Cela fait maintenant une semaine que je me suis réveillée de mon coma. Liam et le chef de service m'ont expliqué qu'au départ j'étais dans un coma artificiel pour la douleur mais que depuis la dernière intervention, j'avais mis du temps à me réveiller. Mon subconscient a prit le relais, le dessus. Il a occulté les tortures que j'ai subis. Je me souviens de chaque coup reçu, de la douleur ressentie et de la vie me quittant. J'ai reçu de nombreuses visites, de nos familles et amis. Liam tente de me réconforter comme il le peut, mais la perte de notre bébé est tellement insupportable. Il a du affronter ça tout seul, nous n'en avons pas encore parlé mais je sens que c'est le moment.
- Ma puce, tu n'as toujours pas touché à ton repas.
- Je n'ai pas faim, je voudrais parler.
- De quoi ?
- De Cameron !
C'est sorti assez durement, plus que je ne le voulait, comme une bombe. J'ai vu l'homme qui devrait être à l'heure actuelle mon mari se crispser. Je sais qu'il redoute cette conversation. Il ferme les yeux et inspire profondément plusieurs fois. Il souffle un bon coup et ouvre à nouveau les yeux. Il est prêt à parler.
- Que veux-tu savoir ?
Il est tendu malgré tout et me parle durement ce qui me brise un peu plus. Je sais qu'il ne le fait pas exprès. Je sais que c'est malgré lui. Je sais qu'il souffre, mais tout ça me brise.
- Tout...
- Les médecins n'ont pas su le sauver, tu as fait une fausse couche tardive suite aux électrocutions. Tu as subis un examen qui assure que tu pourras à nouveau porter des enfants, même si ça ne résoudra pas notre douleur.
Il dit ca d'une traite, de façon brute et j'accuse le coup, les larmes coulent abondamment sur mes joues. Lui aussi pleure. Une question me brûle les lèvres, je dois savoir.
- Ils en ont fait quoi de notre bébé ?
Je le vois sourire tristement, comme réconforté par sa pensée. Je me sens légèrement rassurée même sans savoir.
- Ma mère a tout fait pour qu'on puisse lui offrir une sépulture. Au départ tout le staff médical ne voulait pas, il n'était pas considéré comme viable. Mais maman a tellement insisté et avec notre avocat ça été très rapide, elle peut être extrêmement convaincante. Elle a pu récupérer Cameron, elle s'en est occupé, habillé avec des minuscules vêtements, et elle l'a mit reposer dans la partie du manoir où il y a le petit étang. Elle y a fait planter un arbre, un cerisier du Japon. Et il a aussi une petite plaque commémorative. Il ne sera jamais oublié...
Je souris à mon tour tristement. Jenna à tout fait pour que notre petit Cameron soit traité avec respect et pas comme un vulgaire déchet médical. Le petit étang est l'endroit préféré de Liam et le cerisier du Japon est mon arbre préféré. Elle a vraiment pensé à tout. Je l'aime encore plus pour ça, pour tout ce qu'elle a fait pour nous.
- On ira, si tu veux. Le voir.
- Tu as déjà été ?
- Non. Je voulais t'attendre, qu'on y aille ensemble.
Je suis touchée par ses mots mais aussi triste. Il a contenu sa souffrance de ne pas pouvoir aller sur la tombe de notre fils par amour pour moi. Je me lève péniblement, je n'ai toujours pas su marcher sans aide. Mes membres sont encore assez engourdis. Liam est dos à moi et je veux aller jusqu'à lui. Je veux le serrer dans mes bras, le réconforter. Je suis encore très maladroite et je cogne la petite table où il y a mon repas. Je tente de tenir sur mes pieds et de longer mon lit. Mais au son de ma maladresse, il se retourne vivement.
- Mais enfin ma puce tu fais quoi là ?
Je n'ai pas le temps de répondre que je suis déjà dans ses bras, debout, mais dans ses bras.
- Je voulais venir jusqu'à toi. Je voulais te serrer contre moi.
- C'est chose faite mon amour.
- Liam c'est pas ta faute, tout ce qui m'est arrivé, tout ce qui nous est arrivé n'est pas ta faute. C'est sa faute à elle même si je me sens aussi coupable...
- Mais de quoi parles-tu ?
- Je n'aurai pas dû la sous-estimer, je n'aurai pas dû la provoquer. Si rien de tout ça ne s'était produit, je serais ta femme et notre fils serait encore au chaud dans mon ventre bien rond...
- Non ma puce. Ne dis pas ça parce que ce n'est pas vrai. Cette.... elle est folle, et même si tu n'avais pas fait tout ça, elle s'en serait quand même pris à vous par jalousie.
Je pleure mais de rage, contre elle, contre moi. Mais Liam à raison, au fond de moi je le sait. Mais il est trop tôt pour que je me pardonne. Cette fille est un monstre.
- Je jure que je vais venger notre fils Liam, je vais tuer moi-même cette salope. Elle va souffrir comme elle nous a fait souffrir. Elle va payer le prix fort de nous avoir arraché notre bébé.
Liam sourit faiblement en me regardant dans les yeux. Les siens sont remplis de larmes.
- J'ai fais la même promesse il y a quatre mois mon amour...
- Nous ferons alors tomber cette ... ce monstre ensemble. Pour Cameron.
Liam ne répond pas, mais il me serre encore plus dans ses bras. Ca en est presque douloureux mais je m'en fous car ça représente tout ce dont j'ai besoin, son approbation à être à ses côtés quand Cindy mangera la poussière !
PDV Liam
La rééducation d'Elena se passe très bien. Elle sait à nouveau marcher seule et sans aide. C'est une battante. Elle a passé de nombreuses heures dans la piscine à s'entraîner à remarcher et après entre les barres d'entraînements. Elle n'est pas encore prête pour le marathon mais elle a fait de nombreux progrès. Elle peut courrir deux kilomètres sans s'arrêter sur le tapis de course. Les kinésithérapeutes sont impressionnés. De même que la psychologue. Elena montre une force de caractère à toute épreuve. Elle a même tenu a ce qu'on passe nos examens de fin d'année et qu'on soit diplômés. Elle n'envisage cependant plus son année préparatoire et j'ai décidé de la laisser tranquille avec ça. De toute façon elle est tellement têtue qu'elle ne m'écoutera pas.
Aujourd'hui est un grand jour, je la ramène au manoir. Nous avons tous les feux verts. Biensur elle reste sous contrôle médical et les séances de rééducation doivent continuer, mais ce soir nous dormirons chez nous. Dans notre lit. J'avoue que j'appréhende, j'ai peur d'avoir de la proximité et de l'intimité avec elle. Après tout ce qu'il s'est passé nous avons changé tous les deux. Oh biensur l'amour est encore au premier plan et renforcé, mais j'ai peur de me retrouver dans notre lit. Je ne veux pas la brusquer ou lui faire de la peine.
- Chéri on peut y aller, j'ai les derniers papiers signés...
Elle me tire de mes pensées un peu trop sauvagement, si bien que je fais un bond de sursaut.
- Ça ne va pas ?
- Si si ma puce, ne t'inquiète pas, tout va bien.
- Alors rentrons, j'ai hâte d'être à la maison.
Elle me sourit mais je sais ce que cache ce fameux sourire. Il cache sa douleur, sa peine, et sa culpabilité encore bien présente. Marco nous attend devant l'hôpital, nous mettons nos sacs dans le coffre et je m'installe à l'arrière avec Elena. Le trajet est long et silencieux, très pesant, trop pesant. Quand nous arrivons, évidemment un petit comité d'accueil nous attend. Mon père est là ainsi que le frère d'Elena et tout le reste de sa famille. Kièran est venu aussi avec sa petite famille. Du coin de l'œil je vois Elena faire bonne figure, elle sourit mais le cœur n'y est pas. Je suis là, impuissant, à faire comme elle. Norah s'approche doucement de sa meilleure amie, la serre dans ses bras et lui chuchotte quelques chose à l'oreille. Je vois Elena passer ses bras autour de la taille de Norah et la serrer plus fort, la tête dans son cou. Je sais qu'elle pleure et je sais le pourquoi. Norah renifle et prend la parole de façon très déterminée.
- Je vais conduire Liam et Elena auprès de Cameron. Ils doivent aller le voir. Maintenant. Il le faut.
Tout le monde acquiesse, comprend, et partage un peu notre peine. Nous pleurons notre fils, mais ils pleurent un petit-fils, un neveu, un cousin, un fieul. Elena veut marcher alors nous nous y rendont à pied, marchant lentement. Quand nous découvrons l'endroit, les larmes reprennent de plus belle. Norah à tout préparé, une petite couverture avec le premier doudou de notre bébé, un cadre avec son échographie, et un autre avec l'empreinte de ses toutes petites mains et tout petits pieds. C'est triste mais tellement beau et tellement touchant.
- Maman m'a aidé à tout préparer. J ai aussi pris deux lanternes à laisser s'envoler et une à mettre sur le petit étang. Quand vous serez prêts, ... enfin ... je veux dire ... si ...
- Merci ma nono !
Elena lui plonge dans les bras et elles pleurent toutes les deux. Je les enlace à mon tour. Nous restons comme ça quelques instants puis Norah se détache de nous.
- Je vais vous laisser et rejoindre les autres. Si vous avez besoin d'une voiturette pour le retour dites-le moi.
- Merci petite sœur !
Elle sourit faiblement et s'éloigne. Elena part s'asseoir sur la couverture et prend le doudou dans ses bras. Elle pleure silencieusement et se couche. Je met dans son dos et la serre dans mes bras. Elle se retourne pour me faire face et là ses larmes se transforment en gros sanglots qui la secouent très fort. Je ne peux retenir mes propres larmes. Nous restons longtemps comme ça, à nous consoler l'un l'autre. Les sanglots se retransforment en larmes et puis les larmes cessent. Il ne reste que notre peine.
- Tu veux qu'on allume les lanternes ?
- Tu te sens prête ?
- Oui... Nous devons le laisser partir et arrêter de nous culpabiliser pour ce qui est arrivé... Juste ...
- Juste ?
- Je ne veux pas l'oublier Liam, je veux parler de notre fils, je veux qu'on en parle, qu'on prononce son prénom, qu'on n'ait pas peur de me blesser en me rappelant que Cameron à existé. Je ... il aurait dû naître aujourd'hui Liam... ce beau jour nous a été enlevé, arraché brutalement. Aujourd'hui au lieu de fêter la naissance de notre fils, nous nous recueillons sur sa tombe. Tu devrais être en panique et avoir mal pour moi à cause des contractions, peut-être même tomber dans les pommes. Je devrais te broyer la main en poussant et t'insulter de tous les noms. Mais au lieu de ça, nos cœurs sont lourds de peine, parce que au lieu de pleurer de joie, nous pleurons de tristesse.... Alors oui je veux allumer les lanternes et laisser partir notre fils. Nous ne fêterons pas sa naissance mais nous serons ensemble pour lui dire au revoir.
Je ne sais pas quoi lui répondre. Je suis triste pour elle, pour nous, pour notre bébé. Je suis impressionné de sa force, de sa façon de penser. Je la serre dans mes bras et je lui dit combien je l'aime. Elena se relève et prend la lanterne destinée à être placé sur le petit étang. Il y a aussi des petits bateaux avec des mots de nos familles, des dessins d'Aden et des jumelles. Tous plus touchant les uns que les autres. Après encore de nombreuses larmes, nous déposons ensemble les petits bateaux sur l'eau. Je sors un marqueur permanent du petit sac et inscrit sur le socle de la lanterne C.C. ainsi que E&L.C. juste en dessous. Elena y ajoute la date d'aujourd'hui et un cœur. Nous la déposons sur l'eau puis allumons les deux lanternes destinées à être envolées. Il a déjà une inscription dessus. Norah avait tout prévu et savais déjà ce qu'on ressentait pour lui, et qu'il serait à jamais dans nos cœurs et nos esprits. C'est main dans la main que nous laissons s'envoler nos lanternes et de ce geste symbolique, notre fils. J'enlace Elena et nous regardons les lanternes monter de plus en plus haut jusqu'à ce que nous ne les voyons plus.
- Merci
- Pourquoi ma puce ?
- D'être resté, d'avoir fait ça avec moi, de ....
- Chut ! Ne dis pas merci. Je fais ce que tout mari et père aurait fait. Je vous aime tous les deux. Et même si Cameron n'est plus là, je vais continuer à l'aimer. Et jamais, au grand jamais je ne cesserai de t'aimer Elena Velazquez !
- Moi aussi je vous aime.
Nous restons encore comme ça un moment, enlacés, le doudou de notre fils serrés contre nous, à regarder les petits bateaux sur l'étang.