***BRANDON.***
Je m'étais levé à 5h du matin ce jour pour aller au marché. C'était devenu une routine!.
Bien qu'il pleuvait abondamment, je poussais ma brouette en tâchant de nettoyer mon visage afin de mieux voir la route.
Quelques voitures passaient, quelques motos aussi et j'étais parmi les piétons présents sur cette route non goudronnée et pleine de cabosses.
Je voyais de la misère dans les regards de des gens qui marchaient. Ils étaient au nombre de combien? Trente? Quarante? Les yeux rivés devant et les mains posées sur la tête pour certains pour tenir les sacs, et sur les brouettes pour d'autres pour les pousser, ils avançaient avec un visage pâle et pleine de tristesse. Je me disais « tu es comme ces gens Brandon, vous êtes dans le même bateau » et la colère que je ressentais était très forte.
C'était une colère contre le ciel qui pouvait faire quelque chose pour changer la situation mais qui ne faisait rien. J'étais en colère parce que ce pays comptait des hommes très riches qui ne se souciaient pas de nous les pauvres. J'étais énervé de savoir qu'il y avait un président qui se contentait de manger l'argent de tout un pays avec sa famille. J'étais en colère d'être né dans la pauvreté. Une envie de pleurer est survenue et je l'ai fait et personne n'a rien remarqué puisqu'il pleuvait. Une heure plus tard, la pluie a cessé.
Il était six heures et j'avais encore pour trente minutes à peu près pour arriver au marché. J'étais mouillé de la tête aux pieds, mon gros blouson et sale blouson était devenu lourd sur moi. Mais je ne pouvais l'enlever et laisser le petit t-shirt déchiré qui était à l'intérieur. Alors, j'ai continué à pousser ma brouette encore et encore et je suis finalement arrivé au marché.
C'était samedi et les vendeurs et vendeuses étaient déjà assis devant leurs comptoirs. Quelques rares clients achetaient deux ou trois choses et prenaient la moto ou le taxi pour rentrer.
Moi j'étais debout dans un angle et j'observais tout ce qui se passait. J'attendais de poser les yeux sur un client V.I.P comme je disais.
En fait, c'était des clients qui achetaient beaucoup de choses et qui sollicitaient des transporteurs pour porter leurs marchandises afin de faire le tour du marché pour qu'ils achètent encore et encore, avant de tout charger derrière une voiture plus tard. C'est près d'une heure après que j'ai ciblé un! C'était un homme de la vingtaine comme moi, il était très beau et très bien habillé.
Ça se voyait qu'il était riche d'autant plus qu'il avait une très belle voiture qu'il avait garée à côté quelques minutes plutôt. Je suis allé vers lui lui proposer mes services.
- Bonjour grand frère, je peux vous aider?
Ah la vie! Cet homme pouvait être mon petit frère en âge mais me voilà qui l'appelait « grand frère » à cause de sa position sociale.
Mais je n'avais pas le choix puisqu'au Cameroun, seuls les riches étaient respectés! Il a baissé ses lunettes noires qu'il avait, m'a regardé de la tête aux pieds et m'a dit d'une voix grave et imposante:
- Oui petit, suis-moi avec ta brouette!
Qu'il m'appelle « petit » ou pas, ce n'était pas mon problème! Moi j'étais content d'avoir trouvé mon premier client.
Je l'ai suivi avec ma brouette et nous nous sommes arrêtés devant plusieurs vendeurs pour acheter ce qu'il voulait.
Je me souviens qu'il y avait des paniers pleins de tomates, un grand sac de riz, un gros bidon d'huile, des poissons séchés et plusieurs autres choses.
Pousser tout ça était très difficile et demandait beaucoup d'efforts mais je réussissais à le faire.
Je transportais et les veines se voyaient même sur mon front. C'était très épuisant. Quand nous avons fini de faire les courses, nous sommes retournés là où il avait garé sa voiture et j'ai tout chargé derrière. Une fois de plus, il m'a regardé de la tête aux pieds, à retiré ses lunettes avant de me dire:
- Je te dois combien?
J'avais eu pour une heure de travail avec lui, une heure de travail intense alors, je lui ai répondu:
- 1500f grand frère!
Il s'est mis à rire et cela m'a paru étrange.
- Qu'est-ce qui le va pas grand frère?
- Mon petit, s'il te plaît donne-moi le vrai prix okay? J'ai des choses à faire! C'est quoi cette somme ridicule? J'ai l'air de marcher avec des billets de 1000f et de 500 ou encore avec des pièces?
J'ai compris que la somme était très petite mais c'est ce qu'il devait me payer normalement. Certains clients comme lui se plaignaient quand je demandais de me payer ne serait-ce que 1000f! Que des riches chiches dans ce pays!
- Je vois grand frère! Donnez-moi alors ce que vous voulez s'il vous plaît!
Il a fouillé sa porte poche, a sorti son porte-monnaie et a dit: - Je vais te donner 10.000f et sache même que tu mérites plus que ça!
Je n'en croyais pas mes yeux! Ça faisait deux ans que je faisais ce travail mais personne ne m'avait donné une somme pareille! La plus grosse somme qu'un client m'avait donné était 3000f si j'ai bonne mémoire!
Je suis devenu comme un enfant et j'ai commencé à sauter de joie en disant:
- Merci grand frère, que Dieu vous bénisse! Il a foncé les sourcils, m'a tendu de beau billet et m'a dit:
- Tu ferais mieux de demander à ce Dieu de revenir d'abord toi, avant de me bénir car c'est toi qui en as plus besoin que moi!
J'ai cessé de jubiler et j'ai pris l'argent. Cet homme avait raison, raison pour laquelle je ne l'ai pas contredit.
- D'accord grand frère, j'ai compris! Merci beaucoup pour cet argent!
- De rien mon petit!
Je lui ai tourné le dos et je me suis mis à pousser ma brouette quand j'ai entendu:
- Tiens ça, c'est ma carte et mon numéro y est! Appelle-moi si tu as besoin d'aide!
J'ai pris et alors que je voulais le remercier, il m'a tourné le dos et il est entré dans sa voiture puis, l'a démarrée.
À suivre...