L'HÉRITIER
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Chapitre 5 5

Chapitre 5: Amandine NZAMBA

Amandine

Ma journée se passe mouvementée entre mes activités de l'église et le tour de mes locataires. C'est la fin du mois, il faut bien que je récupère mes loyers. Eh oui! Je dois bien jouir du fruit de mon travail. J'ai commencé à construire jeune, très jeune. Quand mon défunt époux m'a épousée à l'âge de 18 ans, l'idée d'investir m'a traversé l'esprit. A l'époque, il était DRH à la SEEG. On ne payait ni eau, ni courant, juste notre loyer. On vivait bien, très bien même, surtout que nous étions encore sous le règne du président père. L'argent coulait à flot, pas la misère qu'on vit maintenant.

Pendant que mon chèr mari faisait l'homme généreux à donner l'argent à qui en demandait, moi j'investissais, parce que j'avais la vision. L'argent qu'il me donnait sans compter, j'achetais les terres, je montais peu à peu mes maisons. Enfin, nos maisons. S'il fallait que j'attende qu'il pense lui-même à investir, nous serions dans la rue avec nos enfants des années plus tard. Alors, tant qu'il liquidait l'argent n'importe comment sur moi, et nos enfants, j'investissais. Parce que oui, s'il y a des personnes sur qui Jean-Paul dépensait sans compter, c'est bien nous sa famille restreinte. Et j'en ai intelligemment profité.

Quand il me donnait de grosses sommes pour les vêtements des enfants, leurs chaussures et la popote, je prenais la plus grosse partie pour économiser afin d'acheter nos terres, et l'autre, j'achetais l'essentiel aux enfants. Ca m'a permis de leur apprendre aussi l'humilité, et que si on voulait être à l'aise dans cette vie, il fallait travailler dur, dur! Ce qui me facilitait la tâche est que Jean-Paul, n'était pas tout le temps à la maison. Ça permettait ainsi d'équilibrer les choses. Pas que je maltraitais mes enfants, loin de là, mais où lui les gâtait excessivement, je venais établir l'équilibre.

Tous mes enfants savaient qu'à 25 ans, ils devaient se prendre eux-mêmes en charge, mais surtout hors de chez moi. Les deux premiers, dont Corentin et Gabrielle étaient au pas, c'est avec Martine qu'il y a eu des imprévus, comme quoi, rien n'est parfait dans cette vie. Heureusement, tous ont fini leurs études, même si certains ne sont pas allés jusqu'au bout, mais au moins chacun a un diplôme qui lui permet aujourd'hui d'avoir un travail et de subvenir à ses propres besoins.

J'arrive chez le troisième locataire, je me gare convenablement et descends de ma voiture. Les habitants de ladite maison m'aperçoivent et se lèvent.

Moi: bonjour

Eux (souriant): bonjour maman

Le locataire principal: maman assieds-toi

Moi (m'asseyant): merci

Lui: tu veux boire quelque chose?

Moi: non non, je suis pressée je suis juste venue prendre le loyer

Lui (embarrassé): ah maman (s'asseyant) ils ne sous ont pas encore payé, c'est compliqué

Moi (ferme): ça fait trois mois que tu me dis la même chose,et pourtant c'est toi qu'on voit dans les boîtes de nuit entrain de faire le faro. Trois mois! Trois mois que tu fais tourner une vieille femme comme moi, tu n'as pas de maman? Ça t'aurait fait plaisir qu'on lui fasse ça?

Lui (gêné): non maman

Moi: tu penses que je n'ai pas de charges, que je n'ai pas d'enfants aussi ni de petits enfants? C'est difficile pour tout le monde. Cette maison je la fais louer, elle n'est pas gratuite. Si tu ne peux plus payer, il faut libérer ma maison

Lui (sourire jaune): ah maman toi aussi

Moi (énervé): à partir du mois prochain, sache que c'est mon fils qui récupèrera désormais les loyers. Puisque quand vous voyez une vieille femme, vous n'avez pas peur. Si le mois prochain, tu ne me donnes pas tout mon argent, c'est la PJ qui interviendra cette fois-ci (me levant)

Lui: maman ne te fâche pas, nous ne sommes pas obligés d'en arriver là

Moi (m'en allant): tu es prévenu

C'est toute énervée que je regagne mon véhicule en murmurant.

Moi: tu fais les fêtes tous les jours et quand c'est pour donner mon du, tu as toujours des explications, c'est quoi ça?

Je poursuis chez les six derniers, et seulement deux m'ont donné leurs loyers. Les autres ont reçu les mêmes menaces que l'autre. Je ne rigole plus, j'ai aussi mes problèmes. Je rentre à la maison aux environs de 16h et je m'allonge sur le canapé au salon. Je ne sais pas, mais je ne me sens pas très bien, mon coeur bat anormalement et je ne sais pas pourquoi. J'essaie de me reposer un peu, c'est surement dû au stress de cette journée. Je me lève vers 17h30 quand j'entends Martine passer le seuil de la porte.

Elle: bonsoir maman

Moi (me frottant les yeux): bonsoir, Justine n'est pas déjà là?

Elle (haussant les épaules): je viens d'arriver

Je me redresse et vais me débarbouiller. Je mange quelque chose et m'apprête à ressortir.

Moi: je vais chez Bla

Martine: pour l'histoire du terrain encore?

Moi: oui

Elle: je t'accompagne

Moi: ok

Nous montons dans ma voiture et nous allons vers le Château d'eau chez ma petite sœur Bla. Dès qu'elle voit ma voiture, elle fronce déjà les sourcils.

Martine (amusée): elle est déjà fachée

Moi: hum

Je gare à la cour et nous descendons.

Moi (m'approchant de la terrasse): bonsoir Bla

Elle (pas du tout contente): bonsoir Amandine

Martine: bonsoir maman Bla

Elle: bonsoir

Moi: Bla, tu me rends mon terrain quand?

Elle (pétant les câbles): c'est comment avec moi Amandine? Ce n'est pas toi qui m'a donné ce terrain?

Moi (calme): je ne te l'ai pas donné, je te l'ai prêté, le temps que tu trouves quelque chose et t'en sorte

Elle: j'ai déjà construit sur ce terrain, mes enfants ont grandi ici, tu me poursuis comme si je n'étais pas ta petite soeur et que tu manquais de terrain

Moi (m'énervant): abon hein? Bla c'est ce que tu me dis aujourd'hui? Quand tu étais venue me voir des années en arrière en pleurs en me disant de t'aider, tu oublies ce que j'ai fait pour toi? Si je ne te considérais pas comme ma petite sœur, j'allais t'aider à payer leurs études? J'allais te PRETER ce terrain? Tu dis que tu as construit abon? Donc tu peux mentir comme ça? Ce n'est pas moi qui t'ait construit cette maison que tu as juste améliorée après? C'est MOI qui ai construit cette maison, et toi tu as juste ajouté tes déco. Je ne t'ai JAMAIS donné ce terrain. Pourquoi tu veux faire de la mauvaise foi? Et c'est toi qui veux toujours crier sur les gens. Va crier sur ton terrain pas sur le mien

Elle: je ne bougerais pas d'ici Amandine, tu veux qu'une vieille femme comme moi aille où? Va appeler les gens qui cassent les maisons là, qu'ils viennent casser, mais je ne bouge pas

Je l'ai longuement regardée me demandant si c'était vraiment ma propre petite-sœur que j'avais en face de moi. Je suis de plus en plus déçue. Nous vivions au village et nous sommes venues en mariage à Libreville toutes les deux. Elle est venue 5 ans après moi. Ce terrain, j'avais déjà monté une petite maison. Un jour, elle arrive en pleurs chez moi avec ses deux enfants me disant que le bailleur les a mis à la porte faute d'arriérés de loyer. C'est ma sœur, je ne peux pas la voir souffrir, je la mets elle, son mari et leurs enfants sur ce terrain, dans cette maison en lui disant bien que c'est pour un temps. C'est pour lui permettre de se chercher et rebondir. Aujourd'hui, 20 ans plus tard, voilà comment elle me remercie.

Moi (la fixant): je reviendrais, ne pense même pas que nous en resterons là

Je tourne mes talons et Martine me suit. Je ne suis pas en colère mais déçue et triste qu'on en arrive là.

Appel: Justine

Moi (décrochant): allo?

Voix d'homme: bonjour madame

Moi (fronçant les sourcils): qui est-ce? C'est Malick?

Lui: non madame, votre fille a fait un accident de voiture sur la grande route

Moi (affolée): où? Quand? Ma fille est où?

Martine: c'est comment maman?

Lui: elle a été admise dans notre structure, l'hôpital général

Moi: j'arrive là-bas tout de suite (les larmes se mettant à couler)

Click!

Martine (inquiète): qu'est-ce qu'il y a maman?

Moi (le coeur en lambeau): Justine a fait un accident, elle est à l'hôpital général

Elle (la main sur la poitrine): mon Dieu

Moi: on y va directement

Elle: ok

Je me suis donné quelques secondes pour reprendre mon souffle et j'ai démarré la voiture. J'ai conduit assez vite en faisant bien attention. Un deuxième accident n'aiderait personne actuellement. Nous arrivons à bon port, et c'est d'un pas précipité que nous entrons dans l'hôpital.

Martine: nous avons notre soeur Justine NZAMBA qui a fait un accident et qui a été admise ici

L'infirmière (fouillant dans l'ordinateur): je ne retrouve pas son nom hein, vous avez dit NZAMBA?

Nous: oui

Elle (regardant bien): mais il n'y a pas son nom (à sa collègue) Sergine, tu connais une patiente au nom de Justine NZAMBA? Ces parents ici la cherchent

Sergine: ce n'est pas celle qui est décédée sur le coup là?

KOUM! KOUM!

L'autre (haussant les épaules): je ne sais pas hein

Elle: on va demander au docteur

Mon Dieu! Mon enfant? Impossible, elles se trompent. Des minutes plus tard, le docteur vient vers nous et nous invite dans son bureau.

Lui (d'un ton grave): mesdames, votre fille a eu un terrible accident de voiture. Elle était avec un homme, je suis vraiment navré. Votre fille a perdu la vie sur le coup, elle est arrivée morte à l'hôpital, l'homme a perdu la vie ici des minutes plus tard

Martine a poussé un cri de détresse, et moi j'ai senti comme si la terre m'englobait. Non impossible! Pas Justine! Pas mon enfant.

Trou noir.

Kévin

Depuis hier soir, j'essaie de joindre maman mais elle ne répond pas. J'ai essayé de joindre mamie, rien aussi. Je prends l'avion demain, et j'aimerais savoir qui viendra me prendre mais surtout qu'elle soit au courant. Je veux qu'on m'accueille avec les honneurs d'un bachelier (rires). Bah quoi? Les autres ont toujours eu des fêtes en leur honneur, pour une fois que je peux en avoir une pour moi tout seul où est le soucis? J'appelle maman Gabrielle qui me répond, enfin!

Moi (souriant): maman Gabrielle bonjour

Elle (bizarre): Kévin, ça va?

Moi: oui et vous là-bas?

Elle: ça va

Moi: euh ok, en fait depuis là j'appelle maman, mais elle ne répond pas. Comme j'arrive demain au Gabon, je voulais qu'elle le sache et qu'elle vienne me prendre

Elle: ahan d'accord, tu arrives à quelle heure?

Moi: à midi du Gabon

Elle: ok, ta mère on lui a volé le téléphone et maman c'est rare qu'elle soit à côté du sien. Mais je leur transmettrais le message

Moi (rassuré): ok merci, sinon les autres vont bien?

Elle: oui oui

Moi: ah d'accord c'est bien alors, bon je te laisse, à demain

Elle (sourire triste): à demain Kévin

Click!

Bizarre, bref! Le lendemain, j'ai pris l'avion tout impatient de revoir mon pays. A midi, comme prévu, l'avion a foulé le sol gabonais. J'étais tellement heureux. En sortant, j'ai été étonné de voir maman Gabrielle.

Elle (souriante): tu as fait un bon voyage?

Moi (souriant): oui merci

Nous sommes allés dans sa voiture, elle était étrange, je ne sais pas pourquoi, mais il y a un truc qui n'est pas clair. J'espère que maman ne me joue pas un sale coup, comme quoi j'irais vivre chez le Chef KENGUE! Oh non, pardon. On ne va pas s'entendre. Ou alors, c'est une fête surprise qui m'attend? (Sourire) Oui, c'est sûrement ça. Le trajet s'est fait silencieux, très silencieux. Nous sommes arrivés chez elle, et il n'y avait personne;

Moi: il n' y a personne?

Elle (soupirant): assieds-toi Kévin? Je dois te parler

Mon coeur a commencé à battre fortement, je ne veux pas rester ici oh, la vieille me bosse quoi comme ça?

Moi (m'asseyant): maman Gabrielle, maman est où?

Elle (les yeux larmoyants): elle est morte Kévin

                         

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