Elle s'appelait Alèthe
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Chapitre 2 No.2

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Un trop long silence

Mars 2019

Alèthe est âgée de 34 ans. Ses premières réminiscences ont ressurgi depuis une dizaine d'années.

Effrayée, tremblante, ça y est !

Elle va le faire, elle va le dire... Ce silence qui l'accablait depuis tant d'années

Les mots étaient là, à vouloir transpercer sa gorge, se faufiler à travers sa bouche pour enfin hurler sa douleur, sa tristesse.

Elle arrive, devant le parvis du commissariat. Elle regarde timidement la devanture du lieu.

Il est écrit « Commissariat de police ».

La porte est fermée alors elle regarde autour d'elle et s'aperçoit qu'un interphone se trouve sur sa gauche.

D'une main tremblotante, elle appuie sur le bouton de l'interphone, un policier répond « oui ».

Alèthe sursaute, elle ne s'attendait pas à entendre une voix aussi forte mêlée d'une certaine froideur.

Elle répond timidement « Je viens pour déposer une plainte ».

« Je vous ouvre, entrez »

Les portes du commissariat de police s'ouvrent, Alèthe entre avec hésitation tout en étant déterminée. Elle doit le faire, elle doit le dire. Si elle ne le fait pas qui le fera pour elle...

Maintenant, adulte, elle est consciente qu'il faut qu'elle se batte pour que sa parole soit prise en compte. Mineure, personne n'a rien fait... Alors, maintenant majeure, elle le sait qu'elle sera seule face à tous.

La porte automatique se referme. Elle entre à l'intérieur du commissariat en regardant autour d'elle. Le hall d'attente lui paraît grand, des panneaux d'affichage sont disposés près d'une table. Des affiches, des dépliants avec comme slogan « stop violences », « face à l'inceste ». Des chaises en métal de couleurs vertes sont soudées au mur. Quatre personnes attendent leur tour.

Alèthe observe le hall d'accueil du commissariat de police, un professionnel en tenue civile accueille les personnes. Le policier se tient derrière un long comptoir. Sur sa gauche une porte est fermée, un homme vient de sortir et se dirige vers la sortie.

Sur la droite de l'entrée une autre porte fermée et à sa gauche un escalier qui permet d'accéder à un étage qu'Alèthe peut voir d'en bas et derrière au pied de l'escalier une porte encore fermée.

Alèthe, regarde partout, effrayée elle attend son tour. L'agent d'accueil lui fait signe de venir.

Son cœur bat si vite, si fort, elle se lève en se donnant du courage pour avancer jusqu'à lui.

Elle arrive au niveau du comptoir, l'agent d'accueil lui demande « Dites-moi c'est par rapport à quoi ».

Alèthe a peur, elle hésite mais elle se dit qu'elle ne peut pas reculer, qu'il faut qu'elle en parle, enfin, pour poser les choses, les mettre à plat sur ce comptoir.

« Je viens porter plainte contre mon père, je suis venue avec ça » elle montre en même temps un texte de huit pages.

« Vous pouvez m'en dire plus » rétorque le policier.

Alèthe poursuit « J'ai préféré l'écrire parce que c'est trop difficile d'en parler ».

À cet instant, une angoisse si intense lui a traversé le corps, elle n'a pas pu en dire plus. Elle était comme figée sans voix.

Voyant la jeune femme se crisper, le policier de l'accueil a commencé à poser des questions simples et claires pour qu'Alèthe puisse répondre par oui ou non de la tête.

Se rajoute une honte, une gêne très forte par rapport au faitqu'elle soit à la vue de tous devant les autres personnes qui attendent.

Le policier prend le texte « Je vais voir qui peut vous recevoir, c'est courageux ce que vous faites, vous savez ». Rassurant, Alèthe s'est sentie écoutée.

Le temps qu'un policier puisse la recevoir, Alèthe attend devant l'accueil. Elle est à la fois effrayée et rassurée, tout s'emmêle dans son corps et son esprit. Continuant de trembler, elle essaye de se contenir, de respirer pour évacuer le stress, l'angoisse qui la gagnaient.

Enfin, une policière en tenue civile vient vers elle « Bonjour, Madame j'ai été informée de votre demande de déposer plainte, je vais vous recevoir. Venez ! ».

La policière la dirige vers la pièce sous les escaliers à gauche de l'entrée, elle lui ouvre la porte et lui propose de s'asseoir.

Dès son entrée, Alèthe se sent mal dans cette pièce si exiguë, austère sans lumière extérieure ni couleur. Tout est sombre.

Un bureau et trois chaises avec une petite étagère sont là, pour combler le vide des mots, le vide de la douleur.

La policière demande si elle veut bien lui expliquer ce qui l'amène à porter plainte contre son père.

« Vous préférez me raconter votre histoire ou que je lise votre texte, c'est comme vous le souhaitez ».

« Je préfère que vous lisiez ce que j'ai écrit ».

Vingt minutes interminables s'écoulent. Alèthe sent son cœur se serrer comme un étau, la gorge lourde de sanglots mais toujours elle se contient. Elle se dit que ce n'est que le début alors il faut qu'elle soit forte et courageuse pour la suite.

Elle observe la policière lire son texte et essaye de percevoir l'attitude du professionnel. Alèthe est accrochée à son regard, elle retient son souffle. De longues minutes d'attentes figent cet instant.

Sa parole sera-t-elle prise en compte et enfin entendue

            
            

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