Chapitre 1
La salle était remplie d'un silence lourd, le genre de silence qu'on ressent dans l'air avant une tempête. Amara se tenait là, vêtue d'une robe éclatante, les symboles de la meute brodés dans le tissu, brillant comme des étoiles dans la pénombre. Ses yeux, sombres comme la nuit, cherchaient Kaelen, mais elle ne parvint pas à le trouver. Elle avait toujours eu cette impression, que peu importe combien de fois elle se retournait, elle était seule.
L'instant qui suivait, l'instant où la liaison était officielle, où les serments étaient échangés et où son avenir se verrait tracé par les gestes et les mots de Kaelen, tout cela semblait si éloigné. Était-ce réellement son destin, ou n'était-ce qu'une promesse creuse que la meute avait façonnée pour la rendre docile ?
Kaelen. L'Alpha du royaume. Le Prince. Le futur roi. Un homme que tout le monde respectait, adorait, même. Et pourtant, quand ses yeux se posèrent sur elle, ce ne fut pas le regard d'un homme aimant, mais celui d'un roi, froid et calculateur. Il n'y avait rien de personnel dans ce lien. Elle était un prix à gagner, un trophée à ajouter à sa collection. Et la cérémonie n'était rien de plus qu'une formalité.
La tension dans l'air monta d'un cran. L'atmosphère, déjà oppressante, s'alourdit à mesure que le cérémonial avançait. Les anciens murmurèrent dans leurs barbes, leur présence imposante témoignant de la puissance du moment. Les regards étaient rivés sur elle, attendant qu'elle fasse le premier pas vers l'inéluctable. Pourtant, chaque fibre de son être lui criait de fuir, de s'échapper avant qu'il ne soit trop tard.
Mais il était trop tard. La salle s'ouvrit, et les murmures se transformèrent en rires sourds et en chuchotements fébriles. Un cri brisé déchira la scène. Le bruit d'une porte fracassée. Amara, dans son souffle suspendu, tourna enfin la tête. La vision qui s'offrit à elle fit froid dans ses veines. Un groupe de figures sombres, enveloppées dans des manteaux noirs, pénétra dans la salle, armes dégainées, visages masqués. La panique se propagea en quelques secondes.
Kaelen se redressa, son visage marqué par une expression de surprise déconcertée avant de se transformer en colère pure. « C'est impossible, » murmura-t-il, sa voix vibrante de rage. « Comment osez-vous interrompre cette cérémonie ? Qui êtes-vous ? »
Un des assaillants se glissa en avant, un sourire cruel flottant sur ses lèvres. « C'est vous qui avez tort, Prince, » dit-il en s'avançant. « Nous savons qui est réellement la traîtresse ici. »
Le sang d'Amara se glaça. Ses yeux croisèrent ceux de Kaelen, et pour un instant, elle crut qu'il comprendrait, qu'il saurait qu'elle n'était pas coupable. Mais il n'en fit rien. Ses yeux étaient durs, distants, presque inaccessibles. Il la regarda, une brève hésitation avant qu'il ne s'adresse à ses hommes. « Capturez-les tous. Tous. »
Les assaillants étaient rapides. Mais un autre éclat de lumière se faufila parmi eux, et soudain la silhouette de Kaelen se figea. Un instant de distraction suffisant pour que la confusion s'empare de la salle.
Un cri, une explosion de mouvement, puis plus rien. La scène devint un tourbillon de chaos et de violence. Amara se retrouva prise au piège, entourée, ses mains tremblantes mais fermes.
Puis tout s'arrêta. Comme par magie. Un silence lourd s'abattit sur la pièce.
C'était le regard de Kaelen qui l'avait piégée. La manière dont il l'avait scrutée, comme s'il cherchait un signe, une preuve. Quelque chose pour justifier la décision qu'il allait prendre. Elle se rendit compte, dans cet instant suspendu, que c'était fini. Elle n'était plus que l'objet d'une transaction. Une promesse brisée avant même d'avoir eu le temps de naître. Les mots d'un contrat qui n'avait aucune importance.
« Amara, » dit Kaelen, sa voix plus glacée que jamais, « tu t'es trahie toi-même. »
Elle sentit son cœur se serrer, et la douleur s'installa, chaque battement devenant plus difficile à supporter. Son corps, son esprit, tout ce qu'elle avait cru être, tout ce qui lui restait, s'effondra en un instant. L'insupportable vérité de cette journée s'imposa. L'homme qu'elle croyait connaître n'était qu'un spectre, une illusion. Un roi. Mais pas un homme. Pas pour elle.
« Je... Je n'ai pas fait cela, » balbutia-t-elle, la gorge nouée. « Je suis... Je suis innocente. Ce sont des mensonges. »
Mais il ne l'écouta pas. Ses yeux étaient pleins de méfiance, de jugement, et peut-être, un peu de dégoût. « Tu es coupable, Amara, » dit-il. « Tu as trahi la meute. Et tu as trahi tout ce que tu prétendais être. »
Ses mots frappèrent comme des coups de marteau. Il n'y avait pas de place pour l'espoir. Pas d'issue. Pas de pardon. Il se tourna, sans un mot de plus, et s'éloigna, les regards des autres se plantant dans son dos.
Mais la douleur ne s'estompa pas. Il avait tout pris d'elle, tout. Son cœur, ses rêves, sa dignité. Et pourtant, le pire de tout, c'était ce rejet brutal. Cette décision publique. Une rupture. Pas seulement d'un lien symbolique, mais de la promesse qu'elle avait portée en elle pendant des années.
Le regard des anciens la transperça. Ils étaient déçus. Pas de compassion, pas d'empathie. Juste un froid glacial qui glaçait le reste de son âme.
« Amara, » dit une voix dans l'ombre, l'un des assaillants ayant repris sa place parmi la foule. « Il est trop tard. Tu as pris ta décision, et elle t'a condamnée. »
Elle se tourna vers lui, les yeux remplis de haine, mais il n'y avait plus de place pour la rébellion. Elle se sentait déjà trop brisée.
« Je n'ai rien à prouver à personne, » souffla-t-elle. Ses mots étaient des échos d'une douleur qui ne cesserait jamais de la hanter. Elle leva la tête, faisant face à la porte, aux regards qui la jugeaient. Et dans ce silence mortel, une nouvelle promesse se forma. Une promesse faite à elle-même. Elle n'avait pas encore tout perdu.
Pas tout.