**CHAPITRE 01**
« Tu es vraiment une fille naïve, tu le sais ça ? » dit Thomas alors que toute la classe éclate de rire.
C'est le dernier jour d'école, heureusement. Malheureusement, il me reste encore la remise des diplômes, ce qui signifie que je vais devoir revoir cet imbécile. Oh ! Comme j'aimerais ne plus jamais le croiser... Je n'ai aucune envie de l'affronter, car ce serait bien pire, et je finirais probablement les larmes aux yeux. Je décide donc de plonger mon nez dans un livre pour l'éviter, lui et toute la classe.
Ne te 'éprends pas, je ne fais pas semblant de lire ; je lis vraiment, car, pour être honnête, les livres sont bien plus intéressants que cette réalité que je vis... Alors que je tourne la page, Thomas arrache le livre de mes mains et le jette de l'autre côté de la classe, près de la poubelle.
« Tu me regardes quand je te parle, connasse, » crache-t-il. Je ne lève toujours pas les yeux vers lui, simplement parce que je manque de confiance en moi et parce que je n'ai aucune répartie. Je déteste qu'on m'insulte, surtout sans raison. Je ne suis évidemment pas le genre de fille qu'on traite de salope ou de garce.
Je me lève lentement de ma chaise, range mon sac et mes affaires pour aller chercher mon livre. Comme il est près de la porte, je me dis que c'est une bonne excuse pour sortir de la classe et m'installer à la bibliothèque, surtout que c'est ma dernière heure de cours et que le professeur est absent. Mais, à peine ai-je fait un pas vers la porte, Thomas me saisit brutalement le bras.
« Quoi ? Tu fuis déjà ? Quel acte de lâcheté, les lâches comme toi n'ont pas leur place dans cette école, ni même dans ce monde, » dit-il avec mépris. Toute la classe pousse des « oh ! » en guise de moquerie. Mais ils ignorent tous qui est le véritable lâche ici...
Je quitte la classe en courant, les larmes aux yeux, et je me réfugie à la bibliothèque. Tu te demandes sûrement pourquoi je subis tout ce harcèlement. Eh bien, il y a quatre ans, mon frère et moi avons été transférés dans cette école. Il est rapidement devenu populaire, et moi, une parfaite inconnue. Tout le monde adorait ses blagues et son humour. Moi, en revanche, je faisais des blagues nulles et des jeux de mots ratés. Les gens ont essayé d'être mes amis uniquement pour se rapprocher de mon frère. Mais en apprenant à me connaître, ils se rendaient compte que j'étais l'opposé de mon frère jumeau, Raymond : une introvertie passionnée de livres, incapable de tenir une conversation intéressante. Lassés, ils finissaient tous par partir, même ceux qui juraient ne jamais me laisser tomber.
Thomas Parker, lui, était le meilleur ami de Raymond, jusqu'à ce qu'on découvre qu'il avait rempli la salle des professeurs et le bureau du directeur avec de la mousse à raser, en accusant mon frère. Cela a valu à Ray une expulsion. Depuis, Thomas profite de l'absence de mon frère pour me harceler. Deux ans plus tard, ma mère est morte dans un accident de voiture. Le harcèlement a cessé un moment après sa mort, mais il a vite repris. Et depuis, ça ne s'arrête jamais. Ils me traitent de naïve, mais franchement, je m'en fiche...
En arrivant à la bibliothèque, Mme Carter, la bibliothécaire, m'accueille avec un regard inquiet. Elle sait que Thomas me harcèle depuis des années et a essayé de m'aider, mais l'école n'a rien fait, sous prétexte qu'il n'y avait pas de violence physique. Elle est également au courant de l'accident de ma mère et s'inquiète pour moi, sachant que je suis toujours en deuil. Je passe donc toutes mes pauses et heures libres ici. Je suis tellement antisociale que je prends même mon déjeuner ici, seule, avec un bon livre.
« Bonjour, Lou. Comment puis-je t'aider ? » me demande-t-elle gentiment.
« Eh bien, je m'ennuyais en classe et j'ai décidé de te rendre visite une dernière fois. Tu aurais un livre à me conseiller pour ces vacances ? » je mens, bien sûr.
« En fait, ma chère, il y a un livre que je pense que tu aimerais. Je ne l'ai pas ici, mais je peux te donner l'adresse d'une librairie qui le vend, » dit-elle en notant le titre du livre et l'adresse sur un bout de papier.
« Merci beaucoup, Mme Carter, » je dis, contente qu'au moins quelqu'un trouve les livres aussi passionnants que moi.
Je prends le papier et vais m'asseoir à ma table habituelle, située au milieu de la salle, près de la fenêtre. En m'installant, je regarde l'horloge bleue accrochée au mur : 14h30. Il me reste une demi-heure avant que la cloche de fin de journée ne sonne. Ensuite, je rentrerai chez moi pour enfin m'installer confortablement dans mon lit et dormir, ou peut-être regarder la télé. Ou mieux encore, commencer une nouvelle série ce soir. Peu importe, la maison est à moi toute seule.
Mon père et Ray sont partis en Californie la semaine dernière pour rendre visite à ma tante Claire. Je ne les ai pas accompagnés parce que je n'avais pas encore fini l'école. Ils ont hésité, mais quand je leur ai dit que je voulais rester à la maison cet été et que tout irait bien, ils ont été soulagés.
Bien sûr, Ray s'est moqué de ma solitude et de mon côté ennuyeux, mais je savais qu'il plaisantait. Il y a des gens plus ennuyeux que moi, non ?
Heureusement, la maison est tout à moi maintenant, et je peux enfin profiter du calme et de la tranquillité.
Lorsque la cloche sonne, j'ai tout juste terminé le livre que je lisais. Je range mes affaires, sors des grilles de l'école et prends le chemin de la maison. Je me souviens alors du papier que Mme Carter m'a donné, avec l'adresse de la librairie. Je décide que ce n'est pas une mauvaise idée d'y aller pour acheter le livre, d'autant plus que la boutique n'est pas très loin de chez moi.
Je n'ai pas de voiture, et je n'en ai pas besoin, car l'école est à seulement dix minutes à pied de chez moi. Je trouve la librairie et entre. Pour éviter d'être distraite par tous les livres intéressants, je vais directement voir le vendeur et lui demande le livre. Il hoche la tête, cherche parmi les étagères, finit par le trouver, et me le tend. Je me dirige vers la caisse, paie, et la caissière le met dans un sac plastique.
Je reprends mon chemin vers la maison, mais au b'ut de quelques rues, je sors le livre du sac pour observer sa couverture mystérieuse. Mais ne jugeons pas un livre à sa couverture... Tu as vu ce que j'ai fait là ? Non ? Bon...
Je me retiens de dire ce jeu de mots à voix haute.
Sans lever les yeux, je continue de marcher en lisant le résumé au dos. Je suis plongée dans ma lecture lorsque je heurte soudain un mur... jusqu'à ce que je réalise qu'il n'y a pas de mur ici. Je lève alors les yeux et croise un visage magnifique.