Une autre vie
img img Une autre vie img Chapitre 3 Le mythe
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Chapitre 6 L'île n'a pas de mémoire img
Chapitre 7 Faire son deuil img
Chapitre 8 En famille, toujours img
Chapitre 9 Joyeux Anniversaire img
Chapitre 10 Yeleen Aaliyah Taylor img
Chapitre 11 Ghost img
Chapitre 12 Noce de bois img
Chapitre 13 Papa à la rescousse img
Chapitre 14 Mauvaise surprise img
Chapitre 15 Les Mikhova img
Chapitre 16 Viktoria Alessia Mikhova img
Chapitre 17 Face à la menace img
Chapitre 18 Soulage ta conscience img
Chapitre 19 Aussi prêt que son ombre img
Chapitre 20 Quand la paix vacille img
Chapitre 21 Darren Jackson img
Chapitre 22 La poupée Barbie img
Chapitre 23 Faire bouger les choses img
Chapitre 24 L'argent et la bonne volonté ne suffisent pas toujours img
Chapitre 25 C'est quoi être père img
Chapitre 26 Premier contact img
Chapitre 27 Diamant noir img
Chapitre 28 Le voile de la peur img
Chapitre 29 Série vs réalité img
Chapitre 30 Lignes de vies img
Chapitre 31 L'ange gardien, fille du diable img
Chapitre 32 Se retrouver parmi les loups img
Chapitre 33 Plus tôt que prévu img
Chapitre 34 Le passé laisse forcément des traces img
Chapitre 35 Devoir ou dévotion img
Chapitre 36 Le cœur a ses raisons... img
Chapitre 37 Retour aux origines img
Chapitre 38 Valentine's day img
Chapitre 39 Loin des yeux, près du cœur img
Chapitre 40 Celui qui a une famille, a tout dans cette vie img
Chapitre 41 Les flammes de l'enfer img
Chapitre 42 Liaison dangereuse img
Chapitre 43 Cœurs rebelles img
Chapitre 44 Le rôle du chef de famille img
Chapitre 45 Le marionnettiste img
Chapitre 46 Des fantômes du passé img
Chapitre 47 Finalement img
Chapitre 48 La voix du pouvoir img
Chapitre 49 Promesse tenue img
Chapitre 50 A la vie, à la mort : Je suis à toi img
Chapitre 51 Labyrinthe de turbulences img
Chapitre 52 Amoureuse d'un homme dangereux img
Chapitre 53 Jeux de pouvoir img
Chapitre 54 La fragilité des liens img
Chapitre 55 Tempête émotionnelle img
Chapitre 56 Dans les mêmes galères img
Chapitre 57 Hors de contrôle img
Chapitre 58 Petit coup de pression img
Chapitre 59 Le poid de la couronne img
Chapitre 60 Mira et ses passe-passes img
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Chapitre 3 Le mythe

NARRATEUR EXTERNE

Il y a des noms que le temps efface. Et puis il y a ceux que même la poussière du silence ne parvient pas à recouvrir. Ghost. Le Roi sans couronne. Le criminel que même les agences les plus secrètes n'ont jamais pu attraper. Le mari disparu. Le père effacé. Le monstre. L'homme. On raconte qu'il est tombé une nuit d'automne, avec femme et enfant, dans une explosion suite à une course-poursuite par un agent du gouvernement.

Corps calcinés. ADN partiel. Assez pour clore une enquête. Pas assez pour clore une légende.

Le MI6 a classé le dossier. Wesley Curtis Donovan a tiré sa révérence. Liam Lemarchal a été incarcéré pour meurtre d'État dissimulé. Et le monde a tourné la page. La paix, enfin. Du moins, en surface.

Mais certaines vérités sont des mines enfouies. Il suffit d'un pas de trop pour que tout explose à nouveau. Car, il y a des jours où le passé frappe à la porte sans prévenir. Et d'autres où il l'enfonce.

20 ans après, le béton à Manchester a changé de peau, les visages aussi. Les anciens caïds sont devenus des légendes, ou des fantômes. Les jeunes dominent les rues, arrogants, insouciants, croyant avoir tout inventé. Mais dans certains bars, certains entrepôts, certains regards, un nom continue de geler les conversations.

Ghost.

- Tu crois qu'il est encore vivant ?

La question tombe comme une blague. Mais personne ne rit vraiment. Et c'était presqu'ainsi à chaque fois.

Manchester, cet après-midi-là, n'avait rien de particulier à offrir. Le ciel plombé pesait sur les rues humides, et les passants pressés évitaient les flaques comme des pièges invisibles. Pourtant, dans un amphithéâtre d'une université locale, une salle se remplissait d'étudiants en criminologie, impatients et curieux. Au fond, une silhouette se détachait des autres. Il portait un manteau sombre, le col relevé, les yeux perçants scrutant la pièce avec une attention calculée. Son nom ne figurait pas sur la liste officielle des intervenants, et pourtant, il détenait une aura qui commandait le silence.

Cours de criminologie, master 2. Sujet du jour : « La disparition des figures criminelles et leur mythisation ».

Le professeur, Evan Reeds, un homme aux tempes grisonnantes, s'adressa à la classe. Il en parlait toujours avec une neutralité feinte, comme s'il n'avait pas été consultant pour le MI6.

- Aujourd'hui, nous allons parler d'une figure qui a marqué l'histoire criminelle moderne. Une énigme autant qu'un mythe : Ghost.

Un murmure parcourut la salle. Un jeune homme au manteau esquissa un léger sourire.

- Ghost... disait-il, n'est pas seulement un nom. C'est un symbole. Celui de la résilience dans l'ombre, de la menace qui ne meurt jamais vraiment.

Un étudiant leva la main, hésitant.

- Mais... comment est-il possible qu'après vingt ans, on parle encore de lui comme si c'était hier ?

- Parce que les vérités les plus terrifiantes ne meurent jamais. Elles dorment, répondit le professeur. Et Manchester, malgré ses apparences, n'a jamais cessé d'être un terrain de chasse.

Une image s'affiche à l'écran : un cliché noir et blanc, flou. Une silhouette encapuchonnée. En bas de l'image : Ghost. Présumé mort. Niveau de menace : classé X.

- Certains experts affirment que cet homme, là, serait un revenant. Le criminel serbe plus connu sous le nom de « Ghost ». Daté de janvier dernier. Mais l'image n'a jamais pu être authentifiée.

Silence tendu. Une étudiante leva la main, voix hésitante.

- Mais... si c'était lui ? Pourquoi réapparaître maintenant, après tout ce temps ?

Reeds la fixa, un instant trop long.

- Parce que certaines ombres n'acceptent pas de mourir. Et que certaines dettes ne s'effacent jamais. Cela dit, rien n'est sûr.

L'amphithéâtre sentait le cuir vieilli. Les murs de pierre, rénovés mais toujours froids, portaient l'écho de générations d'élèves.

- Qu'est-ce qui différencie un criminel de légende d'un simple tueur ? il osa leur demander.

Une vingtaine d'étudiants le fixaient, mi-curieux, mi-inquiets. Sur l'écran derrière lui, l'image floue en noir et blanc toujours projetée.

- La peur qu'il inspire, répondit une étudiante blonde à l'accent londonien.

- L'impunité, ajouta un garçon en sweat noir.

- Le mythe, conclut une jeune femme au fond de la salle, la voix posée.

Elle s'appelait Olesya. Yeux bleus, cheveux noirs tirés en queue-de-cheval, silhouette sobre. Presque transparente.

Le professeur tourna lentement la tête vers elle. Un silence suspendu s'installa.

- Intéressant... Le mythe. C'est vrai. Ghost n'était pas qu'un criminel. Il était une narration vivante. Chaque acte, chaque meurtre, chaque disparition faisait partie d'un récit plus vaste.

Il s'arrêta un instant, puis appuya sur la télécommande. Une autre image apparut. Celle d'une femme. Jeune, belle, regard dur. Légende en bas : Épouse de Ghost. Aussi fausse que dangereuse.

Le professeur Reeds fixait l'image projetée.

- L'histoire de Ghost fascine, dit-il. Mais celle de sa femme... trouble. On dit que derrière chaque grand criminel, il y a une femme. Mais dans le cas de Ghost, c'est plus complexe que ça. Elle ne l'a pas seulement suivi. Elle l'a défié. Elle l'a aimé. Et elle l'a choisi.

Il tourna les talons, marcha lentement devant la salle comme s'il cherchait ses mots.

- Elle n'était ni tueuse à gages, ni agente secrète, ni simple épouse silencieuse. Elle était... une fracture. Un paradoxe vivant. Sœur de l'ennemi juré de Ghost. Le seul à l'avoir défié pendant longtemps. Leur rivalité était un conflit d'empires. Un jeu de pouvoir et de sang. Et au milieu... il y avait-elle. Une anglaise, élevée dans un monde de principes, de loyauté, de guerre de territoire. Et pourtant...

Il appuya sur la télécommande. Une autre image apparut : une femme dans une robe de mariée. Beauté froide, regard ferme, presque insolent. Derrière elle, en arrière-plan, flouté mais bien là : Ghost. L'ennemi. Le mari.

- Elle a choisi de l'épouser. Ou peut-être a-t-elle été forcée. Les versions divergent, confuses, contradictoires, comme toujours avec les figures trop humaines pour être des monstres, et trop monstrueuses pour être des victimes.

Les étudiants écoutaient, captivés.

- Ils formaient un duo improbable. L'homme venu de Belgrade, roi des ombres, bête noire des services britanniques. Et la femme anglaise, élevée dans le giron de l'un des parrains les plus redoutés de Londres. C'était comme voir le feu épouser l'essence. Ce n'était pas une histoire d'amour. C'était une guerre déguisée en mariage. Un mariage qui, pourtant, a duré. Qui a donné une enfant. Et qui s'est terminé dans une explosion. Littéralement.

Un étudiant fronça les sourcils.

- Pourquoi elle ? Pourquoi aurait-il pris la sœur de son ennemi ? Une vengeance ?

- Peut-être, répondit Reeds. Elle était censée être un pion. Une monnaie d'échange. Un appât, peut-être. Mais elle est devenue la reine. Certains disent que c'était une alliance stratégique. D'autres, un coup de foudre interdit. Moi, je pense que c'était pire que ça : une dévotion. Une guerre perdue d'avance, acceptée avec grâce. Ou un amour qui n'aurait jamais dû exister. L'Histoire, messieurs dames, ne fait pas de sentiment. Mais parfois, ce sont les sentiments qui font dérailler l'Histoire.

Un autre murmure. L'image de Lindsay s'évanouit, remplacée par celle de leur fille, âgée de trois ans à l'époque de leur mort présumée. Aucun nom n'était affiché. Juste une silhouette, une innocence brisée.

Le professeur Reeds s'arrêta. Sa voix s'était faite plus douce.

- Ce couple... cette famille... ils sont devenus des figures de légende précisément parce qu'ils n'auraient jamais dû exister. Parce qu'ils ont défié toutes les lois, même celles du sang.

Puis, après un silence lourd, il conclut :

- Mais il y a une rumeur, persistante. Certains disent qu'il a survécu. D'autres qu'elle l'aurait trahi. D'autres encore qu'ils ont tous trois mis en scène leur propre mort pour disparaître.

Un étudiant demanda, d'un ton hésitant :

- Et vous, professeur... vous y croyez ? Qu'ils soient encore en vie ?

Reeds le regarda longuement. Puis, un sourire à peine perceptible au coin des lèvres :

- Je crois... que certaines histoires n'ont pas besoin d'être vraies pour continuer d'exister. Il suffit qu'on y croie. Et que quelqu'un, quelque part, ait encore peur.

Derrière, dans la pénombre, l'homme au manteau noir se leva. Il quitta la salle sans bruit, sans se retourner. Olesya, elle, le suivit du regard, les mains crispées sur son carnet de notes.

Le silence est retombé comme une chape. Les étudiants hésitaient à bouger, comme si quitter la salle revenait à rompre un sort. Le professeur Reeds regardait encore l'écran vide, pensif, comme s'il avait lui-même convoqué des fantômes qu'il n'arrivait plus à faire disparaître. Puis il soupira, tapota sur le clavier, et déclara :

- Très bien... On s'arrête là pour aujourd'hui. Je vous laisse réfléchir à ce que cela signifie : survivre à sa propre mort.

Le froissement des sacs, les chaises qui raclent, les murmures à voix basse. Le charme se brise lentement. Certains étudiants semblent soulagés. D'autres, encore habités, quittent la salle d'un pas plus lent, comme si quelque chose dans leurs certitudes s'était fissuré.

Olesya resta figée un instant. Son regard vide fixé vers l'endroit où l'homme au manteau noir s'était trouvé. Il n'était plus là. Elle baissa les yeux sur son carnet avant de le fermer précipitamment. Puis, elle se leva.

Au bureau, le professeur Reeds rangeait ses documents. Il releva brièvement les yeux en croisant son regard, la fixa une demi-seconde de trop, comme s'il la connaissait. Mais il ne dit rien.

Elle sortit.

Dans le couloir, l'agitation ordinaire des étudiants masquait la tension du moment. Les murs de pierre grondaient encore des échos du nom interdit. Ghost. A l'extérieur, le vent souleva une feuille morte qui vint s'écraser contre le mur de pierre.

            
            

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