Je tente un sourire pour les rassurer. D'un côté je les comprends. J'ai eu beau forcer sur le café et l'anti-cerne ce matin, je sais bien que j'ai une tête à faire peur. Surtout que j'ai attrapé un rhume à cause de la pluie d'hier.
- Maria, est ce que tu penses que tu pourrais savoir d'où viennent précisément les 3 nouveaux ? Lui demandais-je.
- Je crois qu'ils viennent de Norvège, un truc comme ça. Je ne sais pas exactement de quelle ville, mais je peux essayer de me renseigner si tu veux, sourit-elle.
- Ça serait super..!
Je sais que ça peut paraître bizarre que je m'interroge autant sur eux. Mais après l'événement d'hier, je suis obligée d'essayer de comprendre. Et je pense que le meilleur moyen d'en savoir plus est que j'aille moi-même à la pêche aux informations : soit me rapprocher d'un des trois garçons.
Je passe le cours de maths à fixer la nuque de William pour trouver un moyen de les approcher sans passer pour une folle. Est-ce que je tente une approche avec lui ? Ou avec un des deux autres ?
Après réflexion, c'est hors de question que je m'approche de Matthew, il me fait trop peur ! Après il est français donc ça pourrait être plus facile. Peut-être que si je joue la carte du patriotisme j'aurais une petite chance. Je coule donc un regard dans sa direction. Comme nous avons changé de place, je suis maintenant au milieu de la classe. William se trouve toujours devant moi. Matthew, lui, se trouve dans ma diagonale arrière. C'est pourquoi, j'essaye de me retourner d'une manière discrète pour ne pas qu'il pense que je le regarde.
Alors que je pensais avoir réussi, son regard se tourne vers moi et me foudroie. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre que ce regard signifie "Qu'est-ce que tu me veux ? Retourne toi" le tout sur un ton bien sec. Je lui adresse un petit sourire et me retourne d'un coup. Quel caractère de merde ! A ce stade là, je pense que je peux laisser tomber la carte du patriotisme.
Plan A éliminé. Il faut donc que je passe au plan B. Cette fois-ci, je me tourne vers Dave. Celui-ci à les yeux tournés vers la fenêtre et semble être en train de contempler quelque chose. Je me tourne donc vers la fenêtre en évitant tout possible contact visuel avec Mr Regard Noir, et cherche ce qui pourrait attirer l'attention de Dave. J'aperçois, pile en face de la première fenêtre, deux bébés écureuils en train de jouer avec ce qui ressemble à une noisette. Quoique après réflexion, ça ne ressemble pas vraiment à une noisette. Je fronce les sourcils, cherche à adapter ma vision et soudain j'aperçois le jouet des deux bébés. C'est une sorte de petite boule verte qui scintille.
Il me faut moins de 30 secondes pour comprendre que cette boule verte n'est pas une création humaine, que c'est donc une création magique et que l'auteur de cet objet n'est autre que Dave. Je me retourne vers lui, la bouche grande ouverte. J'arrive pas à y croire ! Il utilise sa magie en plein jour et dans un lieu public. N'importe qui, en tournant la tête, pourrait apercevoir ce qui se passe dans l'arbre. Mais ça n'a pas l'air de le déranger. Son regard se détourne de la fenêtre et se pose sur moi. Ses yeux sont toujours rêveurs et il m'adresse un immense sourire comme si j'étais la 8ème merveille du monde. J'en reste estomaquée.
Je sors de la classe encore choquée. Heureusement que c'est l'heure du repas et que j'ai super faim, parce que sinon je resterais encore bloquée sur ce que je viens de voir.
- J'ai trop faim, vous n'imaginez même pas, s'écrie Maria en posant brusquement son plateau sur la table de la cafet.
- Oh si on imagine très bien ! Rigole Abby. Tu es sûre que deux assiettes remplies ça te suffira où il faut aller en chercher une troisième ?
- C'est pas une assiette qu'il faut aller lui chercher là, c'est carrément le bac de nourriture qu'il faut rapporter, continuais-je morte de rire.
- C'est ça, moquez-vous de moi. Je vous rappelle que cet après-midi on a sport et qu'il faut qu'on soit en forme. Sérieusement ! Rappelez moi pourquoi on a pris boxe... gémit Maria.
- Peut-être parce que tu as craqué pour le nouveau prof de sport, et que tu nous as suppliées pendant des jours et des jours pour qu'on fasse de la boxe au premier semestre, répondit Abby en levant les yeux au ciel.
- Suppliées ? Tu plaisantes ! Elle nous a carrément harcelées ! Je n'ai jamais reçu autant de messages de sa part en une semaine !
J'étais littéralement en train de m'étrangler en repensant à la semaine de torture que j'avais subie pendant les vacances. Maria était comme ça. Enchaînant lubies et nouvelles envies à longueur de temps.
- En attendant, moi je suis dispensée de sport et Capu fait du krav maga, donc je te souhaite beaucoup de courage ma petite Maria, toi qui pète un câble dès que tu te casses un ongle, conclue Abby en adressant un sourire compatissant à la concernée.
Pour seule réponse, Maria enfourna une nouvelle bouchée de son repas, en foudroyant Abby du regard. Finalement, peut-être qu'elle devrait faire une compétition avec Mr Regard Noir pour savoir lequel des deux regarde le plus mal.
Je n'avais pas fini de me faire cette petite réflexion intérieure que je sentis un liquide me couler dans les cheveux et le dos.
- Oups pardon je n'ai pas fait exprès, entendis-je une voix moqueuse.
Au moment où la voix me parvient, je me lève d'un coup de ma chaise et me retourne furax. Matthew se tient devant moi, un bol de soupe vide dans la main. Une partie de mon cerveau analyse que la substance qui se trouve sur mon t-shirt est donc de la soupe, tandis qu'une autre se maîtrise pour ne pas lui balancer le plateau dans la figure.
Matthew me regarde avec un petit sourire moqueur sur le visage.
- Tu as de la chance, c'est de la soupe de légumes, c'est bon pour le cuir chevelu, me provoque-t-il.
Sa remarque de trop me fait voir rouge. Je sens mon pouvoir se manifester à travers la vibration de mon corps. Je sens mes yeux devenir bleus et la température de la pièce se refroidir d'un coup. Plus personne ne parle dans la cafet. Le silence se répand. Tous les élèves regardent la confrontation, attendant ma réaction.
Matthew ne semble pas surpris par ce qu'il voit, comme s'il savait déjà pour mon pouvoir. Mais je suis sûre qu'il bluffe. Il ne peut pas savoir. Personne ne peut savoir. C'est pourquoi je dois me calmer. Je relâche mes muscles, mes yeux redeviennent marrons, et la température de la pièce retourne à la normale.
Matthew lâche un petit rire en me voyant me calmer. Il me lance un regard provocateur avant de tourner les talons.
Mais je tiens à ma vengeance.
- Matthew attends, lançais-je d'une voix amicale.
Celui-ci se retourne, le sourcil levé. Il n'a pas le temps de réagir que je lui envoie déjà l'assiette pleine de Maria dans la figure.
- Tu as de la chance ! Ce midi c'est ratatouille, c'est bon pour la peau, lui dis-je.
Et je pars. Il faut que je songe à remercier Maria lorsque j'aurais fini de me changer.