« Tu sais, je pense que notre vie est parfaite, » avait un jour plaisanté Marc en lui tendant une tasse fumante. Isabella avait ri, ses yeux pétillants de bonheur. « Parfaitement imparfaite, tu veux dire ! » avait-elle répliqué, en jouant avec la cuillère dans sa tasse. Ils avaient tous deux éclaté de rire, conscients que la perfection n'existait pas, mais ils avaient trouvé dans leur amour une forme de bonheur qui leur suffisait.
Leur week-end typique était rempli de balades au parc, de dîners improvisés et de soirées cinéma sur le canapé, enveloppés dans des couvertures moelleuses. Ils partageaient des rêves d'avenir – une maison à la campagne, des enfants qui courraient dans le jardin, et des voyages à travers le monde. Tout cela semblait à leur portée, comme un horizon radieux qui les attendait.
Mais cette douce routine fut brutalement interrompue un vendredi soir. Isabella se souvient encore du moment où tout a basculé. Elle était en train de préparer le dîner lorsque son téléphone a vibré sur le comptoir. C'était un message de Marc : « Je suis en route, je devrais être là dans une demi-heure. » Elle avait souri en lisant ces mots, impatiente de le retrouver après une longue journée de travail.
Cependant, les minutes passèrent et l'inquiétude commença à s'installer. Isabella jeta un coup d'œil par la fenêtre, scrutant la rue pour apercevoir la silhouette familière de son mari. Le temps semblait s'étirer, chaque seconde pesant lourdement sur son cœur. Puis, soudain, le bruit strident d'une sirène retentit au loin, brisant le silence du soir.
Un frisson parcourut son échine. Elle tenta de se rassurer en se disant que ce n'était rien de grave, mais une partie d'elle savait déjà que quelque chose n'allait pas. Elle se leva brusquement, ses mains tremblant légèrement alors qu'elle attrapait son manteau. Elle devait aller à sa rencontre.
Lorsque Isabella atteignit l'accident, elle fut accueillie par une scène cauchemardesque : des lumières clignotantes de police et d'ambulance, des gens rassemblés autour de la voiture accidentée qui était complètement déformée. Son cœur s'arrêta un instant lorsqu'elle aperçut Marc allongé sur la civière, inconscient et entouré de médecins.
« Non ! Marc ! » cria-t-elle en se frayant un chemin à travers la foule. Les larmes coulaient sur ses joues alors qu'elle atteignait enfin son mari. Un médecin lui fit signe de reculer, mais Isabella ne pouvait pas s'éloigner. Elle avait besoin d'être près de lui.
« Il a besoin d'aide ! » implora-t-elle, sa voix brisée par l'angoisse. Les médecins s'affairaient autour de lui, leurs visages concentrés et préoccupés. Elle pouvait voir des blessures sur son visage, des contusions qui lui déchiraient le cœur.
L'ambulance partit en trombe vers l'hôpital avec Marc à l'intérieur, laissant Isabella seule au bord du chemin, le souffle court et le monde autour d'elle devenu flou. Elle avait l'impression que tout s'effondrait autour d'elle.
À l'hôpital, les heures s'étiraient comme des jours alors qu'elle attendait des nouvelles. Assise sur une chaise dure dans le couloir froid, elle se battait contre l'angoisse qui la rongeait. Chaque fois qu'une porte s'ouvrait, elle sursautait, espérant voir un médecin apparaître avec des nouvelles rassurantes.
Quand enfin un médecin sortit pour lui parler, Isabella sentit son cœur s'emballer. « Madame... Isabella ? » demanda-t-il d'une voix douce mais ferme. Elle hocha la tête, incapable de prononcer un mot.
« Votre mari a subi des blessures graves à la tête et au thorax. Nous avons stabilisé son état pour le moment, mais il est dans le coma. Nous ne savons pas combien de temps cela va durer », expliqua-t-il.
Les mots résonnèrent dans sa tête comme un écho lointain. Un coma ? C'était comme si on lui arrachait le sol sous les pieds. « Je... je peux le voir ? » demanda-t-elle finalement, sa voix à peine audible.
Le médecin acquiesça et la conduisit à la chambre où Marc était allongé. En entrant dans la pièce sombre, Isabella sentit une vague de désespoir l'envahir en voyant son mari connecté à des machines qui bipaient régulièrement. Son visage était pâle et immobile.
Elle s'approcha doucement du lit et prit sa main entre les siennes. « Marc... c'est moi », murmura-t-elle en pleurant silencieusement. « Je suis là. Je vais rester ici jusqu'à ce que tu reviennes à moi. Je te promets... »
Les jours se transformèrent en semaines alors qu'Isabella restait à l'hôpital jour et nuit. Elle parlait à Marc comme s'il pouvait l'entendre, racontant des histoires de leur vie ensemble, évoquant leurs projets futurs et partageant ses pensées les plus profondes. Mais chaque jour qui passait sans signe de réveil creusait un peu plus le fossé entre eux.
La solitude commença à peser lourdement sur elle. Les visites des amis et de la famille étaient réconfortantes au début, mais elles devenaient rapidement un rappel douloureux de ce qu'elle avait perdu. Les gens lui disaient : « Sois forte », mais comment pouvait-elle être forte quand son cœur était brisé ?
Un soir, alors qu'elle était assise près du lit de Marc, elle sentit une vague de frustration l'envahir. « Pourquoi ne te réveilles-tu pas ? » demanda-t-elle à voix haute en essuyant ses larmes avec colère. « J'ai besoin de toi ici ! Je ne peux pas faire ça seule ! »
Elle savait que ces mots étaient égoïstes, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir cette profonde solitude qui la rongeait chaque jour un peu plus. La pression de prendre soin de lui devenait insupportable alors qu'elle commençait à réaliser que sa propre vie stagnait pendant qu'elle attendait désespérément son retour.
Les premières tensions apparurent alors qu'Isabella tentait de jongler entre son travail et ses visites à l'hôpital. Son patron commençait à exprimer son mécontentement face à son absence prolongée au bureau. « Isabella, tu dois te concentrer sur ton travail », lui avait-il dit un jour avec une impatience palpable. « Nous avons besoin de toi ici ! »
Elle avait ressenti une colère sourde monter en elle face à cette remarque insensible. Comment pouvait-il comprendre ce qu'elle vivait ? Comment pouvait-il demander cela alors qu'elle se battait pour garder espoir ?
À la maison, les murs semblaient étouffer ses cris silencieux. Leurs souvenirs ensemble étaient omniprésents – les photos accrochées aux murs, les objets qu'ils avaient choisis ensemble – tout lui rappelait ce qu'elle avait perdu et ce qu'elle continuait à perdre chaque jour qui passait sans lui.
Un soir, alors qu'elle rentrait chez elle après une longue journée à l'hôpital, elle s'arrêta devant leur appartement vide et silencieux. Les lumières tamisées ne faisaient que souligner l'absence écrasante de Marc. Elle se sentait piégée dans une vie qui n'était plus la sienne.
« Qu'est-ce que je fais ici ? » murmura-t-elle pour elle-même en laissant tomber son sac au sol et en s'effondrant sur le canapé. Les larmes coulaient librement alors qu'elle réalisait que sa vie avait été réduite à cette attente interminable.
Les jours suivants furent marqués par cette lutte intérieure constante entre l'espoir et le désespoir. Isabella se réveillait chaque matin avec l'espoir que Marc ouvrirait les yeux et lui sourirait comme avant. Mais chaque jour sans changement était une nouvelle déception qui creusait un peu plus la fissure dans leur relation.
Elle commença à ressentir une distance croissante entre eux – non seulement physique mais aussi émotionnelle. La douleur qu'elle éprouvait semblait créer un mur invisible entre eux, un mur qu'elle ne savait pas comment abattre.
« Je t'aime toujours », chuchotait-elle souvent en caressant sa main froide dans l'espoir qu'il puisse entendre ses mots au fond de son inconscient.
Mais au fond d'elle-même, Isabella savait que cet amour était désormais teinté d'une tristesse profonde et d'une solitude écrasante qui menaçait de les engloutir tous les deux.
Et ainsi commença le long chemin semé d'embûches d'Isabella – une route pleine d'incertitudes où chaque pas semblait la mener plus loin du bonheur qu'elle avait connu autrefois avec Marc.