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Lina entra dans l'atelier, l'air étouffant d'un parfum d'encre magique l'envahissant aussitôt. Les créateurs étaient absents. Tout était calme. Pourtant, la tension dans l'air se faisait presque tangible, comme une pression invisible qui pesait sur ses épaules. L'atelier semblait comme suspendu dans le temps, les tissus accrochés aux murs, les outils éparpillés sur les tables, tout restait figé, comme si l'univers entier attendait un signal pour se remettre en mouvement.
Elle s'avança lentement, ses pas résonnant faiblement sur le sol en bois. Un frisson la parcourut lorsqu'elle aperçut la machine à coudre au fond de la pièce, laissée en veille. L'outil, en apparence inoffensif, semblait néanmoins receler un pouvoir ancien et inquiet. Lina s'approcha avec une prudence nouvelle, chaque mouvement de son corps calculé. Elle sentit une chaleur étrange émaner de la machine, comme si elle respirait encore, comme si elle vivait.
Elle tendit la main vers la machine et, sans savoir pourquoi, la toucha du bout des doigts. Un choc traversa son corps, une secousse qui la fit vaciller. Ses yeux s'écarquillèrent. Quelque chose était là, dans cette pièce, quelque chose qu'elle ne comprenait pas encore totalement. Un secret dissimulé dans les recoins de l'entreprise, profondément enfoui sous les couches de mystère et de mensonges.
Soudain, la porte s'ouvrit derrière elle. Lina se retourna d'un coup, son cœur battant la chamade. Gabriel entra, aussi silencieux qu'un spectre, ses yeux sombres fixés sur elle.
- Tu es descendue dans la gueule du loup, murmura-t-il, sa voix rauque tranchant l'atmosphère tendue.
Elle n'eut pas besoin de poser de questions pour comprendre que quelque chose de grave était en train de se passer. Le regard qu'il lui lança en disait long, ses traits fermés, tendus, comme si chaque muscle de son corps était sous tension.
- Gabriel... Qu'est-ce que tu sais à propos de cette machine ? demanda-t-elle, sans pouvoir masquer l'angoisse qui montait en elle.
Il s'avança, ses pas lourds marquant un rythme lent, mesuré. Il s'arrêta à quelques mètres d'elle, jetant un regard furtif à la machine à coudre avant de la fixer à nouveau.
- Cette machine... n'aurait jamais dû être là. Elle n'aurait jamais dû être activée.
Il marqua une pause, et un éclair de compréhension traversa les yeux de Lina. Il y avait quelque chose d'absolument mauvais à propos de ce lieu, quelque chose de sinistre qui allait au-delà de ce qu'ils pouvaient imaginer.
- Cette machine... elle a été conçue pour tordre la réalité. Pour manipuler l'âme des créatures qui la portent, expliqua-t-il lentement. Elle les modifie, les rend encore plus dépendantes de l'enchantement, comme une sorte de... piège.
Lina sentit son estomac se nouer. Les implications de ce qu'il disait étaient immenses. Une machine qui ne modifiait pas seulement l'apparence mais l'essence même de ceux qui l'utilisaient... Un contrôle total, un pouvoir absolu.
- Qui a fait ça ? souffla-t-elle, les mots lui brûlant les lèvres.
Il s'approcha d'elle, les yeux remplis d'une ombre plus profonde. Un silence lourd s'abattit sur eux, une chaleur suffocante envahissant la pièce.
- Dorlane, murmura Gabriel.
Le nom, prononcé à peine plus fort qu'un souffle, fit l'effet d'un coup de tonnerre dans l'esprit de Lina. Dorlane, la directrice de l'entreprise, la femme qu'elle avait toujours respectée et admirée, celle en qui elle avait mis toute sa confiance. Et maintenant, cette révélation... Elle ne pouvait y croire. Dorlane était la maîtresse d'un secret si obscur, si terrifiant, qu'il menaçait de détruire tout ce qu'ils avaient construit.
- Elle a utilisé cette machine pour renforcer l'emprise de l'entreprise sur ses clients, continua Gabriel. Mais elle n'a pas seulement voulu les contrôler. Elle a voulu les posséder, leur voler leur liberté.
Lina recula d'un pas, son esprit en ébullition. Chaque parole de Gabriel faisait écho dans sa tête, mais une pensée persistante émergea, plus tenace que les autres : Pourquoi me dire ça maintenant ?
- Pourquoi me le dire maintenant ? demanda-t-elle, la voix brisée par l'incertitude.
Il la fixa intensément, une profondeur d'émotion dans ses yeux qui la fit vaciller. Puis, lentement, il avança encore, jusqu'à être tout près d'elle. Il déposa une main douce sur son bras, son contact presque chaud, mais si délicat, comme une promesse.
- Parce que je ne peux pas te laisser dans l'ignorance plus longtemps. Ce secret... il te concerne aussi.
Elle le regarda, perdue, cherchant à déchiffrer ce qu'il lui disait, mais avant qu'elle puisse poser une nouvelle question, un bruit de pas précipités retentit à l'entrée de l'atelier.
Lina tourna la tête, et son regard se posa sur la silhouette de Dorlane, qui se tenait là, dans l'embrasure de la porte, son regard acéré perçant l'atmosphère tendue. Derrière elle, une silhouette plus grande, plus imposante, se dessina. Miko Dragic.
- Il est temps de parler, dit Dorlane, d'une voix froide comme la pierre.
Lina sentit son cœur s'emballer en voyant la silhouette imposante de Miko Dragic se dresser dans l'embrasure de la porte. L'air sembla se charger d'électricité statique, chaque seconde devenant plus lourde que la précédente. Miko n'était pas un simple homme de main. Il était un monstre de puissance, un colosse qui faisait régner la peur dans l'atelier. Ses traits impassibles étaient comme sculptés dans la roche, et il ne souriait jamais. Mais ce qui fit trembler Lina, ce n'était pas seulement la stature de l'homme, mais la certitude qu'il se trouvait là pour quelque chose de bien plus sinistre que ce qu'elle pouvait imaginer.
Dorlane, quant à elle, semblait plus calme, mais un froid glacial émanait de son regard. Elle les observait, l'air calculateur, comme si elle avait prévu cet instant depuis longtemps, comme si chaque mouvement, chaque parole, avait été orchestré dans l'ombre.
- Vous avez joué à un jeu dangereux, commença Dorlane, sa voix douce mais perçante, comme un poison lent qui s'infiltrait dans les veines. Vous ne pouvez pas continuer à ignorer ce que cette entreprise représente.
Lina se figea. Elle avait toujours respecté Dorlane. Elle avait cru en elle. Et maintenant, entendre ces mots, dans ce ton froid et presque impitoyable, lui fit l'effet d'une gifle.
- Vous êtes... vous êtes impliquée dans tout ça ? demanda-t-elle d'une voix tremblante.
Dorlane haussait les sourcils, un léger sourire en coin, comme si cette question était la plus naïve qu'elle ait entendue. Elle s'avança lentement, le cliquetis de ses talons résonnant dans la pièce. Miko Dragic la suivit, son regard menaçant se posant sur Gabriel avant de revenir vers Lina.
- Oh, Lina, tu ne comprends pas, n'est-ce pas ? Enigma Couture n'a jamais été simplement une entreprise de costumes. C'est bien plus que ça. C'est un outil de pouvoir, un instrument de domination. Et maintenant que tu as pénétré cet univers, tu n'as plus d'échappatoire.
Lina sentit un frisson glacial parcourir son échine. Elle aurait voulu reculer, s'échapper, mais elle savait que chaque mouvement de fuite serait vain. Elle était déjà trop impliquée, trop marquée.
Gabriel se tenait à côté d'elle, son regard sombre mais résolu. Il semblait prêt à défendre sa position, mais elle savait qu'il était aussi piégé que lui. Il n'y avait pas de sortie facile.
- Pourquoi me le dire maintenant ? répéta Lina, presque comme un souffle, son regard perdu entre Gabriel et Dorlane.
Dorlane s'arrêta devant elle, et ses yeux perçaient la jeune femme d'un regard glacial.
- Parce que c'est trop tard pour revenir en arrière. Parce que ce que tu as vu ici, ce que tu sais maintenant, fait de toi une menace. Mais plus que ça, tu fais partie de tout cela maintenant. Tu as été marquée, Lina.
Lina s'écarta lentement, un éclat de compréhension grandissant dans son esprit. Marquée ? Comment pouvait-elle être marquée, elle qui n'avait jamais cherché qu'à mener une vie ordinaire ?
Elle s'apprêtait à parler, à demander plus de détails, mais Miko Dragic fit un pas en avant, son regard de fer planté dans le sien.
- Tu ne comprends pas. Il n'y a plus de "vie ordinaire". Ce que tu as vu ce soir, ce que tu sais maintenant, fait de toi une pièce maîtresse dans ce jeu. Un jeu bien plus grand que tu ne l'imagines.
Il s'avança d'un pas, le bruit lourd de ses bottes résonnant comme un écho menaçant.
- Tu es maintenant impliquée dans quelque chose que tu ne peux pas maîtriser, lança-t-il d'une voix gutturale.
Lina sentait son cœur battre dans sa gorge, sa respiration se faire plus difficile. Elle tourna son regard vers Gabriel, qui semblait aussi perturbé qu'elle, mais il y avait quelque chose dans ses yeux, une lueur d'espoir, d'urgence, qui ne lui échappa pas. Il savait que le moment était venu. Que cette confrontation était inévitable.
- Que voulez-vous de moi ? demanda-t-elle, les mots presque étouffés.
Dorlane la fixa un instant, un sourire mystérieux sur les lèvres.
- Je veux que tu comprennes, Lina. Je veux que tu comprennes que tout ce que nous avons construit est fragile. Mais c'est toi, maintenant, qui détient la clé pour changer la donne. Tu es une pièce du puzzle, et tu ne peux plus ignorer ce que tu es devenue.
Lina cligna des yeux, désorientée. La pièce se resserrait autour d'elle, l'air lourd de menaces et de secrets encore plus sombres qu'elle n'aurait pu imaginer. Mais au fond de son cœur, une question persistait. Si elle était cette clé, alors à quel prix devrait-elle l'utiliser ?
Le silence s'étira alors qu'elle cherchait à comprendre, à anticiper ce qui allait suivre. Mais dans le regard de Gabriel, une lueur d'inquiétude brilla. Il savait que ce qu'elle avait vu ce soir allait changer leur destinée à tous.
Miko Dragic s'avança encore, son visage se fermant. Il était évident que la conversation arrivait à son apogée, et que les choix qu'ils allaient faire maintenant détermineraient leur avenir.
- Nous allons voir si tu es prête à faire face à ce qui arrive, dit-il d'une voix menaçante.