Chapitre 5
****Oumel****
Je me suis levée et il a pas fallu beaucoup de temps à Latif pour imiter mon geste.
Je me souviens du dernier coup de fil que j'ai eu de lui juste avant notre mariage. Ces mots étaient les suivants : « Je te donnerai tout, j'exaucerai tous tes rêves. Je te traiterai comme une reine. Tout, tout simplement. Personne n'entravera tes rêves. Sans même avoir à le demander tes désirs seront réalisés. Tout ce dont tu as toujours rêvé et même que tu n'as jamais osé espérer. »
-Tu penses à quoi ??? Dit-il face à mon mutisme qui a duré trop longtemps.
-A ce que tu m'as dit la dernière fois que tu m'as appelé...Balbutié-je. J'ai même du mal à croire que j'ai eu assez de force pour formuler cette phrase.
-Oui mon amour. Et je pensais ce que je te disais. Je te donnerai tout, absolument tout mais excepté ça. Je sais Oumel, je sais à quel point tu dois être choquée d'entendre de la bouche de ton mari qu'il est incapable de remplir son devoir conjugal. Il fallait que tu le saches. Oumel, je t'en supplie, ne me tourne pas le dos. Je peux endurer beaucoup de choses mais surtout pas de percevoir du dégoût dans tes yeux. Je sais que je t'ai fait du tort mais je t'en prie, ne m'en veux pas.
Tout se bouscule dans ma tête et je commence à pleurer.
-S'il te plait ma chérie, je sais que je ne peux pas te consoler. Je ne pourrai jamais trouver les mots qu'il faut. Je me demande même s'il existe. Tu sais...
Il se rapproche de moi et me force à m'asseoir.
-Le jour où tu as accepté de devenir mon épouse est le plus beau jour de ma vie. Et ceci sera gravé à jamais dans mon esprit. Il s'agit du moment le plus heureux de ma vie. Je pensais que jamais je ne connaîtrai le bonheur du mariage. Oumel, je regrette cette situation. Comment je me sens à ton avis ? Quand je me regarde devant la glace, quand je te regarde. Quand je sais que jamais nous n'aurons de relations physiques intimes que jamais tu ne pourras porter mes enfants.
Je me lève de nouveau mais c'est pour aller dans la salle de bain.
Je pleure de plus belle. Oh mon Dieu !!! Quand je repense au fait que je craignais, je stressais sur ma première nuit alors qu'en réalité il se peut que ça soit une chose que je connaîtrais jamais.
Même dans mon imagination la plus débordante, jamais j'aurai pu songer à cette situation.
Latif est IMPUISSANT bordel ! Il est IMPUISSANT.
Je sais pas ce que je dois faire. Oui je l'aime mais à quel prix ?
Je finis quand même par prendre cette douche froide mais ce n'est pas une douche qui enlèvera la boule qui grandit dans ma poitrine.
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Quand je sors Latif est déjà couché mais je ne saurai dire s'il dort.
Je vais ouvrir la petite valise que j'ai amené pour me trouver un truc confortable pour dormir et c'est là où je me rappelle que ce sont mes amies qui s'en ont chargé et effectivement, il y a pas une seule tenue sans dimension suggestive autrement dit des choses qui me servent à rien. Je refuse de m'y concentrer car sachant que je vais pleurer de nouveau. Je porte une robe que j'avais amené pour la journée mais elle peut être confortable pour la nuit.
Je vais le rejoindre sur le lit. C'est vrai qu'il est impuissant mais il en est pas moins mon époux. On peut partager le lit ensemble.
Je me couche à côté de lui mais je savais déjà que la nuit allait être longue.
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Quand je me réveille je vois que Latif n'est plus là mais le bruit de la chasse d'eau me donne une idée de l'endroit où il doit se trouver.
On dit que la nuit porte conseil. J'ai passé ma nuit à tourner dans tous les sens. Mais je pense que n'importe qui qui entendra mon histoire me comprendra.
J'ai eu la pire nouvelle qu'une femme puisse avoir dans son ménage.
Perdue dans mes pensées, Latif est sorti sans même que je ne le remarque.
Avant qu'il ne me salue, je me lève pour le remplacer dans la salle de bain afin de pouvoir me débarbouiller le visage.
De retour dans la chambre, Latif est assis sur le lit et moi je vais sur la pouffe qui est mise devant la coiffeuse.
Latif brise le silence qui régnait dans la chambre.
-Oumel, je ne peux subir ton silence plus longtemps. Dis quelque chose, s'il te plait. C'est vrai que j'ai eu tort. Tu as tous les droits de m'en vouloir, de crier ta colère. Je ne rejette pas mon tort. Je me suis planté. Il aurait fallu que je t'avoue tout avant mais j'ai eu peur. J'ai eu peur de te perdre parce que je t'aimais.
Il a réussi, je recommence à pleurer.
Je les sèche mes larmes très vite et je me lève et me rapproche de lui.
-Je comprends Latif. Moi aussi je t'aime. Tu es le seul à avoir pu me faire ressentir cela. Mais Latif, tu aurais dû...
Je ne peux continuer ma phrase, j'ai trop envie de pleurer.
Il se lève du lit et vient tout prêt de moi.
-Je sais que tu te poses des questions. La réponse est la même pour toutes, je ne pourrai jamais devenir un réel époux. Malgré mon désir, je ne peux entretenir une relation de mari à femme avec toi. Je t'ai vu à l'œuvre, tu adores les enfants. Je me méprise quand je sais que je ne pourrai pas t'apporter cette joie. Je sais que le moment le plus important dans la vie d'une femme est celui où elle devient mère. Et cela ne pourra jamais se réaliser pour toi. Et tout ça par ma faute. (Il commence à crier. Il s'en veut énormément et mon cœur se reserre.) A cause de moi. Si tu savais comme je m'en veux. Je n'aurais pas dû. Je n'ai pas le droit de t'aimer. J'ai été égoïste. En voulant éliminer la noirceur de ma vie, j'ai ôté à la tienne sa lumière. (il se calme) J'ai commis une erreur mais que pouvais-je faire ? Je ne peux t'arrêter même par la force. Si tu veux t'en aller, je ne pourrai t'en empêcher, je ne pourrais même pas t'arrêter. Si tu pars, je ne me plaindrai pas car je sais que c'est tout ce que je mérite.
-Non Latif, ne dis pas ça. J'ai accepté de t'épouser parce que je t'aimais, comment pourrais-je partir et te laisser ? Pour moi le mariage c'est pour le meilleur comme le pire.
Il me prend dans ses bras.
Je ne le laisserai tomber et après il faut avoir foi en Dieu. On entend souvent des histoires d'impuissance et je sais que certaines peuvent se soigner. Je dois prier Dieu, je sais qu'il a la capacité de résoudre ce problème.
-Mais tu as au moins... Je commence mais il me coupe.
-Oui mais la seule chose qui a disparu a été mon argent. Mon mal est toujours avec moi malgré que j'ai vu beaucoup de tradipraticiens. A ton avis, tu penses que seul m'occuper des affaires de mon père m'a amené aux USA. C'était un prétexte pour voir les meilleurs spécialistes. Mais rien, c'est comme si un mur s'était dressé face à moi. Je ne sais pas ce qui se passe et pourquoi une telle malchance. Je pense trainer ce problème depuis ma naissance et que je suis condamné à mourir avec.
Je ne trouve rien d'autre à dire après ça.
Je savais juste que je ne voulais plus pleurer et que ça n'allait pas arranger ce problème qu'à part me faire du mal, je ne faisais rien d'autres.
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Le reste de ces 3 jours (j'ose plus appeler ça lune de miel) était très bizarre, malheureusement une sorte de gêne c'était installée entre Latif et moi. Je sais qu'il regrettait cette situation et je sais aussi que c'est tout ce que je peux lui demander.
Nous sommes rentrés à Dakar et là je crains les questions. Rien ne sera pire que demain quand j'irai en classe et que je devrai faire face à mes curieuses copines. Que dire ? Jamais je ne parlerai de ce secret inavouable.
Toute seule dans ma chambre, Latif est au salon, je repense à tout ça. Que signifie le mot mariage pour moi ? Vais-je devoir vivre comme ça toute ma vie ? Je n'avais pas souhaité un rêve extraordinaire ou irréalisable. Tout ce que j'ai toujours voulu dans ma vie c'était une petite maison avec le rire de mes enfants qui se feront entendre de partout. Ne jamais être mère est une chose dont je peux me faire.
J'entends toquer.
-Entrez.
Je vois Mame Fatim, la sœur de Latif qui entre.
-Belle-sœur comment tu vas ?
-Je vais bien. Assis-toi.
Elle prit place.
-Latif m'a demandé de venir te voir car tu dois te sentir seule.
Je fais un sourire forcé en disant que ça allait.
-Tu n'as pas besoin de feindre avec moi. Je peux comprendre. Ta famille te manque beaucoup, n'est-ce pas ? Tu as passé toute ta vie avec eux, je sais ce que signifie de partir et de rejoindre une autre famille mais tel est le sort d'une femme. On doit toute passer par là. Surtout ma chérie, ne crois jamais être seule. Nous sommes avec toi. Je sais que tu es ma belle-sœur, je ne pourrai pas remplacer ta sœur mais tu peux me traiter en amie.
-Oui Mame Fatim, ça me fait plaisir de savoir que je peux compter sur toi.
-Sur elle, sur nous tous...
J'entends la voix de ma belle-mère qui nous a rejointes.
-Latif m'a enfin amené une belle-fille et je lui ai promis d'en prendre soin quand il retournera aux USA.
-En plus ça fait 3 ans que maman le tympanise en lui demandant de se marier et il disait toujours qu'il attendait la bonne. Vu comment votre mariage s'est accéléré, je sais que tu devais être un cadeau inespéré.
Ça m'arrache un sourire. Elles sont si gentilles. Au moins j'ai la chance d'être tombée sur une belle famille comme ça.
Je me demande s'ils sont au courant du problème de Latif. Je me dis rapidement que non. Je doute que sa mère aurait autant voulu qu'il se marie s'il savait. Fatim parle quand même de 3 ans.
Si Latif a autant attendu c'est peut-être parce qu'il a vu en moi des qualités qui ne résident pas chez une autre. Je me dis que je ne dois pas le décevoir. Et qui sait ce que demain sera fait ...
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C'est Latif qui m'a déposée à l'école aujourd'hui et je tombe sur Dior et Julie en sortant de la voiture .
-Oh la chance que tu as...Sourit Julie quand je les rejoints.
Si seulement elle savait.
Puisqu'il est bientôt 8h, on ne continue pas de parler devant la porte, nous nous rendons en salle de cours.
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-On va à la cantine...Propose Dior à la pause.
-Non on va au resto, je vous invite.
-Thieummm Madame Sarr wayy... Applaudit Julie. Cette fille est impossible.
-Mais elle a raison pourquoi devrait-elle aller à la cantine ? Elle a quand même rejoint l'une des familles les plus puissantes du pays...Dit Coumba, j'avais l'impression de déceler une pointe de jalousie.
-Tu sais son histoire avec Latif te donne l'impression d'un conte de fée. Un homme qui quitte tout un continent et vient jusqu'à toi pour faire de toi son épouse et te couvre de cadeaux. J'avoue que je n'ai jamais été aussi peu jalouse...Affirme Dior.
Je souris et j'avance. Les gens ne voient que le matériel alors qu'il y a des choses tellement plus importantes.
Les gens ne peuvent s'apercevoir qu'une femme heureuse et épanouie avec son mari peut être en paix et ça même sur un lit de fer....