Moi : Ce qui m'étonne Madeleine, c'est que tu le dis sans complexe et tu ne cherches pas à cacher ce pan de ta vie.
Madeleine : A quoi cela me servirait de mentir ? Le mensonge est temporaire, la vérité finit par se montrer. Ce qu'on gagne par le mensonge, on le perd en considération.
Moi : En tout cas, je te félicite pour ton courage car tu assumes tes actes.
Nous continuons le dîner en silence, cette révélation m'ayant sidéré. Je mentirai si je dis que je ne suis pas troublé ; j'aurais aimé que ce passé de Madeleine n'exista jamais.
A la fin, nous échangeons encore un moment, puis Madeleine me demanda si je suis déçu de son passé.
Moi : Je n'ai pas le droit de te juger Madeleine ; comme le disait Gandhi, « j'ai moi-même des défauts, comment puis-je me permettre de juger celle des autres ? »
Madeleine : Je suis triste de ton départ, Charms ; il y a trois semaines que nous nous connaissons mais c'est comme si c'était depuis longtemps.
Moi : En tout cas, j'ai été content de t'avoir dans les alentours. Nous garderons le contact.
Madeleine voulait me déposer chez moi mais il se faisait suffisamment tard et je n'ai pas souhaité qu'elle conduise la nuit. J'ai donc appelé mon ami pour venir me chercher.
Elle me raccompagna jusqu'au portail et nous nous embrassons fraternellement. Chacun de nous avait compris que les choses se seraient passées autrement si ce passé troublant n'avait pas été mentionné. Pendant le trajet, je ne pus m'empêcher de penser à ce passé dégradant de Madeleine. Elle avait raison, il serait difficile qu'un homme accepte de l'épouser en connaissant ce passé. Cependant, le fait de ne l'avoir pas caché est tout à son honneur.
Je reviens dans ma ville complètement requinqué car je venais de passer un séjour formidable. Mes pensées continuaient de s'envoler vers Bella par moment mais j'ai intégré que c'est bien fini. Je me serais même concentré sur Madeleine s'il n'y avait pas eu cet élément déstabilisateur.
Je repris mon travail et je gardai le contact avec Madeleine. Nous nous écrivons pratiquement tous les jours et malgré nous une grande complicité se développait. Toutefois, je garde ma tête sur mes épaules car en aucun cas, je ne voulais épouser une ancienne prostituée.
Six semaines plus tard, Madeleine revint précipitamment à Abomey parce que sa mère était souffrante. Elle a sollicité une permission d'une semaine. Pendant son séjour, je l'assistai du mieux que je peux et je laissai même ma voiture à sa disposition. Il y a eu plus de peur que de mal. Sa mère se retrouva quatre jours plus tard.
Maintenant que son esprit est apaisé, je me suis fait le plaisir de l'inviter à diner un soir en guise de remerciement à la façon dont elle s'était occupé de moi à Cotonou.
Lorsque nous avons quitté le restaurant, nous nous sommes rendus chez moi pour qu'elle connaisse là où je vis. Je sortis des boissons que j'avais, notamment du vin et des liqueurs. Je sors des glaçons de mon réfrigérateur et je nous sers. A un certain moment, nous avons si tant bu que l'alcool nous tournait la tête.
Il devenait difficile de se contrôler. En effet, les impacts inhibiteurs et enivrants de l'alcool peuvent modifier le comportement sexuel.
L'alcool est dangereux et il serait indiqué de s'en passer dans certaines circonstances car il entraîne à faire des choses inimaginables que l'on ne ferait jamais en cas de lucidité.
L'alcool et le manque de sexe aidant, je me suis approché, je l'ai embrassé doucement. Je trouvais son contact agréable, je sentais des lèvres douces et son souffle caressant. Je lui fais l'amour passionnément, puis nous sombrons dans un profond sommeil.
Lorsque nous réveillons le lendemain matin, chacun de nous éprouvait une certaine gêne car ce moment n'était pas vraiment voulu : c'était l'effet de l'alcool.
Cependant, pour être honnête, je ne regrettais pas. Au contraire, je venais de passer une très belle nuit et je n'avais qu'une seule envie : reprendre. Je me garde d'exprimer ma pensée surtout que je n'ai aucune intention de me mettre avec elle.
Si Madeleine ne m'avait pas parlé de son passé, j'aurais volontiers essayé une une relation avec elle.
Avant de partir, Madeleine avait tenu à ce que nous discutions à propos de ce qui venait de se passer chez moi. Je me dis dans mon cœur « en voilà une qui est différente de Bella et qui sait communiquer ».
Madeleine : Ecoute Charms, la nuit que nous venons de passer ensemble est peut-être sous l'effet de l'alcool mais sommes-nous certains tous les deux que le désir n'était pas enfoui en nous ?
Moi : Madeleine, je ne vais pas te mentir, oui, je te désire et je serai allé plus loin si cette vie de débauche que tu as mené n'existait pas.
Madeleine : Tel que tu parles Charms, c'est comme si je n'ai pas droit à l'erreur. Aurais-tu préféré que je te mente ?
Moi : Non, tu as bien fait de me le dire ; je suis juste en train de te faire comprendre que ce passé m'embarrasse et je ne pourrai pas faire avec.
Madeleine : Si tu es vraiment intéressé, moi je pense que nous devrions essayer car moi je le veux.
Moi : Madeleine, continuons d'échanger comme si de rien n'était, pendant ce temps, je serai en train de réfléchir car je t'aime bien.
Madeleine : C'est le cas chez moi aussi. Parfois, je me dis que cette erreur que j'ai eu à faire me suivra toute ma vie. Mais comme Dieu est miséricordieux, je garde espoir.
Madeleine rentra à Cotonou et nous continuons de nous écrire. Jusque-là, je ne m'étais pas décidé, après la rupture avec Bella à me mettre avec une autre femme alors que mes parents continuaient de me harceler. Je réfléchissais sérieusement sur le cas Madeleine. Tout me plait en elle et encore plus après cette nuit d'amour. Mais son passé m'embête sérieusement. Je me demandais si je ne pouvais pas au moins essayer pour voir si j'arrive à m'y faire.
Il faut reconnaitre qu'excepté ce passé sombre, elle a plein de qualités. En outre, elle a le mérite d'avoir été honnête. Elle aurait pu me cacher cette étape de sa vie. Quand j'y pense, je me dis que chacun de nous a toujours un passé et la plupart du temps, c'est un passé peu glorieux que nous gardons bien secret pour préserver notre réputation. Combien d'entre nous avons le courage de l'assumer comme Madeleine ? Cela signifie que je peux lui faire confiance.
Je sens en moi-même que si j'arrive à faire l'effort de surpasser ce passé, je pourrai vivre une belle histoire avec elle. Car après tout, toute femme qui n'est plus vierge a eu à coucher avec au moins un homme ou plus : elles sont pour la plupart « prostituées » à des degrés divers et au moins Madeleine a le courage de l'admettre. Il y a un adage chez nous qui dit que toute femme mariée qui n'est pas vierge a été la prostituée d'un autre homme.
En plus, je dois reconnaitre que dès qu'elle a fini de payer sa scolarité, elle a cessé de se prostituer, ce qui est à son actif. Nous ne pouvons pas avoir une femme parfaite dotée de toutes les qualités que nous recherchons. Le Seigneur n'a-t-il pas dit que celui qui avoue ses péchés et les abandonne obtiendra miséricorde ? Je pense que l'on ne doit pas condamner quelqu'un pour son passé car seuls le présent et l'avenir comptent. La perfection n'est pas de ce monde.
Je continuais de réfléchir mais je sentais que j'évoluais dans le sens de lui donner une chance. Toutefois, pas de précipitation, laissons Dieu décider à travers le temps.
Un mois plus tard, ma sœur ainée Dorcas perdit sa belle-mère. Nous devons nous rendre donc à l'enterrement à Parakou. Mon frère Brice souhaita que lui et moi fassions la route ensemble. Après les obsèques, je voulus rendre visite à Madeleine car je suis non loin de Cotonou. Mon frère proposa de m'y emmener.
Brice : C'est ta chérie que tu caches ?
Moi : Non, c'est juste une amie mais on ne sait jamais, on peut passer de l'amitié à l'amour ;
Brice : En tout cas, fais-vite pour te caser ; l'âge avance.
Moi : Oui mais je n'ai pas envie de faire comme toi pour découvrir plus tard que j'ai fait un mauvais choix et commencer à être infidèle comme tu le fais.
En guise de réponse, il me tapota la nuque en disant « vilain ».
Nous garons devant le domicile de Madeleine et nous y entrons. Elle nous attendait d'ailleurs avec un bon repas. Brice avait un coup de fil ; j'entrai donc le premier. Quand je vis Madeleine, l'émotion nous transporta et nous nous embrassons comme de vrais amoureux. Après ce moment chaleureux, je m'installe.
Madeleine : Où est ton frère ?
Moi : Au téléphone.
Peu de temps après, Brice entra et s'exclama :
Brice : Madeleine ! Il y a belle lurette. Tu as subitement disparu ! Que fais-tu à Cotonou ?
Je lisais de la déception sur le visage de Madeleine. Elle répondit :
Madeleine : C'est lui ton frère ?
Moi : Oui Madeleine ; il y a un problème ?
Madeleine : Oui, il était l'un de mes clients réguliers à Abomey
Nous nous regardons. Le passé l'avait rattrapé. Heureusement qu'elle m'avait dit la vérité sinon aujourd'hui, je l'aurais su. Bien évidemment, quel que soit l'attirance que j'ai pour Madeleine, il était impossible qu'elle soit ma fiancée, mon frère ayant plusieurs fois passé par là. Cette situation me fit énormément réfléchir. En effet, je me demande, quels choix faisons-nous dans la vie ? Tenons-nous compte de l'impact que nos choix pourraient avoir sur notre vie dans l'avenir ?
Je tenais à parler avec Madeleine seul. Je m'excusai donc auprès de Brice.
Moi : Brice, s'il te plait, pourrais-tu nous laisser seuls un moment ?
Madeleine intervient :
Madeleine : Nous pouvons discuter dans ma chambre pour ne pas avoir à faire lever Brice.
Moi : Tu sais, Madeleine, j'avais commencé à réfléchir sérieusement à propos de nous. Une chose est certaine, je t'estime énormément et j'étais à deux doigts d'essayer pour voir ce que cela donnerait car je me sens bien avec toi. Mais malheureusement, tu ne peux pas être ma femme alors que tu as déjà été intime avec mon propre frère.
Madeleine : Je te comprends Charms ; même si nous étions fiancés, je pense que nous n'aurions pas pu continuer. Mon beau-frère ne peut pas être l'un de mes anciens amants. Ceci me donne une bonne leçon pour la vie : réfléchir intensément avant de poser certains actes même quand nous sommes dans le besoin car les conséquences peuvent nous fait rater de belles opportunités dans le futur.
Moi : Et moi, je me rends compte d'une vérité : si tu m'avais caché ce passé, aujourd'hui tu aurais été mise à nu et plus jamais je ne te ferai confiance. Tu avais raison, le mensonge a une date de péremption car la vérité finit toujours par le rattraper. En conclusion, aussi difficile que cela soit, évitons de mentir car comme tu l'avais dit lors de ce dîner chez toi, ce que nous gagnons avec le mensonge, nous le perdons en considération.
Madeleine : J'aimerais quand même que nous demeurons amis, Charms.
Moi : Cela va sans dire Madeleine et je suis certain que tu rencontreras un jour un homme qui sera fou de toi malgré ce passé. Cet homme sera très heureux car en plus de la loyauté, tu lui sauras lui faire passer de belles nuits d'amour. Au passage, tu es une amante hors pair.
Madeleine sourit et répond :
Madeleine : En tant qu'ancienne prostituée, c'est le moins que je puisse gagner de cette vie de débauche que je regrette amèrement.
Moi : En tout cas, j'ai adoré notre nuit mais c'est dommage pour nous. Ne change pas Madeleine, reste telle et tu verras. Bientôt tu me présenteras un beau jeune homme très amoureux de toi et j'en serai jaloux.
Nous nous étreignons fraternellement puis je me lève et je prends départ. Dieu ne fait rien au hasard ; certainement que cette étape de ma vie et les leçons tirées de cette rencontre me seront utiles pour l'avenir. Madeleine, non plus n'était pas ma femme. Mais quand tomberais-je sur ma femme? En attendant je continue mon parcours et j'avance seulement.