Chapitre 7 L'esplanade

Félicie

Derek a eu raison de lui dire mon secret même si ça m'a fait mal sur le coup mais cette fille allait complètement devenir folle si on ne la calmait pas.

Elle a accepté de rentrer dans la salle avec l'infirmière non sans me jeter un regard apeuré.

La porte s'ouvre sur l'infirmière.

- Excusez-moi c'est vous qui êtes venue avec Mademoiselle Stevens ?

Je ne sais même pas son prénom, alors son nom encore moins.

- La jeune fille qui a subie une agression. Me précise-t-elle alors que je la regarde dubitative.

- Oui c'est bien cela, il y a un soucis ?

- Malheureusement Mademoiselle Stevens est mineure et nous sommes dans l'obligation d'avoir un parent ou un adulte comme personne de référence et elle refuse de nous donner le numéro de sa mère. Me dit-elle ennuyée.

Je le savais qu'elle était mineure mais pourquoi refuse-t-elle d'appeler sa mère ? Elle aura besoin d'elle pour surmonter ce qui lui est arrivé.

Je réfléchis, elle a sûrement une raison et si elle ne l'appelle pas, ils ne feront pas les examens et ce connard s'en sortira sans soucis.

- Je vais être sa personne de référence. Décidé-je.

L'infirmière me donne les papiers à remplir puis repars vers la salle d'examen où se trouve la gamine.

Je me rassois alors que mon portable vibre dans ma poche.

- Alors comment va Derek ? Me demande Ayden.

J'ai complètement oublié de le prévenir.

- Ça va. Je t'expliquerai enfin il t'expliquera. Je raccroche.

Je croise mes bras et mes jambes me demandant pourquoi est-ce que c'est tombé sur lui alors que je priais peu de temps avant qu'ils ne se rencontrent pas ? Je vais devoir parler avec lui quand il sortira des urgences.

Derek

L'infirmière me nettoie la plaie après avoir été faire une radio pour confirmer qu'il n'y a rien de cassé et elle me met un bandage.

- Voilà c'est fait. Voici votre bon de sortie. Me fit-elle en souriant.

- Merci pour votre travail. Répondis-je simplement.

Je n'ai pas la tête à roucouler avec les infirmières. Je me tracasse pour la fille aux cheveux noirs.

Je me souviens que quand Félicie s'est faite violer au Lycée, elle était dans un état atroce après mais on l'a tellement soutenue qu'elle a remonté la pente en un rien de temps. Elle a dès lors pris la décision de devenir avocate pour soutenir toutes ses femmes victimes de viol, de harcèlement ainsi que les femmes battues. Elle a pris des cours de Karaté et s'est forgée une vraie carapace autour de son cœur qu'elle ne laisse respirer qu'avec Ayden et moi.

Il faut dire qu'on a toujours été là pour elle ainsi que le jour où on a chopé cet enfoiré.

- Tu as fini ? Me dit-elle alors que je sors de la pièce où j'ai été soigné.

- Oui juste des coupures rien de grave. La rassuré-je.

Elle se lève, penche sa tête et me regarde suspicieuse.

- Félicie si tu as quelque chose à dire dis-le. Tu m'as déjà fait le coup avant de monter dans la Mustang tout à l'heure.

- Cette fille est mineure, elle a dix sept ans soit neuf ans en moins que nous et elle vient de se faire violer ! Me dit-elle froidement.

Je ne comprends toujours pas où elle veut en venir.

- Et ?

Félicie se rapproche de moi et pose son index sur mon torse.

- Je t'ai vu la regarder quand tu as gagné ta course. Je te conseille de rester loin d'elle. Tu as presque vingt six ans et tu ne pourrais rien lui apporter surtout après ce qu'elle vient de vivre. Me dit-elle fermement en poussant son index sur mon torse où je peux sentir ses ongles s'enfoncer.

Je passe la main dans mes cheveux, bien qu'elle m'ait effectivement troublé par son regard intense, je sais que Félicie a raison. Je ne peux pas me permettre de jouer ma vie avec une mineure.

J'ai enfin réussi à trouver un boulot dans un domaine que j'aime et je ne veux en aucun cas tout perdre pour une amourette qui ne durera pas.

- Je ne compte absolument rien faire. Décidé-je.

Félicie me toise alors que la porte de la salle d'examen où se trouve la fille s'ouvre.

- Elle a fini. Nous fait l'infirmière en me regardant bizarrement.

- C'est un ami, c'est lui qui l'a secourue et emmenée ici. S'empresse de dire Félicie voyant les soupçons sur son visage.

- Si vous le dites. Lance-t-elle. Elle se rhabille et pourra partir.

L'infirmière me lance à nouveau un drôle de regard et part enfin. Je baisse la tête, elle croit sûrement que c'est moi qui ait fait ça.

- Je vais la ramener. Me fait Félicie. Tu devrais partir avant qu'elle ne sorte. Je pense qu'elle sera plus à l'aise avec moi.

J'acquiesce, de toute façon, je suis mal à l'aise aussi.

Alix

Je peux enfin me rhabiller même si c'est un pantalon de l'hôpital. Cet examen a été une torture. Je n'ai pas arrêté de pleurer en pensant à ce qui s'est passé dans cette ruelle. J'enfile le pull que cet homme tatoué m'a donné puisqu'ils ont gardé le reste.

Je mets mes baskets et ouvre la porte de la cabine.

- Mademoiselle Stevens. Voici une ordonnance de calmants et un rendez-vous avec le gynécologue dans trois mois pour voir si tout va bien. Me dit l'infirmière.

- Je dois revenir ? Demandé-je terrifiée

- C'est juste pour un examen de routine. Me rassure-t-elle.

Enfin c'est ce qu'elle croit. Les factures arriveront chez moi et si ma mère tombe dessus ? Et comment vais-je les payer si je ne lui en parle pas ?

Je panique totalement à cet instant alors qu'elle ouvre la porte et je l'aperçois un instant.

Un instant où son regard intense semble si triste alors que la porte se referme.

Je remets la capuche sur ma tête avant de sortir et une fois la porte ouverte, je suis surprise de ne pas le voir alors qu'il était là à l'instant.

- Je vais te ramener. Me dit Félicie alors que je cherche du regard l'homme au tatouage.

- Derek est parti si c'est lui que tu cherches. Il n'a rien d'important à son bras, ne te tracasse pas. Me dit-elle en sortant de l'hôpital.

Je remarque que la moto n'est plus là et j'en ai un pincement au cœur. Je ne le reverrai plus jamais et je ne pourrai jamais le remercier pour ce qu'il a fait pour moi.

Félicie me ramène devant l'immeuble où se trouve notre appartement et je me mets à trembler de nouveau en espérant que ma mère soit entrain de dormir.

- Tu veux que je monte avec toi ? Me demande Félicie en coupant le contact de la Mustang.

Je refuse de la tête, elle a déjà fait assez pour moi ce soir.

- Tiens je te laisse mon numéro de téléphone si jamais tu as besoin de parler, je t'écouterai avec plaisir.

Je prends le bout de papier qu'elle me tend, acquiesce de la tête et sors de la voiture. J'entends qu'elle démarre la voiture quand je referme la porte de l'immeuble et je m'effondre à nouveau par terre en pleurs.

La lampe du hall se refermant automatiquement, je me mets à paniquer. Je me revois dans la ruelle, je ne vois que ses mains qui me touchent partout, son odeur de transpiration, sa langue qui me lèche le visage et essaye de pénétrer de force ma bouche.

Ses mains qui descendent le long de mon corps et...

Je sors en courant de l'immeuble, traverse la route sans faire attention aux voitures et cours à travers le parc qui donne sur l'esplanade de Battery Park ne pensant qu'à me jeter dans la rivière Hudson.

Je ne veux plus vivre.

Derek

Je suis parti directement après que l'infirmière soit partie mais je n'ai pu m'empêcher de suivre Félicie à bonne distance jusque chez cette fille.

Je ne sais pas pourquoi je les ai suivies alors que je sais qu'elle est en sécurité mais c'est plus fort que moi, je veux m'assurer qu'elle rentre bien.

Je me gare au bout de la rue où je vois la Mustang de Félicie qui redémarre après s'être assurée qu'elle est bien rentrée dans le bâtiment.

Quand je pense à l'état dans lequel je l'ai trouvée, la douleur à ma poitrine me revient. Comme a-t-il osé lui faire ça ? Je rage tellement que les veines de mes mains ressortent sur les poignées de la moto.

La lampe du hall du bâtiment s'éteint et je décide donc de m'en aller. Je n'ai plus rien à faire ici.

Alors que je démarre pour reprendre la route, j'entends klaxonner et jette un coup d'œil.

La fille vient de sortir du bâtiment traversant la route sans regarder et cours vers le parc.

- L'esplanade ! M'exclamé-je horrifié en descendant de la moto et courant dans le parc pour essayer d'arriver avant elle.

Je déboule sur l'esplanade, cours vers l'endroit d'où elle devrait sortir mais elle passe derrière moi. Je fais demi-tour et l'attrape par la capuche la faisant faire volte face alors qu'elle essaye de monter sur la barrière.

Dans notre élan, je tombe en arrière la tenant fermement contre mon torse pour la seconde fois.