une très grosse erreur."

Je voudrais hurler, je voudrais fuir, mais mes muscles se sont figés. Je ne peux plus bouger. Je ne peux même plus respirer. La main qui se pose sur mon épaule est glacée, mais sa force... sa force est telle que je me sens écrasée. Une pression inexorable. Un pouvoir.

Je me retourne lentement, un frisson incontrôlable me secouant tout le corps. Et là, je le vois. Son visage est une énigme, un masque presque parfait, mais ses yeux... ces yeux sombres, profonds, remplis d'une promesse terrifiante. Il ne sourit pas, mais il sait. Il sait tout.

Elias Varenzo.

Le nom que je n'avais jamais voulu prononcer en dehors des zones les plus sûres de mon esprit. L'homme qui est plus qu'un mythe.

Je le déteste. Je le déteste pour ce qu'il est. Pour ce qu'il représente. Et pourtant, quelque part au fond de moi, il y a cette admiration. Cette fascination malsaine. Parce qu'il est tout ce que je ne suis pas. Il est l'ombre, je suis la lumière. Il est la menace, je suis la fuite.

"Tu pensais que tu pouvais me détruire, n'est-ce pas ?" Sa voix est basse, presque un murmure, mais chaque mot m'atteint comme une balle dans le cœur. Il sait ce que je pensais. Il sait pourquoi je suis là. Pourquoi je suis allée trop loin.

Je n'ai rien à dire. Rien à faire. Je suis coincée dans cette toile qu'il a patiemment tissée autour de moi. Je veux le repousser, me libérer, mais je suis paralysée. Tout est devenu irréel.

Je ferme les yeux, le souffle court. Il est là. Il est avec moi. Et tout ce que je pensais savoir, tout ce que j'avais prévu... tout ça s'effondre sous ses yeux. Il va me jouer.

Mais au fond de moi, je sens qu'il veut autre chose. Quelque chose que je n'arrive pas encore à comprendre. Et cela m'effraie. Parce que je sais que, dans ce jeu, il n'y a qu'un gagnant. Et ça ne sera pas moi.