- Mr Johnson, pourriez-vous vous asseoir s'il vous plaît, nous allons commencer le cours.
La voix du prof nous ramène sur terre. Pendant qu'il se rassoit, je replonge au fond de mon sac pour sortir ce que je cherchais avant d'être interrompue.
Lorsque j'eus enfin trouvé cette fichue trousse, qui s'était coincée entre mon agenda et mon bloc, je me rassis correctement. Mauvaise idée. La première chose que je vois, est tout simplement la nuque du dénommé Mr Johnson. J'ai beau me tordre dans tous les sens, je n'arrive pas à voir le prénom qui est écrit sur sa table. La seule solution est donc d'attendre que ce charmant prof principal fasse l'appel.
D'un côté, j'ai envie de lui parler. J'ai envie d'apprendre à le connaître. Je veux savoir qui il est et d'où il vient. Mais d'un autre côté, je n'ai qu'une envie : celle de partir en courant. Je sais qu'il sait quelque chose. Et vu son regard rempli de curiosité, je sais qu'il va chercher à savoir. Et si jamais il découvre mon secret, rien ne l'empêchera de l'ébruiter. L'objectif est donc de trouver son secret avant qu'il ne trouve le mien.
Le cours passa à une lenteur infernale. Au moment où je sentis que ma tête se rapprochait dangereusement de la table, j'entendis la cloche sonner. Super ! Je pris mes affaires et, sans un regard pour mon charmant voisin de devant qui, je l'avais appris, s'appelait William, je fonçais vers Maria. Je suis sûre qu'elle sait des choses sur lui.
- Okay Maria, j'ai absolument besoin de toi, m'écriais-je en lui sautant pratiquement dessus. Il faut que tu me dises tout ce que tu sais sur William Johnson.
- Tu vois, je te l'avais dit que tu craquerais sur lui. Bon c'est pas lui que j'ai vu ce matin, mais ses deux autres copains sont plutôt beaux gosses aussi, répondit-elle avec un clin d'œil. - Maria, je ne craque pas sur lui, je veux juste des renseignements.
- D'accord, d'accord. Bon écoute j'ai pas grand chose pour l'instant. Il n'est pas du genre bavard. Mais de ce que je sais, il a emménagé en ville cet été. Ils vivent tous les trois ensemble et ils ont 18 ans.
- Ils ont redoublé ? Demandais-je.
C'est bizarre, ils ont l'air intelligent pourtant.
- Non ils n'ont pas redoublé mais ils viennent d'un pays du nord de l'Europe et là bas, il n'ont pas le même système scolaire que le nôtre.
- Et ils vivent tous les 3 ensemble ? Ils font une coloc tu crois ?
- Non je crois qu'ils vivent chez l'oncle de Mathew, le beau gosse que j'ai vu ce matin.
- Ah d'accord. Je suis plutôt étonnée. Dans notre petite ville, les infos circulent de manière plutôt rapide. Et je n'avais pas entendu dire que de nouveaux habitants avaient emménagé pendant l'été. Mais après, il faut dire que je ne suis pas trop portée ragots. Enfin sauf quand j'ai besoin d'informations.
***
Bien que nous soyons dans la même classe principale, nous n'avons pas tous les cours en commun, ce qui fait que je n'ai pas reparlé à William. Bien sûr, nous nous sommes croisés plusieurs fois dans les couloirs, mais dès que je sentais sa présence, je baissais la tête et faisais genre que je ne le voyais pas. Je savais bien qu'il avait parlé de moi à ses amis, je sentais leurs regards sur moi. Mais je ne savais pas s'il leur avait dit que j'étais une fille bizarre.
Ses deux amis s'appellent Matthew et Dave. Ils sont tous les deux grands comme William et dégagent également une sorte d'aura mystérieuse autour d'eux. Ils ne sont pas à proprement parler introvertis et asociaux, ils ont l'air d'avoir fait connaissance avec d'autres garçons, mais on peut sentir qu'ils ne veulent rester que tous les trois.
Matthew a les cheveux noirs et les yeux extrêmement foncés. En fait, tout en lui est sombre. Même l'uniforme semble étrangement foncé sur lui. Il porte par dessus sa chemise obligatoire, un large sweat noir dont il a rabattu la capuche sur sa tête, ce qui lui permet de cacher une partie de son visage. Comme l'a dit Maria, il est très beau. Mais sa beauté me fait plus peur qu'autre chose.
Dave, lui, a les cheveux plus clairs. Ils sont châtains. Ses yeux sont verts mais il a la peau très bronzée, comme s'il passait son temps au soleil. Pourtant, Maria m'a dit qu'il venait du nord de l'Europe et je ne suis pas sûre qu'il y ait beaucoup de soleil dans cette zone-là. Peut-être qu'il est naturellement mate de peau après tout. Toujours est-il que lui, semble beaucoup plus détendu. Il sourit beaucoup, mais d'un sourire flou, un peu comme s'il était dans un autre monde.
Tous les regards convergent vers eux. Ils sont différents des autres élèves. Pourtant, je me sens attirée par eux. Moi aussi j'ai été scrutée et jugée par les autres. Au début, je ne comprenais pas pourquoi. J'étais petite et je ne savais pas pourquoi les autres me regardaient bizarrement. Et puis j'ai compris. Après mon accident, il n'y a pas que mon pouvoir qui est apparu. Ma sensibilité s'est développée. J'étais beaucoup plus sensible au temps, aux bruits, aux humeurs des autres. Comme si, soudainement, mon empathie avait augmenté. J'étais aussi beaucoup plus à l'écoute, j'arrivais à me concentrer plus longtemps et mon instinct s'était développé. Si bien que j'avais augmenté mes notes en un temps record. Mais surtout, ce que j'avais remarqué, c'est que j'étais beaucoup plus sereine lorsque j'étais en contact avec la nature. C'est pourquoi, je faisais souvent des promenades dans les bois, derrière chez moi.
Un soir, alors que je me sentais démoralisée, j'étais allée me balader dans la forêt et j'étais tombée sur un endroit magnifique et surtout isolé. C'est là que je vais quand je sens que j'ai besoin de « travailler » mon pouvoir. Ce dernier n'est pas facile à cacher. Parfois, j'ai l'impression qu'il est vivant. Ce que je veux dire, c'est que si je le garde trop longtemps au fond de moi, il explose. C'est pour ça que je vais régulièrement dans cette clairière. Là bas, je peux baisser mes barrières et libérer ainsi une partie de mon pouvoir.
***
Ça y est. La journée vient enfin de se finir. Je coupe le moteur de ma voiture, prends mes affaires, et sors en faisant bien attention de fermer la voiture. En rentrant dans la maison, je jette un coup d'œil au planning de mes parents et vois qu'ils sont tous les deux de garde cette nuit. Ça arrive de temps en temps. Même s'ils essayent de ne pas travailler au même moment, parfois ils n'ont pas le choix.
Je décide donc d'aller courir en attendant l'heure du repas étant donné que je n'ai pas de devoirs.
La forêt est très agréable. Nous sommes sur la fin de l'été et l'air, bien qu'il soit encore chaud, laisse passer un courant d'air frais automnale. J'adore courir avec ce temps là ; je me sens légère.
Au bout d'une heure de course, je décide de me rendre dans la clairière. Il y a un très joli lac au milieu, sur lequel se reflète toujours d'une manière très belle, la lumière du soleil. C'est donc face à ce paysage magnifique, rougit par le coucher du soleil, que je laisse échapper de mes mains des arabesques de glace, sans me douter un seul instant, que trois paires de yeux m'observent.