Chapitre 5 Chapitre 4 : Lueur d'espoir sous la pluie

Père,

Je t'écris pour la troisième fois, et même si j'ignore ce que cela te fait, j'avoue que ça m'apaise et me donne l'impression de me rapprocher de toi.

Ironiquement, il pleut encore aujourd'hui, et au lieu de me tenir dans le bureau, je suis au salon, écrivant en ayant un pot de chocolat à mes côtés.

Parait-il que le chocolat aide mieux à guérir les chagrins que l'alcool. Pourtant, les docteurs s'offusqueraient d'entendre cela. Ils diraient surement que le chocolat fait grossir, alors que l'alcool brule les graisses et... tu connais la chanson, désinfecte les blessures.

Je ne dirai pas que l'un a raison et que l'autre a tort. Cependant, j'ai essayé l'alcool et le lendemain de mes abus, mes soucis attendaient au seuil de la porte de mon cœur. Ils ne s'étaient pas noyés, ils ne s'en étaient pas allés.

Or, ce pot de chocolat, ressemblant vaguement aux pots de fabrications de potions magiques, soulage mes peines.

Il pleut. Oui, la voute céleste pleure. Seulement, je sais que ce n'est pas un cri de tristesse cette fois-ci, mais plutôt celui de contractions. En effet, elle donne naissance à ma nouvelle vie spirituelle.

Détrompe-toi, j'ai encore du chemin à faire, mais là où avant, je me sentais exister sans rien de plus, aujourd'hui, je hume la vie, débuter.

Il pleut et le parapluie de maman, maintenant délaissé dans un coin de la maison, prend soudain une signification nouvelle. Ce parapluie renfermant tant de contes sur nous.

Il me rappelle le passé, comme si c'était un film dramatique que j'avais visionné hier. J'ai ce souvenir en le regardant, de la période où elle venait de partir et je ne comprenais toujours pas ce qui se passait.

Alors que de son vivant, tu voyageais déjà beaucoup, là, tu étais devenu une odeur portée par le vent dans la maison.

Jadis, on pouvait avoir une image claire de toi autour de la table de temps en temps, mais après son départ, tu étais devenu comme un papillon en route pour une destination inconnu, se perdant en chemin là où je vivais. Un papillon de passage malgré lui, et nos regards ne se croisaient plus que très peu. Et alors même que ces créatures colorées taquinent les hommes et les font sourire en se reposant de leurs longues courses sur nos nez, toi, tu n'osais même pas me tenir la main.

C'est Grâce, tu sais, qui me tenait tout le temps la main. Elle le faisait surtout lorsqu'elle m'apprenait à traverser la route. Et aujourd'hui, c'est avec le courage que j'ai ressenti la première fois que je l'ai fait, que je traverse la mer de mes larmes. Oui, aujourd'hui, j'aspire à ne plus être esclave du passé et je me bats pour aller vers une destination plus paisible.

Par contre, Grace n'a pas mis long feu dans ma vie et... je n'ai donc pas eu assez de leçon sur l'affection. Je ne sais pas ce que c'est et je la fuis, car je ne sais pas comment répondre face à elle, ni comment prendre soin d'elle.

Je déteste que les gens me tiennent dans les bras. J'ai peur des baisers sur la joue et encore plus de ceux posés sur les lèvres. J'ai peur des caresses qui enlèvent les cheveux au-dessus des yeux, pourtant, ils n'agissent que pour faire voir plus clair.

Oui, l'affection, Ça n'a pas été dans mon école de la vie, ou devrais-je te dire, dans mon école familiale.

Peut-être que Dieu se chargera-t-il de me montrer combien l'affection est une chose belle et est comme un trésor tendre, un collier que l'on porte sur le cou, une bague que l'on porte sur ses doigts. Probablement.

Pour en revenir à la période pendant laquelle maman s'en était allée, je restais longtemps à fixer ce parapluie. Je ne voulais pas le toucher, mais je ne voulais pas non plus qu'il disparaisse. J'avais peur de l'utiliser, parce que je me disais qu'il n'allait pas me protéger de la pluie. Pire que ça, je me disais qu'à l'intérieur se cachaient les larmes de maman et qu'ils allaient tomber sur ma tête en causant de me rappeler, tant de souvenirs effroyables que le traumatisme avait déjà effacé.

J'hésitais à tenir sa poignée, de peur de sentir la chaleur de maman. Je craignais d'effleurer le tissu formant les ailes de cet objet, de peur de découvrir les dernières traces de son odeur.

J'avais peur, j'avais mal, j'hésitais, mais aujourd'hui, je me dis que peut-être au travers de ce parapluie, je peux m'abriter. M'abriter de la haine et de la colère.

Je me souviens même que j'avais insisté pour que l'on m'achète un nouveau parapluie.

Germaine, la dame de maison que tu avais engagée après la mort de maman, découvrait mes hantises un jour de pluie aussi.

Je devais aller à l'école et il pleuvait des cordes, le taxi était là, et alors qu'elle s'apprêtait à soulever le parapluie pour m'abriter, jusqu'à dehors, je sautais sauvagement sur elle.

"Non... Non... Non..." Les yeux fermés, je répétais, tenant avec force sa robe beige. "Ne touche pas à ce parapluie."

La sentant se pencher malgré tout vers l'objet, surement pensant que je piquais simplement une crise, j'ouvris la porte et en moins d'une seconde, vis le visage de maman. Alors, que je le fuyais, le touché des gouttes de pluie me rappelait ses caresses lorsque j'étais malade.

Je me suis mise à pleurer tandis que Germaine hurlait mon nom. Je l'ignorais et allais monter dans la voiture, espérant que le chauffeur confondrait mes larmes à la pluie. Ce qui se passa d'ailleurs.

Pourtant, moi, a cet âge-là, je savais déjà faire la différence entre les larmes causées par un ognon et celles causées par un cœur brisé.

Le chauffeur m'avait réprimandé, tout comme la maitresse qui ordonna ensuite que l'on me trouve des habits de rechange afin que je ne tombe pas malade. L'école avait par la suite envoyé quelqu'un dans un magasin tout prêt puis fait livrer la facture avec moi.

Lorsque je remettais cela à Germaine, elle me réprimanda aussi. "Ton père te gâte vraiment trop. Tu lui fais dépenser de l'argent inutilement. Attends, je vais l'appeler. Restes là."

La pauvre, elle espérait sûrement que tu me grondes. Mais non, tu savais, hein, que ce parapluie était comme un membre de la famille, mais un étranger à la fois.

Le toucher pour toi, devait probablement revenir à te rendre compte que maman était réellement partie pour toujours. Oui, le voir posé là te faisait sans doute penser quelle était quelque part dans la maison et qu'elle reviendrait le prendre pour se couvrir des bruines ou du soleil trop farouches.

Je pouvais voir le visage de Germaine se décomposer, lorsque les secondes passaient avec toi au téléphone. Sûrement, tu lui parlais de maman. Je ne sais pas. J'ai quitté la pièce, marchant me réfugier dans ma chambre.

Quelques années plus tard, Germaine démissionnait. Elle venait d'avoir trente ans et allait en mariage. Elle s'excitait pour sa nouvelle vie, malgré le pincement au cœur de ne plus me revoir.

Aujourd'hui, j'aspire à, dans bientôt, le déplier ce parapluie. Je le ferai, lorsque mon cœur sera totalement libre. Quand je serai prête à sourire en repensant à vous. Je ne veux plus être en colère.

J'ai commencé à visiter l'église plus souvent. J'y vais tous les dimanches désormais et lorsque je finis le boulot, le mercredi, j'aide à nettoyer et à effectuer d'autres tâches bénévolement.

J'ai l'impression de renaître. Je ne saurai comment t'expliquer cela. Je suis curieuse de tout et ait l'intrigue d'un enfant qui découvre la vie.

Il y a une semaine, en allant à l'église, j'ai rencontré une veuve au nom d'Abigaël. Je vais t'avouer que j'ai été attiré miraculeusement vers elle. C'est sans doute ce que l'on appelle l'œuvre du Saint-Esprit.

Je montais les marches pour entrer et elle y sortait, revenant du service précédant. À ce moment, nos yeux se sont croisés et j'ai senti le même vent chaud qui entourait la maison le jour où nous avions découvert le corps de maman dans la salle de bain.

J'ai couru vers elle et lui ai demandé si elle allait bien. À ce moment, elle a fondu en larmes et m'a expliqué qu'elle venait de perdre son mari. Je ne trouvais pas les mots et écoutait simplement son discours.

Elle a quatre enfants et la famille de son mari se bat contre elle pour prendre tous les biens que ce dernier a laissés.

Moi qui me plaignais de ne pas vouloir être ton héritière, voici que je voyais combien des enfants désiraient quelque chose de leur père, mais n'allaient possiblement pas l'avoir.

Étrangement, son histoire me donna la chair de poule. Une boule dans le ventre me fit douter du fait que je voulais vraiment connaître ta famille. Et si jamais je tombais sur des personnes mal intentionnées ?

À bientôt,

Elizabeth.

                         

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