Élias n'était pas naïf. Il savait que ce genre de ragots ne surgissait pas de nulle part. Mais il n'était pas préparé à ce qu'ils viennent si près de lui. Il se leva brusquement, parcourant la pièce en quelques pas, avant de revenir prendre le journal entre ses mains comme une arme.
« Tu t'es toujours montrée discrète, Cassandre. Mais là, ça va trop loin. » Sa voix n'avait pas tremblé, elle était sèche, tranchante. Comme si cette rumeur venait éroder tout ce qu'ils avaient mis en place, tout ce qu'ils avaient décidé de cacher sous des années de contrats et de faux sourires.
Elle le regardait sans un mot, comme si la vérité lui échappait, comme si elle savait exactement où cette histoire allait les mener. Il n'y avait pas de surprise dans ses yeux. Juste un vide calme, presque trop maîtrisé. Mais il n'était pas dupe. Ce regard, cette indifférence, tout cela ne faisait que nourrir la rage qui montait en lui.
« Tu vas me dire que ce n'est pas vrai ? Que tu n'as pas quelqu'un d'autre ? »
Les mots étaient là, ils roulaient sur sa langue, brûlants, chargés d'acide. Et il les lançait à la figure de Cassandre comme une accusation. Mais il ne savait pas encore que ce qu'il disait, il ne le croyait pas vraiment. C'était simplement qu'il ne supportait pas d'être exposé à cette vérité qui lui semblait si éloignée, si hors de portée.
Cassandre éclata de rire. Un rire sans joie, dénué de toute chaleur. « Vraiment ? Tu penses qu'une rumeur de plus peut nous détruire ? Tu crois que je vais m'abaisser à te justifier, moi, devant un journal à la con ? »
Il la fixa, stupéfait. Elle, une façade de calme, une guerre dans les yeux. Elle l'atteignait, elle le secouait. « Tu veux qu'on parle de ton infidélité à toi ? Ou tu préfères que l'on laisse ce genre de détails au placard ? »
Il ne s'attendait pas à cela. Il n'avait pas prévu qu'elle contre-attaque avec une telle violence, une telle assurance. Mais c'était déjà trop tard, la graine de la méfiance avait été plantée. Et il n'y avait plus de retour possible. « C'est toi qui joues à ça. Pas moi, » lâcha-t-il d'un ton acerbe.
« Alors pourquoi tu te fais du cinéma maintenant ? Pourquoi tu viens chercher des excuses là où il n'y en a pas ? Je ne suis pas ta poupée de porcelaine, Élias. » Elle s'approcha de lui, ses mots frappant son visage comme des coups de poing invisibles. « Tu veux savoir pourquoi je suis ici ? Parce que c'est un arrangement. Parce que c'est ce que nos familles veulent. Mais crois-moi, si tu me cherches, je vais te montrer qui je suis vraiment. »
Les mots pendaient entre eux, lourds de sens. Il voulait l'attraper, la secouer, mais il savait qu'il se perdait dans ses propres incertitudes. Elle le dominait dans cette scène, elle avait cette capacité de le laisser désemparé, de le pousser dans ses retranchements sans jamais le laisser reprendre l'initiative. Elle l'attirait et le repoussait en même temps, comme une force qu'il ne pouvait pas apprivoiser.
« Tu penses que ça m'importe ? » demanda-t-il d'une voix glacée, mais il savait que ce n'était pas le cas. Il savait que ce qu'il disait n'était qu'un leurre. Ce n'était pas la rumeur qui le perturbait. C'était la question de sa place dans cette relation. Sa position. Son contrôle. Elle, Cassandre, avait ce pouvoir inouï de l'ébranler en un instant.
Elle le regarda longuement, comme si elle le mesurait. Puis elle fit un pas en arrière, une distance qu'il n'avait pas vue se créer. Elle s'éloigna à peine, mais ça suffisait. Un espace se formait entre eux. Et c'était là que le gouffre commençait à s'élargir. Un vide, une fracture. Il n'avait jamais cru que ce genre de chose pourrait avoir lieu entre eux, pas avec une relation qu'il pensait si... bien orchestrée.
Cassandre brisa enfin le silence. « Ne viens pas me faire croire que tu n'as jamais fait ce genre de jeu avec d'autres femmes. Si tu pensais que je n'avais rien à perdre, tu te trompes. » Elle se tourna alors, la tête haute, sa voix maintenant douce mais tranchante, comme une lame invisible. « Tu veux savoir si je vois quelqu'un d'autre ? Peut-être. Et alors ? »
Élias se figea. Les mots le frappèrent de plein fouet. Il ne s'était pas attendu à ce genre de réponse, et pour la première fois depuis qu'il avait rencontré Cassandre, il douta. Et si elle disait vrai ? Et si elle avait vraiment quelqu'un d'autre, et que tout ça n'avait été qu'un mensonge, un jeu ? Mais non, ce n'était pas ça qui le perturbait. C'était cette sensation qu'il était devenu l'instrument d'un plan qu'il ne comprenait pas.
« Tu ne me fais plus peur, Élias, » dit-elle calmement, comme si elle venait de clore une porte. « Tu peux me demander ce que tu veux, mais ça ne changera rien. »
Le silence s'installa alors qu'il tentait de digérer ses paroles. Il sentit la colère monter en lui, une colère noire, une colère qu'il n'avait pas laissée émerger avant. Elle l'avait défié, et à un certain niveau, cela le touchait. C'était bien plus qu'un simple affront, bien plus qu'une question de fidélité ou de mensonge. C'était une guerre de pouvoirs. Un jeu de manipulation qu'il n'avait pas vu venir.
« Alors, qu'est-ce que tu veux, Cassandre ? » Il n'était plus lui-même. Ce n'était plus une discussion entre deux personnes mariées, c'était devenu une confrontation. Un duel sans règles, sans limites. « Tu veux tout ? Tu veux me voir à genoux ? Parce que tu sais bien que tu es la seule à contrôler cette histoire. »
Elle se tourna vers lui, et cette fois, il n'y avait pas de mépris dans ses yeux, seulement une sorte de défi tranquille, comme si elle venait de poser la dernière pièce du puzzle.
« Tu crois que c'est ce que je cherche ? Regarde-toi, Élias. Tu es tellement en quête de contrôle que tu oublies qu'aucune de tes certitudes ne tient la route. Je ne suis pas ton jouet, je ne suis pas ta possession. » Elle fit une pause, avant de souffler, « Je suis plus que ça. Et tu vas devoir t'en rendre compte. »
Un frisson glacé lui parcourut le dos. Il n'avait jamais imaginé qu'une telle tension puisse naître entre eux. Mais c'était là, dans l'air, palpable, comme une promesse. Une promesse qu'il ne pouvait pas ignorer, une étincelle qui venait de se rallumer, aussi dangereuse que séduisante.
« Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? » murmura-t-il, la voix rauque, un peu trop basse pour que ce soit vraiment une question.