Le ciel de Toronto, d'un gris lourd, menaçait de faire tomber une averse automnale. Hyérielle serra son manteau contre elle en se faufilant dans les rues du quartier des affaires, le regard captivé par les imposantes tours de verre qui semblaient toucher les nuages. Ce n'était que sa deuxième semaine dans cette ville où tout lui paraissait si grand, si rapide, si... différent de Paris.
Elle chercha du regard le café dont lui avait parlé une collègue, une petite galerie d'art discrète où l'on servait d'excellentes boissons chaudes. Elle avait besoin d'un moment pour elle, loin des projets stressants de son stage d'ingénierie.
En poussant la porte, une douce cloche retentit. L'odeur du café fraîchement moulu mêlée à celle des vieilles toiles accrochées au mur créa une atmosphère réconfortante. Hyérielle s'avança, son regard vagabondant entre les tableaux. Un en particulier attira son attention, une peinture vibrante de couleurs représentant deux silhouettes entrelacées sous un ciel orageux.
Trop absorbée par l'œuvre, elle ne vit pas l'homme qui entrait au même moment.
Bam ! Leur collision fut brutale.
Hyérielle laissa échapper un cri étouffé tandis que son gobelet de café se renversait, éclaboussant l'homme de la tête aux pieds. « Oh non, je suis tellement désolée ! » s'écria-t-elle en se penchant pour attraper quelques serviettes.
L'homme, visiblement surpris mais étrangement calme, laissa échapper un rire amusé. « C'est plutôt moi qui suis désolé. Je ne pensais pas qu'une simple galerie pouvait cacher des dangers pareils. »
Hyérielle leva les yeux et croisa son regard pour la première fois. Ses yeux, d'un bleu perçant, semblaient presque s'amuser de la situation. Il était grand, vêtu d'un élégant costume qui trahissait une profession sérieuse. Pourtant, il avait quelque chose de détendu, comme si rien ne pouvait vraiment l'ébranler.
« Non, vraiment... Je suis désolée. Votre costume... » Hyérielle bredouillait, cherchant désespérément une solution pour réparer son erreur.
« Ce n'est rien, je vous assure. » Il sourit. « Mais si vous insistez, peut-être que vous pourriez m'offrir un autre café ? Après tout, c'est le vôtre qui a pris la fuite. »
Son sourire désarma Hyérielle, qui se détendit légèrement. « D'accord, ça me semble juste. Je vous dois bien ça. »
Ils se dirigèrent vers le comptoir. Le barista, témoin de la scène, les accueillit avec un sourire complice. « Ça vous fera deux cappuccinos, cette fois-ci sans accident, j'espère. »
Pendant qu'ils attendaient, Angel laissa son regard se poser sur Hyérielle. Elle avait quelque chose de singulier, avec ses cheveux bruns en cascade et ses yeux marron profonds qui semblaient toujours un peu ailleurs. « Je m'appelle Angel, au fait », dit-il en tendant la main.
« Hyérielle », répondit-elle avec un sourire timide en acceptant sa poignée de main.
Le lendemain, Hyérielle ne pouvait s'empêcher de penser à cette rencontre inattendue. Assise à son bureau, elle essayait désespérément de se concentrer sur son projet de stage, mais les yeux bleus d'Angel continuaient de hanter ses pensées. Elle secoua la tête, agacée par elle-même. Ce n'était qu'un café. Rien de plus.
Pourtant, elle savait que ce n'était pas juste un café. Il y avait eu quelque chose d'électrique entre eux, une étincelle qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant. Elle prit une grande inspiration et se remit à son travail.
L'après-midi touchait à sa fin quand son téléphone vibra sur la table. Un message d'un numéro inconnu s'afficha :
« Salut Hyérielle, c'est Angel. J'espère que ta journée s'est bien passée. Si tu as un moment, j'aimerais bien te revoir. Peut-être dîner ce soir ? Rien de formel, juste un moment tranquille. »
Elle hésita une seconde, surprise de recevoir son message, mais un sourire involontaire se dessina sur ses lèvres. Dîner ? Pourquoi pas. Elle répondit rapidement :
« Salut Angel, ça serait sympa. Je suis libre à partir de 19h. Tu as une idée d'endroit ? »
Quelques minutes plus tard, la réponse arriva :
« Parfait. Il y a un petit restaurant italien pas loin de la galerie où on s'est rencontrés. À 19h ça te va ? »
Hyérielle accepta et se surprit à ressentir une excitation inhabituelle. Elle n'avait aucune idée de ce que cette soirée lui réservait, mais une partie d'elle était prête à se laisser porter par cette rencontre inattendue.
19h approchait rapidement. Hyérielle se regarda dans le miroir, vérifiant une dernière fois sa tenue. Elle avait opté pour une robe simple mais élégante, d'un vert profond qui faisait ressortir la chaleur de ses yeux marrons. Ses cheveux bruns encadraient son visage en de légères vagues. Pas trop habillée, pas trop décontractée, parfait.
Lorsqu'elle arriva au restaurant, Angel était déjà là, assis à une table près de la fenêtre. Il portait une chemise blanche qui accentuait son teint bronzé et ses yeux bleus brillants. Il se leva en la voyant entrer, lui offrant un sourire chaleureux.
« Tu es magnifique », dit-il simplement en tirant sa chaise pour qu'elle s'asseye.
« Merci. Et toi, tu es plutôt élégant pour un dîner « informel » », répondit-elle en riant légèrement, s'efforçant de cacher son léger malaise. Il avait un charme naturel qui la déstabilisait, mais elle n'était pas prête à le lui montrer.
Le serveur arriva pour prendre leurs commandes, et bientôt, ils furent plongés dans une conversation facile, fluide. Ils parlèrent de tout et de rien : leur travail, leurs voyages, leurs passions. Hyérielle découvrit qu'Angel n'était pas seulement un avocat brillant, mais qu'il avait un humour subtil et une curiosité insatiable pour les gens et le monde qui l'entourait. Ils échangèrent des anecdotes de leur enfance, des souvenirs de leurs familles, tout en évitant soigneusement les sujets trop personnels.
Au fur et à mesure que la soirée avançait, quelque chose de plus profond se tissa entre eux. Ils riaient facilement, se comprenaient presque sans parler, et Hyérielle sentait que cette connexion, bien qu'étrange et soudaine, était réelle.
Alors que le dîner touchait à sa fin, un silence confortable s'installa entre eux. Ils étaient plongés dans le regard de l'autre, comme s'ils cherchaient à déchiffrer ce que cela signifiait. Angel finit par rompre le silence :
« Je ne sais pas ce qui se passe ici, entre nous... Mais je sais que je veux te revoir. »
Hyérielle sentit son cœur s'emballer. Elle n'avait pas prévu cela. Pas prévu de ressentir quelque chose d'aussi fort aussi vite.
« Moi aussi, » murmura-t-elle avant de détourner les yeux, légèrement gênée par l'intensité de ce qu'elle ressentait.
Angel tendit la main à travers la table, et pour la première fois, leurs doigts se frôlèrent. Une chaleur familière, douce et rassurante, se répandit en elle. C'était comme si, malgré tout ce qui pourrait se mettre sur leur chemin, quelque chose les reliait inévitablement.
Alors qu'ils se lèvent pour partir, Angel accompagne Hyérielle à la sortie du restaurant. Sous la lumière tamisée des réverbères, un moment de tension s'installe. Ils sont sur le point de s'embrasser quand, soudain, le téléphone d'Angel sonne. Il s'excuse rapidement, regardant l'écran. Quelque chose dans son expression change. Hyérielle le remarque, mais il masque son trouble.
« Je dois y aller, » dit-il avec une précipitation inhabituelle. « On se reparle bientôt. »
Il s'éloigne, la laissant perplexe, la tête pleine de questions. Quel était ce coup de fil ? Pourquoi semblait-il si troublé ?