Chapitre 5 Mariage précoce

Kaliba resta silencieuse. Elle observa Naï longuement, elle était touchée par ces arguments et raisonnements. - Inutile de te signifier que cette tâche sera ardue.

- Oui ! Je vais m'ingénier à trouver des solutions à mes problèmes.

- Pendant que tu y es, je vais me reposer : tu seras la répétitrice parfaite pour tes petits - frères.

- Hum ! Génial ! Voilà un travail qui m'aidera à garder ma mémoire fraîche. Je le ferai avec joie.

- Grâce à toi, je sais dorénavant que Balisou et son petit - frère auront leurs diplômes (C.E.P.E) avant que tu n'ailles chez ton futur mari.

- Promets – moi une seule chose : que papa et maman

Sadiatou n'en sachent rien.

- J'ai intérêt à tenir cette promesse ! Autrement je me mettrais dans des problèmes desquels je n'en sortirai jamais.

C'était sous la protection de Kaliba que Naï aidait ses petits - frères à apprendre leurs leçons.

Mariage précoce

Sadiatou était trop occupée à assister sa première fille qui devait partir sous peu, en mariage. Elle désirait que cette dernière soit l'épouse parfaite. Tous les aurores, elle lui donnait des conseils sur comment tenir une maison, comment aimer son époux, comment vivre avec ses coépouses, comment être respectueuse et faire la bonne cuisine. Vu que le moment de se marier était proche, elle était maintenant moins présente chez Kaliba. Ainsi elle y allait de moins en moins et Naï, toujours discrètement pour aider ses demi-frères à faire leurs devoirs, puis retournait aussitôt chez elle sans que sa maman ne se pose de questions.

Balis, le père de Naï était lui, avec sa nouvelle femme Maïna, oubliant Kaliba et ses garçons. Il eut beaucoup d'autres femmes après qui l'honorèrent également par la naissance des garçons, faisant ainsi de Kaliba une femme ordinaire, une reine découronnée. Balis avait trente enfants au total, dix - neuf filles et onze garçons. Donc les garçons de Kaliba n'étaient plus à la mode.

C'est en toute placidité que Naï s'occupait de ses petits frères. L'année suivante, Balisou obtint son examen avec une moyenne de dix - huit soixante-quinze sur vingt, grâce à l'aide précieuse de sa grande sœur. Il était le premier, non seulement de son centre d'examen, mais aussi de toute sa région. Au niveau national, il occupait la deuxième position. Balis en fut ravi et le faisait savoir à qui voulait l'entendre. Dans le monde en général et en Afrique en particulier, lorsqu'un enfant réussit, il est le fils de papa, mais quand il échoue, il est celui de maman.

La grande sœur de Naï est allée dans un foyer qui l'attendait déjà. Sa sœur ne ressentit point de vide quand elle s'en alla, quand elle quitta la maison familiale. Les deux filles n'étaient pas très proches l'une de l'autre ; elles étaient totalement opposées en tout. Sa sœur était exactement comme sa mère le voulait : une bonne femme au foyer. C'est même en exultant qu'elle disait à sa petite sœur Naï que son moment était proche. Elle se disait qu'elle, de toute évidence, était faite pour être femme au foyer. A cause des coutumes et des traditions, elle acceptait toutes les décisions prises par ses parents au sujet de sa vie et de son avenir, qu'elles fussent bonnes ou mauvaises. Cela ne la gênait en rien, elle avait été formatée pour être femme au foyer. Donc c'est en toute quiétude que la grande sœur rejoignit son conjoint.

Quand son tour arrivera, Elle percevra si c'est réjouissant ou non, qu'on soit approbateur ou contestataire!

Quelques années plus tard, le deuxième fils de Kaliba obtint son examen (C.E.P.E) dans la rigueur et le travail comme ce fut le cas avec Balisou, son frère aîné, avec l'apport pédagogique de Naï qui était à la fois qualitatif et quantitatif.

Bientôt quinze ans et Naï était déjà sur le point de se rendre chez son époux. Elle ne désirait en aucun cas suivre les instructions de sa maman, ne voulant entendre parler de mariage. Mais incapable de s'opposer, elle était impuissante. A ce propos, on ne demandait point son avis. Quelques membres de la famille s'étaient déjà préparés à l'accompagner chez son futur époux.

Son papa se rendit en ville pour une mission de travail. En ville, monsieur Balis rencontra une belle et magnifique jeune fille de dix - sept ans déscolarisée qui était devenue prostituée. Elle pratiquait cette activité pour survivre : elle a eu le malheur d'avoir un enfant en pleine année scolaire. La grossesse la fit arrêter ses études et oublier tous les rêves qu'elle avait. Abandonnée de tous, elle se retrouva seule à s'occuper de son enfant pour satisfaire leurs besoins. Bien maquillée, elle faisait partie des filles rôdant pas très loin des hôtels et qui attendaient des clients. La plupart de ces jeunes filles qui pratiquaient la prostitution avaient fait des études élémentaires pour les unes et les autres étaient carrément analphabètes. Cette dernière séduisit l'homme en question par son déhanché et par sa belle et volumineuse poitrine.

Balis pensa à Maïna, celle qui avait les mains extraordinaires, celle qui savait éveiller tous ses sens quand elle le touchait. Il se dit : « sûrement les femmes de la ville sont encore plus expérimentées dans ce domaine que mes épouses. » De ce fait, il invita la jeune fille qui le faisait déjà languir à prendre le déjeuner, puis ils prirent une chambre. Monsieur Balis oublia que les filles de la ville n'étaient pas vierges comme l'étaient ses épouses ; elles entretenaient des relations sexuelles avec beaucoup d'hommes comme ce fut le cas avec celle qui était à ses côtés, malgré son jeune âge. Monsieur Balis qui s'était accoutumé à avoir des rapports sexuels sans préservatifs avec ses multiples épouses, ne songea même pas à en enfiler un. Leur nuit fut torride. Il en était ravi puisqu'il fut en compagnie d'une professionnelle dans le domaine « des arts du lit ». Il pria la jeune fille d'être avec lui durant son séjour de dix jours qu'il devait effectuer en ville. Les poches répondant à merveille, celle

- ci se sentit flattée d'être auprès de quelqu'un qui lui remit une enveloppe de trois cents mille francs sans qu'elle ne dépense inutilement son énergie et son temps avec les autres partenaires qui ne lui auraient même pas donné une belle somme en si peu de temps.

Son séjour fut amplement plaisant. Il retourna rajeuni. Toutes les fois qu'il se rendait en ville, il empoignait une nouvelle fille pour ses nuits mouvementées. Finalement, trois ans plus tard, monsieur Balis ne sut point, de toutes ses conquêtes de la cité, celle qui lui avait transmis le virus du VIH/SIDA, qu'il transmit pareillement à certaines de ses épouses.

Le moment fut venu pour Naï de rejoindre son époux. Elle était éplorée. Le mariage !!! Elle n'en voulait.

L'existence des femmes au foyer n'a jamais été sa méditation. Nonobstant le fait qu'elle ne voulût pas s'engager, elle n'avait guère le choix. Dans cette localité et bien ailleurs, le mariage des adolescentes n'est pas une supplique, encore moins une sollicitation, mais, une prescription coutumière !

Heureusement pour elle, son époux s'était installé en ville. Elle se dit, qu'elle trouverait un moyen de continuer ses études de ce côté. En ville contrairement au village, on trouvait des collèges et des lycées presque dans chaque quartier.

Elle crut qu'elle pouvait continuer ses études en cachette comme avant, mais cela n'était pas possible. Elle ne sut point qu'en ville, cette manière de procéder était utopique.

Naï était la troisième épouse d'un foyer polygamique. Elle n'était point douée dans l'art culinaire. Son époux n'appréciait pas ses repas et il le manifesta plus d'une fois. Que ce soit dans la chambre conjugale, à la cuisine ou des tâches domestiques, Naï était nulle, elle jouait parfaitement à l'ignorante. Elle souhaitait être répudiée par ce dernier. Hélas, répudier sa femme ne faisait pas partie de leurs réclamations coutumières. Mais comme le mot exception fait partie du dictionnaire français, toute femme qui avait perdu sa virginité avant le mariage, courait le risque de se faire répudier. Par ailleurs, On redressait les femmes têtues comme on dresse un animal féroce, si elles se montraient rebelles. De plus, son époux était un spécialiste en matière de maltraitance.

Il y avait la télévision dans leur maison, mais l'époux interdisait à celles-ci d'en regarder les images bien qu'il se dît qu'elles ne sauraient ni lire ni comprendre ce qu'elles verraient.

Un matin, cet homme a surpris Naï en train de regarder un programme télévisé avec beaucoup d'attention. Il prit un vieux tuyau de gaz, la bastonna copieusement au point qu'elle n'avait plus de force pour crier. Finalement elle promit qu'elle ne le ferait plus.

Cependant Naï était une fille têtue. Toutes les fois que son époux se rendait au bureau, elle visionnait sans gêne, oubliant l'horrible bastonnade. Elle avait même ses émissions préférées, qu'elle regardait lorsque ce dernier était absent. Elle prenait quand même le soin de bien rester sur ses gardes.

Naï avait une voisine, cette dernière était secrétaire dans un établissement scolaire de la place. Elle a obtenu le Brevet d'Etudes du Premier Cycle. Naï la regardait rédiger ses rapports. Elle était émerveillée par le téléphone portable et l'ordinateur de celle-ci. Son époux lui avait interdit de visiter les voisins, mais celle - ci n'en faisait qu'à sa tête. Elle se rapprocha de cette dernière pour apprendre à manipuler un portable et à procéder à la saisie des textes sur un ordinateur. Elle trouvait cela captivant.

Naï n'avait personne pour l'aider à se projeter dans l'avenir et à établir des objectifs bien définis pour sa vie. Cela la gênait beaucoup, elle était toute seule, ne pouvant compter que sur elle-même pour s'en sortir.

Quelques mois plus tard, elle fut enceinte, et neuf mois après, mit au monde un beau garçon.

Cette femme avait déjà l'habitude de se mettre toujours dans des situations compliquées : son mari la surprit en train de lire un journal. Etonné, sachant que son épouse était censée être une parfaite analphabète, il la

frappa copieusement, négligeant le fait qu'elle était

encore une jeune maman, celle qui avait donné naissance à son fils il y avait seulement trois mois. Son organisme était encore frêle. Elle perdit connaissance, entra dans le coma et revint à elle deux jours plus tard.

Naï était déterminée à sortir de son gouffre, elle ne savait point comment s'y prendre malheureusement. Elle se dit au fond d'elle : ça ira. Cependant, son tyran de mari lui accorderait – il la possibilité de s'épanouir et d'être libre?

Il ne comprenait pas pourquoi le papa de son épouse n'avait pas respecté sa part du contrat ! Il décida de se rendre au village afin que ce dernier justifie son acte, pour qu'il lui dise pourquoi sa fille lisait et écrivait.

                         

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