Parmi les quatre nouvelles femmes que prit cet homme : il y en avait une nommée Maïna. Elle était très belle, toute rafraîchie. Elle était déterminée à posséder Balis pour elle seule.
Avant d'arriver chez son époux, non seulement elle avait fait des études primaires, mais également elle s'était bien informée sur cette famille au nombre impressionnant d'enfants. « Ses enfants n'auraient plus de place dans cette vaste famille », se dit – elle, vu qu'il y en avait de tous les sexes. Alors elle prit la résolution, à l'insu de ses parents et de son futur mari, d'appliquer toutes les mesures préventives possibles qui la préserveraient des éventuelles grossesses.
Ainsi ses seins ne deviendront pas flasques à cause de l'effet de l'accouchement et de l'allaitement ; il n'y aura que l'âge qui les rendra ainsi, dit – elle.
Balis n'avait rien exigé lorsqu'il dotait ses épouses qui avaient toutes le niveau du CE2.
Par contre, certaines des filles de cet homme se sentaient offusquées : elles ne pouvaient aller à l'école selon les recommandations de leurs futurs époux.
Maïna utilisait tous les moyens médicaux afin de ne pas avoir d'enfants. Elle ne voulait pas que ses coépouses éprouvent du ressentiment vis – vis de ceux – ci. Lorsque les trois autres femmes étaient enceintes, c'est -à- dire les nouvelles venues, Maïna n'en était pas du tout gênée.
L'époux, quant à lui, n'avait plus de pression s'agissant de la naissance d'un enfant. Il ne s'en gêna ni ne s'en inquiéta point. Lui, il se plaisait avec Maïna, dont la présence à ses côtés lui donnait goût à la vie, du fait qu'elle était encore toute jeune. Il ne voulait donc pas que la venue d'un bébé gâche le plaisir de se blottir contre son corps quand le besoin se présentait. Pour une fois, il n'allait pas discuter la belle poitrine de celle- ci avec un enfant. Elle était devenue la préférée de Balis au point où il la vantait auprès de ses amis.
De ce fait, pour offusquer ses coépouses, elle aimait se vêtir de pagnes légers et sans soutien-gorge en plus, afin de laisser transparaître ses seins qui demeuraient debout et bien arrondis comme ceux d'une fille de dix -huit ans. Les autres l'admiraient, toutes voulaient être à sa place, néanmoins elles demeuraient vertes.
En ville, Maïna avait beaucoup appris sur les rapports entretenus dans un couple et sur comment faire pour qu'un homme la désire, ceci à travers des films d'amour et des romans à l'eau de rose. Elle satisfaisait les désirs sexuels de Balis, son époux ; elle savait comment une femme s'occupe d'un homme malgré son jeune âge. En sa compagnie, il trouva que ses autres femmes étaient des novices dans ce domaine. Il était avec la jeune fille tout le temps et celle – ci réussit pratiquement à le détourner de ses coépouses pendant deux années successives, ceci était totalement impossible dans les familles polygamiques.
A cause de cette situation, l'époux n'accomplissait plus ses devoirs conjugaux envers les autres épouses, celles - ci allèrent se plaindre chez le chef du village. Après leur complainte, cet homme promit qu'il changerait, mais en réalité, il n'abandonna pas ses horribles habitudes. Quand il se retrouvait seul avec une de ses femmes, à vingt- trois heures, il la renvoyait aussitôt dans sa cabane pour faire appel à Maïna. « C'est plus que de l'envoutement ! » s'exclamaient les autres. Auparavant, au moment du bain entre coépouses, Maïna attirait l'attention de toutes, afin que celles – ci observent ses seins pointus. Cela rendait les autres dolentes. D'un commun accord, elles décidèrent toutes de ne plus se baigner avec cette dernière.
Des émulations, des aversions les unes pour les autres étaient toujours au rendez – vous dans cette famille, comme dans tout foyer polygamique.
Par ailleurs, Balis mit Kaliba, l'ex – préférée, au placard. Celle – ci, par conséquent, prit la résolution de se focaliser sur les études de ses garçons. Elle avait pour ambition de les voir obtenir leur Certificat d'Etudes Primaires et élémentaires (CEPE) pour qu'ils aillent par la suite à la cité capitale chez leur oncle pour faire des études secondaires et universitaires. Donc ses objectifs vis – vis de ses enfants étaient déjà bien définis, laissant Balis dans son vertige de femmes.
Naï, quant à elle, troublée, était préoccupée par la situation dans laquelle elle vivait. Elle ne connaissait, ni ne percevait les raisons de son manque de scolarisation, alors que son petit frère allait déjà à l'école. Elle se rendit donc auprès sa mère et lui demanda :
- Maman, pourquoi tu ne m'accompagnes pas également à l'école comme maman Kaliba le fait avec Balisou ?
- Tu te marieras bientôt et ton époux n'a pas besoin d'une femme instruite. - Pourquoi maman ?
- Parce que c'est ainsi la règlementation.
- Je ne veux pas me marier.
- Tu dois le faire.
- Je vois souvent maman Kaliba enseigner l'alphabet français à Balisou !
- Oui, lui il a l'obligation d'aller à l'école. - Pourquoi ?
- Parce qu'il est un garçon !
- Quelle est la différence entre un garçon et une fille, maman ?
- La différence est que : dans quelques années tu te marieras, alors que lui, sera en train de faire ses études secondaires.
- Je pourrais faire pareil ! D'ailleurs maman ... Sans vouloir écouter sa fille :
- Non tu ne le peux point. Ton père ne peut le permettre. Si tu demeures avec cette idée en tête, ton père m'écorchera vive !
- Maman, comment ferai-je pour éduquer mes enfants comme maman Kaliba le fait ?
- Ton époux se chargera de le faire.
- Mais maman, je sais lire et je suis forte en arithmétique ! Je suis plus intelligente que mon petit frère. Dernièrement, son maître a donné une opération dont toute la classe n'a pas pu trouver la solution. J'ai levé le doigt, bien que je fusse dehors, il a accepté que je trouve la solution du problème, puis il m'a applaudie.
- Non, Naï, tu vas me tuer ! Pourquoi dis – tu des choses aussi insensées ? Qui t'a emmenée à l'école ?
- J'ai suivi maman Kaliba qui accompagnait mon frère. Je l'ai fait à son insu.
- Que ça s'arrête. Ne me parle plus d'école. Apprends tout sur ton devoir de femme au foyer, tu le seras bientôt. Ne m'attire pas des ennuis. As-tu compris ?
- Je voudrais faire des études ! Je veux aller à l'école
! Maman s'il te plaît, fais quelque chose !
- Tu ne nous appartiens plus, à ton père et à moi ! On doit juste t'aider à être une bonne épouse, c'est tout !
- S'il te plaît maman, essaie de persuader papa, afin que j'aille à l'école !
- Je ne veux plus me répéter.
- Ce n'est pas juste ! je veux aller à l'école comme Balisou !
- Ça suffit ! Tais-toi ! Pas de classe j'ai dit !
Naï sortit sans rien dire, alla derrière la case, elle éclata en jérémiades.
Elle avait l'habitude de se rendre à l'école chaque jour, restait sur la petite fenêtre de la cabane style salle de classe, à l'extérieur, et suivait sans se fatiguer toutes les leçons du maître.
Le maître l'avait même remarquée et laissée suivre ses leçons : quand il la chassait, elle finissait toujours par revenir. Le maître la surprenait toujours en train de suivre les cours dehors. Il la chassait en vain. Chaque fois qu'il se retournait, il voyait sa petite tête craintive, il la laissa finalement, vu qu'elle avait réellement soif d'apprendre. Il lui permit de suivre les cours, mais à l'extérieur et l'interrogea même lorsqu'elle levait le doigt au sujet des questions posées en classe. Il ne pouvait pas prendre le risque de l'inviter à l'intérieur de la classe : il s'attirerait des ennuis si le directeur ou le père de la fille le remarquait. Alors pour éviter toute altercation, il laissa la petite fille jouer son jeu à l'extérieur de la classe.
Les cabanes qui faisaient office d'école étaient construites de telle sorte que, même un tout petit enfant qui passait par là pouvait voir tout ce qui se déroulait dans la salle de classe.
Ainsi, chaque fois à l'insu de ses parents, Naï se rendait à l'école. Elle allait aussi chez maman Kaliba pour réviser avec son petit frère.
Plus tard, Naï ne suivait plus les cours que faisait son petit frère qui était à la Sil, elle trouvait que les cours qui y étaient dispensés étaient trop pratiques. Elle alla au Cours Prépatoire. Elle allait d'une classe à une autre au fil des années sans se fatiguer, sans qu'un maître ne puisse la renvoyer : sa persévérance et son obstination à vouloir apprendre laissaient les maîtres sans voix. Subséquemment, elle changeait de classe avec les autres. Donc, lorsque l'on entrait dans une nouvelle 'année scolaire et qu'elle remarquait que ceux avec qui elle travaillait avaient changé de classe, elle le faisait également. Elle n'était pas consciente que cela signifiait passer en classe supérieure.
Elle était très éveillée, intelligente et très courageuse.
Souvent, elle disait à sa mère qu'elle devait se rendre chez maman Kaliba lui prêter main forte, pour l'aider dans l'exécution des travaux domestiques. Celle – ci la laissait partir sans hésiter : Kaliba était non seulement sa coépouse, mais également sa meilleure amie. Alors quand Naï sollicitait la permission d'aller chez elle, elle n'y voyait aucun désagrément, c'était avec beaucoup de plaisir qu'elle laissait sa fille aller assister sa coépouse dans les travaux ménagers. Cependant, au lieu d'y aller, elle prenait le chemin de l'école et sa mère évidemment n'en savait rien.
Je crois que Naï était surdouée, elle n'avait pas de cahiers, encore moins de livres, mais un petit bâton qui lui permettait : soit de résoudre ses problèmes d'arithmétique au sol, soit d'écrire un nouveau mot, un mot qu'elle apprenait tous les jours, ainsi que les leçons d'histoire, de géographie, de sciences, toujours au sol. Au lieu de s'amuser ou d'aider sa maman, elle passait son temps à ce genre d'exercice, puis prenait le soin de bien effacer ses écrits.
Toutes les fois qu'elle rencontrait un proche de la famille sur la route de l'école, elle racontait qu'elle partait chercher son petit - frère. Maman Kaliba avait laissé la lourde charge à Naï de ramener ses fils de l'école, ce qu'elle faisait avec beaucoup de plaisir, d'autant plus que cela lui permettait de s'instruire.
Le papa étant préoccupé par son travail et par son épouse préférée, il ne contrôlait plus le grand nombre d'enfants qui était constitué en majorité de filles, il ne contrôlait pas même les garçons de la famille. La dominante responsabilité d'assurer le suivi pédagogique et moral des garçons était vouée aux mamans non/sous scolarisées.
Sans avoir fait l'école maternelle, en six ans, Naï partit de la SIL au Cours Moyen deuxième année sans obstacle, c'était une fille habile.
Sachant qu'elle était une élève clandestine et de plus une fille, ses camarades commencèrent à lui poser des questions qui la tourmentaient. Lors de la sortie des classes, l'un d'entre eux prit la parole :
- Dis, Naï, comment feras-tu pour déposer ton dossier d'examen pour le concours d'entrée en sixième et le C.E.P.E ? Figure-toi que l'année prochaine, nous ne serons plus dans cette école, mais en ville pour continuer les études secondaires.
- Quoi ?
- Oui comme je te le dis !
Celui qui s'adressait à Naï était l'un de ses camarades garçons. Dans cette classe du Cours Moyen deuxième année (CM2), il n'y avait pas de filles. Elles n'arrivaient pas à ce niveau, les avertissements et les coutumes les en empêchaient. Les instituteurs étaient scandalisés de constater que Naï continuait à s'instruire clandestinement jusqu'au CM2. De plus c'était elle la plus brave.