A son arrivée, sa préoccupation était de se trouver de quoi manger. C'est comme ça qu'elle commença à faire deux ou trois petits vols par-ci par-là, surtout sur les marchés. Un fruit dans une poche, un fromage dans l'autre, une pièce de viande qu'elle arrivait à prendre dans les sacs des passants. C'était sa seule option, elle n'avait pas d'argent. Elle dormait d'abord dans la rue, puis se fit remarquer par une association qui aide les SDF. Ils lui trouvèrent un toit et un couvert. Elle resta avec eux pendant trois mois, avant de partir sans prévenir. Elle parti avec un vélo qui était adossé sur le mur du bâtiment. Elle se fichait de savoir à qui il appartenait. La vérité, c'est qu'elle avait peur de s'attacher, de se sentir de nouveau importante, India souffrait désormais de PTSD, de claustrophobie et d'une peur chronique de l'abandon.
Elle recommença sa vie de voleuse. Au bout de deux semaines, India pensait à quitter Toulouse, et elle était bien partie pour ça. Puis, sur le chemin, elle vit une sorte de vieille ferme qui longeait une route à la sortie de la nationale. Elle y alla, c'était entièrement abandonné. Personne n'avait dû y venir depuis des décennies ! Il restait néanmoins un puits, un petit potager, et un beau pommier. Elle y résida, elle s'en occupa, l'aménagea, vola quelques graines, et quelques mois plus tard, India n'avait plus besoin de voler pour se nourrir.
Elle continua tout de même ses petits stratagèmes afin de pouvoir avoir un peu d'argent. 20 euro par semaines lui suffisait amplement. Elle n'avait pas de loyer, de courses ou de factures à payer. Cet argent lui servait donc à deux choses, la première, acheter des vêtements et chaussures histoire d'en avoir des neufs qui ne lui rappellent pas son passé, des produits d'hygiène; dentifrice, shampoing, savon, tampons, et la deuxième, aller au bar. Pas nécessairement pour boire, mais surtout pour utiliser la prise électrique des toilettes et pouvoir recharger son ordinateur.
A 25 ans, India restait morte au yeux du monde, tuée en Iraq, tout comme 3 autres personnes. Depuis 6 ans, personne n'avait chercher à savoir si elle était vraiment morte. Après tout, c'est le gouvernement qui l'a dit, alors ça ne peut qu'être vrai. Elle avait vu des "hommages" annuels passés à la télé. A peine cinq minutes d'image et de voix-off, plus un petit discours du président. Sans parler des témoignages de parfaits inconnus sur la question. Ils avaient tous les même commentaires "c'est vraiment affreux", "quel horreur", "ils ne méritaient pas ça" et le pire, "qu'ils reposent en paix" ou "tout notre soutient aux familles" !
Ils parlaient, sans savoir de quoi !
Ils n'évoquaient que des émotions superficielles !
Ils n'avaient aucune idée de la réalité, de SA réalité !
5 minutes ne pouvaient pas retracer les deux semaines de peur qu'elle avait ressentie ! Peur de mourir comme ça, ... de colère parce que personne ne venait, ... d'angoisse que les rats ne finissent par la dévorer vivante, et toutes sortes d'autres émotions qu'India avait eut à endurer ! Mais aussi la culpabilité. Celle d'être en vie, alors qu'elle n'avait aucune raison de l'être. Le dégout... Imaginer, à une bouteille d'eau et un sandwich près d'avoir épuisé vos vivres, que l'idée infame vous viennent en tête, celle d'envisager l'éventualité de devoir manger les restes pourrissants de vos amis pour survivre ! Sans savoir si il y aura un échappatoire ! Si ça servira à quelque chose !
Parce que oui ! Durant ses derniers jours sous les débris, c'était la seule chose à laquelle India pensait. Heureusement elle n'en arrivera pas là, mais ne serait-ce le fait que cette idée était pendant très longtemps sa seule option, la rendait coupable au point d'en être malade. Mais le pire, ... c'était l'espoir. L'espoir qu'on viendrait l'aider. India continua d'espérer jusqu'au dernier jour, ... pour rien. Alors à la télé, ils pouvaient parler autant qu'ils voulaient et être désolés, ils ne se rendrait jamais compte de ce qu'elle a vécu ! India en fit des cauchemars pendant près d'un an, se réveillait en pleine nuit en culpabilisant, se demandant pourquoi elle, pourquoi avait-elle eut à survivre. Ils prétextèrent qu'ils ne pouvaient pas prendre le risque de déclencher une autre bombe en allant récupérer les corps, et que, de toute façon, personne n'avait survécu ! Malheureusement si !
La vérité, c'est que la France, ce pays qu'elle avait fait veux de servir jusqu'à la mort, l'avait abandonnée, lâchement, sans même lui prêter attention, comme une merde de chien qu'on écrase de sa semelle.
Peu de temps après son retour, India avait trouvé ce petit pub/bar qui faisait l'angle. Il était accueillant, elle y avait ses habitudes. Elle arrivait souvent le matin, après avoir fait son tour au marché, s'installait au comptoir et branchait son ordinateur. Elle était devenue une cliente régulière alors ça ne posait pas de problème au proprio. Elle prenait souvent un ou deux café pour commencer la journée. Puis elle se mettait à travailler...