Chapitre 2 Les Mondes Opposés

Kader Seck ne pouvait chasser Yakhara Gueye de ses pensées. Depuis leur rencontre au marché de Sandaga, son visage, sa voix et son sourire timide revenaient sans cesse dans son esprit. Il avait l'habitude des mondanités, des réceptions protocolaires et des conversations policées avec des personnes qui ne disaient que ce qu'il voulait entendre. Mais Yakhara était différente. Elle était authentique, sans prétention, et cela le fascinait. Pourtant, il savait que leur rencontre n'était pas anodine.

Lui, le fils du président, et elle, une orpheline qui gagnait sa vie en vendant des bijoux artisanaux. Leurs mondes étaient séparés par un abîme social et culturel, mais Kader ne pouvait s'empêcher de vouloir la revoir.

Yakhara, de son côté, essayait de reprendre le cours de sa vie. Elle vivait dans une petite maison en bordure de la ville, un endroit modeste mais propre, qu'elle partageait avec une amie d'enfance, Fatou. Les murs étaient tapissés de tissus colorés, et les rares meubles qu'elles possédaient étaient usés par le temps. Chaque matin, Yakhara se levait à l'aube pour préparer ses bijoux avant de se rendre au marché. Elle aimait ce moment de calme, où elle pouvait laisser libre cours à sa créativité. Ce matin-là, alors qu'elle enfilait des perles sur un fil de cuivre, Fatou entra dans la pièce, un bol de café à la main.

- Tu penses encore à lui, hein ? demanda Fatou en souriant.

Yakhara rougit légèrement, mais ne répondit pas tout de suite. Elle prit le bol de café et souffla sur la surface fumante avant de prendre une gorgée.

- Je ne sais pas, dit-elle enfin. C'est juste... il était différent. Gentil, respectueux. Et il a aimé mes bijoux.

Fatou s'assit en face d'elle, les yeux pétillants de curiosité.

- Et tu sais qui c'est, non ? Kader Seck, le fils du président ! Tu réalises ça, Yakhara ?

Yakhara baissa les yeux, gênée. Elle avait entendu les commérages au marché, mais elle essayait de ne pas y penser. Elle ne voulait pas se faire des illusions.

- Oui, je sais, dit-elle doucement. Mais ça ne change rien. Il est parti, et je ne le reverrai probablement jamais.

Fatou soupira, mais ne dit rien. Elle connaissait Yakhara depuis toujours et savait à quel point elle était prudente, presque trop prudente. Elle avait appris à se protéger, à ne pas trop espérer. Mais Fatou voyait bien que cette fois, c'était différent.

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~~Le monde de Kader~~

Pendant ce temps, Kader était de retour dans son univers luxueux. La résidence présidentielle, située en périphérie de Dakar, était un vaste domaine entouré de jardins luxuriants et de murs de sécurité. Les employés de maison s'affairaient silencieusement, et les gardes armés veillaient à chaque entrée. Kader avait grandi dans ce monde, mais il s'y sentait souvent étouffé. Ce matin-là, il était assis dans la salle à manger, un journal à la main, mais il ne lisait pas vraiment. Son esprit était ailleurs.

- Kader, tu m'écoutes ? demanda sa mère, Aïcha Seck, en posant sa tasse de thé sur la table.

Kader leva les yeux, surpris.

- Désolé, maman. Je pensais à autre chose.

Aïcha le regarda avec attention. Elle connaissait son fils mieux que quiconque, et elle savait quand quelque chose le tracassait.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle doucement.

Kader hésita. Il ne voulait pas inquiéter sa mère, mais il avait besoin de parler à quelqu'un.

- J'ai rencontré quelqu'un, dit-il enfin. Une jeune femme. Elle est... différente.

Aïcha sourit, intriguée.

- Différente comment ?

- Elle est simple, authentique. Elle fabrique des bijoux et les vend au marché. Elle s'appelle Yakhara.

Aïcha hocha la tête, mais son sourire s'effaça légèrement.

- Yakhara, répéta-t-elle. Et tu penses la revoir ?

Kader regarda sa mère, cherchant à lire dans ses yeux.

- Oui, je veux la revoir. Mais je sais que ce ne sera pas facile.

Aïcha soupira. Elle comprenait les sentiments de son fils, mais elle savait aussi à quel point leur position sociale était fragile.

- Kader, tu sais que ton père ne sera pas d'accord. Et les médias... ils ne te laisseront pas tranquille.

Kader serra les poings, frustré.

- Je sais, maman. Mais je ne peux pas ignorer ce que je ressens.

Aïcha posa une main sur celle de son fils.

- Je comprends, mon fils. Mais sois prudent. Le monde dans lequel nous vivons n'est pas tendre.

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Petit jour plus tard.......

La deuxième rencontre

Kader ne pouvait attendre plus longtemps. Deux jours après leur première rencontre, il retourna au marché de Sandaga, espérant retrouver Yakhara. Il la vit de loin, assise derrière son étal, en train de discuter avec une cliente. Son cœur battit plus vite. Il prit une profonde inspiration et s'approcha.

- Bonjour, Yakhara, dit-il en souriant.

Yakhara leva les yeux, surprise. Elle ne s'attendait pas à le revoir si vite.

- Kader, murmura-t-elle. Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Je voulais te revoir, dit-il simplement. Et peut-être acheter un autre bijou.

Yakhara rougit, mais elle sourit.

- Tu as déjà payé plus que ce que tu devais la dernière fois.

Kader rit.

- Et alors ? Ton travail vaut chaque franc.

Ils restèrent silencieux un moment, se regardant comme s'ils cherchaient à lire dans les pensées de l'autre. Puis Kader prit une décision.

- Yakhara, est-ce que je pourrais t'inviter à prendre un café ? Juste pour discuter.

Yakhara hésita. Elle savait que dire oui pourrait changer beaucoup de choses, mais elle ne pouvait pas refuser.

- D'accord, dit-elle enfin. Mais pas ici. Les gens vont trop parler.

Kader comprit. Il connaissait les rumeurs qui circulaient déjà.

- Je connais un endroit tranquille, dit-il. Si tu veux bien me faire confiance.

Yakhara hocha la tête, et ils quittèrent le marché ensemble, sous les regards curieux des vendeurs et des passants.

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QUELQUES MINUTES PLUS TARD

**Le café tranquille**

Ils se retrouvèrent dans un petit café caché dans une ruelle tranquille. L'endroit était simple mais chaleureux, avec des murs peints en couleurs vives et des plantes suspendues qui donnaient une atmosphère apaisante. Kader commanda deux cafés, et ils s'assirent à une table près de la fenêtre.

- Alors, raconte-moi, dit Kader en souriant. Comment as-tu appris à faire ces bijoux ?

Yakhara sourit, flattée par son intérêt.

- Ma grand-mère m'a appris. Elle était artiste, et elle m'a transmis son savoir. Après sa mort, j'ai continué. C'est ma façon de garder son souvenir vivant.

Kader écouta attentivement, captivé par son histoire.

- C'est magnifique, dit-il. Et tu as un vrai talent.

Yakhara baissa les yeux, gênée.

- Merci, dit-elle doucement. Et toi ? Comment c'est, d'être le fils du président ?

Kader soupira, un peu mal à l'aise.

- C'est... compliqué. Les gens ont beaucoup d'attentes, et il y a toujours des regards sur moi. Parfois, j'aimerais juste être un homme ordinaire.

Yakhara le regarda, comprenant.

- Je comprends. Moi aussi, j'aimerais parfois être plus qu'une orpheline qui vend des bijoux.

Kader lui prit la main, un geste spontané mais plein de tendresse.

- Tu es bien plus que ça, Yakhara. Tu es une artiste, une battante. Et je suis heureux de t'avoir rencontrée.

Yakhara sentit son cœur battre plus vite. Elle ne savait pas où cette relation les mènerait, mais pour la première fois, elle osait espérer.

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Pendant qu'ils buvaient leur café, les deux ont parlé de tout et de rien, tandis que Yakhara racontait son histoire et sa vie d'orphelin. Kader ne faisait que l'écouter de manière attentive et attentionnée

*****

Leur relation commença doucement, mais les obstacles ne tardèrent pas à se dresser. Les médias, toujours à l'affût de la moindre information sur la famille présidentielle, commencèrent à s'intéresser à Yakhara. Des photos d'eux ensemble apparurent dans les journaux, accompagnées de titres sensationnalistes. Les commentaires étaient souvent cruels, réduisant Yakhara à une "pauvre orpheline" ou une "chasseuse de richesses".

Un soir, alors que Yakhara rentrait chez elle, elle fut abordée par un groupe de journalistes.

- Yakhara ! cria l'un d'eux. Comment ça fait de sortir avec le fils du président ? Tu penses qu'il va t'épouser ?

Yakhara, paniquée, se précipita chez elle, le cœur battant. Fatou la trouva en larmes.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle, inquiète.

Yakhara raconta tout, les larmes coulant sur ses joues.

- Je ne sais pas si je peux continuer, dit-elle. Je ne suis pas faite pour ça.

Fatou la serra dans ses bras.

- Tu es plus forte que ça, Yakhara. Ne les laisse pas te détruire.

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Pendant ce temps, Kader devait faire face à son père. Le président Seck avait convoqué son fils dans son bureau, un endroit imposant avec des murs recouverts de livres et de trophées.

- Kader, commença-t-il d'une voix grave. Qu'est-ce que c'est que cette histoire avec cette jeune femme ?

Kader se raidit, mais il savait qu'il ne pouvait pas mentir.

- Elle s'appelle Yakhara, papa. Elle est artiste, et je l'apprécie beaucoup.

Le président Seck soupira, visiblement contrarié.

- Tu sais à quel point notre position est fragile. Les gens parlent déjà. Est-ce que tu réalises ce que ça pourrait faire à notre famille ?

Kader serra les poings, frustré.

- Je sais, papa. Mais je ne peux pas vivre ma vie en fonction de ce que les gens pensent.

Le président Seck le regarda longuement, puis hocha la tête.

- Je comprends, mon fils. Mais sois prudent. Le monde n'est pas tendre avec ceux qui sortent des sentiers battus.

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De l'autre côté

Yakhara passa une nuit blanche à réfléchir. Elle savait que sa relation avec Kader était vouée à causer des problèmes, mais elle ne pouvait pas nier ce qu'elle ressentait. Le lendemain matin, elle décida de parler à Kader.

- Kader, dit-elle lorsqu'ils se retrouvèrent dans leur café habituel. Je ne sais pas si je peux continuer comme ça. Les médias, les rumeurs... c'est trop pour moi.

Kader la regarda, les yeux pleins de détermination.

- Je comprends, Yakhara. Mais je ne veux pas te perdre. Nous pouvons affronter ça ensemble.

Yakhara sentit son cœur se serrer. Elle voulait croire en lui, mais elle avait peur.

- Et si ça ne marche pas ? demanda-t-elle doucement.

Kader lui prit la main.

- Alors au moins, nous aurons essayé. Mais je crois en nous, Yakhara. Et je crois en toi.

Yakhara ferma les yeux, puis hocha la tête.

- D'accord, dit-elle enfin. On essaie.

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Quelques moments passés

Leur relation devint officielle, mais les défis ne firent que s'intensifier. Les médias continuaient à les harceler, et les proches de Kader mettaient la pression pour qu'il mette fin à cette relation. Yakhara, de son côté, devait faire face à la jalousie et aux critiques de ceux qui la jugeaient indigne de Kader.

Mais malgré tout, ils restaient ensemble, déterminés à prouver que leur amour était plus fort que les obstacles. Chaque jour était une bataille, mais chaque jour renforçait aussi leur lien.

            
            

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