Chapitre 4 Chapitre 4

Chapitre 4 -

Bzzt. Bzzt.

Le téléphone vibra sur la table basse, inlassable.

« Lola ! Tu réalises depuis combien de temps Derek t'attend ?! Tu n'as aucune idée du scandale que tu provoques ! Rentre tout de suite ! »

Une autre voix s'enchaîna aussitôt, plus dure encore :

« Ta sœur célèbre ses fiançailles aujourd'hui, et toi, tu brilles par ton absence ? Si tu ne viens pas immédiatement, tu le regretteras, jeune fille ! »

Puis une troisième, plus douce mais empoisonnée :

« Lola, je sais que tu as toujours eu un faible pour Derek. Mais c'est fini, il est avec moi à présent. Si tu nous en veux encore, dis-le franchement, au lieu de créer tout ce chaos. »

La jeune femme resta immobile devant la baie vitrée, les bras croisés, contemplant les néons de la ville. Les messages vocaux s'éteignirent les uns après les autres, laissant un silence feutré.

- Cinq ans, murmura-t-elle. Cinq ans, et rien n'a bougé. Pas même eux.

Elle esquissa un sourire amer.

*Ou peut-être deux vies, et toujours les mêmes chaînes.*

Car oui, Lola avait déjà vécu tout cela. Dans une existence précédente, un accident l'avait brisée - corps et âme. Elle avait survécu cinq longues années avant que la mort ne la rattrape. Puis, sans comprendre pourquoi ni comment, elle s'était réveillée à quatorze ans, comme si le destin lui offrait une revanche.

Depuis, elle s'efforçait d'avancer, prisonnière de la famille Young. Échapper à leur emprise lui avait coûté presque tout. La liberté n'avait pas tenu ses promesses : elle avait porté la vie, brièvement, avant qu'on ne la lui arrache.

Cette plaie ne s'était jamais refermée. Alors, elle avait fait de sa douleur un moteur, de sa colère une armure.

Une voix cristalline la tira soudain de ses pensées :

- Maman, on a terminé !

Elle se retourna, surprise, et aperçut les deux petits êtres dans le halo des lampes. Second et Chacha, vêtus de pyjamas flambant neufs, les cheveux encore humides, la regardaient avec une fierté innocente.

Son cœur se détendit malgré elle.

- Venez ici, vous allez attraper froid.

Elle attrapa une serviette et attira le garçon contre elle pour lui frictionner la tête.

- Tes cheveux sont trempés, toi aussi.

- Moi d'abord ! Moi d'abord ! s'écria Chacha, trépignant.

- Non, c'est mon tour ! protesta son frère.

Lola leva les yeux au ciel, vaincue.

- Un à la fois, mes chéris. Chacha, assieds-toi.

La fillette bondit aussitôt sur le canapé, triomphante. Pendant qu'elle lui séchait les mèches rebelles, les joues de Chacha rosirent. Lola ne put s'empêcher de sourire à sa propre tendresse, un éclat qu'elle croyait disparu.

Second les observait, silencieux, un air de contentement paisible sur le visage. Quand vint son tour, il ferma les yeux comme un chat qu'on caresse.

- Ils sont presque trop sages, songea Lola. Ces enfants ne sont pas ordinaires.

Elle termina la séance en appliquant un peu d'eau de Cologne et de poudre parfumée sur leurs poignets, ce qui arracha à Chacha un éclat de rire ravi. L'odeur sucrée emplit la pièce.

Elle se souvint alors du message de leur père : il passerait les récupérer dans trois jours. Trois jours, et déjà elle redoutait leur départ.

S'occuper d'eux n'avait pas fait partie de son plan. Mais, contre toute attente, la présence de ces jumeaux avait ramené un calme qu'elle n'avait plus connu depuis des années.

Alors qu'elle rangeait la brosse et les serviettes, Second leva soudain les yeux vers l'horloge.

- Chacha, c'est presque neuf heures !

La fillette sursauta, puis acquiesça vivement.

- Maman ! Bonne nuit !

Et sans lui laisser le temps de répondre, les deux enfants filèrent dans la chambre.

- Hein ? fit Lola, interloquée.

Quelques minutes plus tôt, ils réclamaient son attention à cor et à cri. À présent, ils s'éclipsaient comme de petits soldats disciplinés.

Curieuse, elle les suivit jusqu'à la porte entrouverte.

Les deux dormaient déjà profondément. Chacha, en travers du lit, semblait avoir atterri là par accident. Second, lui, dormait en étoile, un sourire paisible aux lèvres.

- Ce n'est pas possible..., murmura Lola, incrédule. À peine une minute !

Elle tapota doucement l'épaule du garçon : aucune réaction. Puis elle remit Chacha droite sur l'oreiller. Rien. Pas un frémissement.

Elle resta un moment à les contempler, amusée malgré elle.

- Vous êtes vraiment étranges... mais diablement adorables.

Elle tira la couverture jusqu'à leurs mentons, effleura leurs cheveux et souffla :

- Dormez bien, mes trésors.

Mais, en se redressant, sa poitrine se serra.

- N'oublie pas, Lola, ils ne sont pas à toi. Trois jours seulement. Ne recommence pas à t'attacher.

Elle recula lentement vers la porte. C'est alors qu'une voix étouffée flotta depuis le lit :

- Maman...

Lola se retourna. Chacha murmurait dans son sommeil, un sourire flottant sur ses lèvres.

- Chacha et Second ont aussi une maman... et c'est elle qui nous brosse les cheveux...

Lola sentit sa gorge se nouer.

Et pour la première fois depuis longtemps, elle eut peur - peur que ces mots, prononcés entre deux rêves, réveillent quelque chose qu'elle s'efforçait d'oublier.