J'ai même pris mon téléphone, mon pouce planant au-dessus de son nom. Mais ensuite, je me suis souvenue de l'expression sur son visage dans son bureau. L'agacement froid. L'impatience.
Il ne verrait pas un enfant. Il verrait un actif. Un héritier. Une complication à gérer.
Il essaierait de contrôler ça. De me contrôler. Il me réenfermerait dans la cage dorée dont je venais de m'échapper, et cette fois, il jetterait la clé. Pour le bien du bébé, bien sûr.
Mon enfant ne serait pas une de ses possessions de plus.
Le débat était clos. Je ne me sauvais plus seulement moi-même. Je sauvais mon bébé.
Mon premier appel a été pour mon avocate.
« Sophie, c'est moi. Déposez les papiers, mais pouvez-vous mettre en attente de deux semaines la notification officielle envoyée à son bureau ? »
« C'est noté », a-t-elle dit. « Vous allez bien, Ariane ? »
« J'irai bien », ai-je dit, et je le pensais.
Mon deuxième appel a été pour Bruno. Je lui ai dit que je partais immédiatement pour la résidence. Je ne lui ai pas dit pourquoi, ni que je ne reviendrais pas. Il n'a pas posé de questions. Il a juste dit : « Bien. Va créer quelque chose de beau. Et sois prudente, Ariane. »
La dernière chose que j'ai faite a été de préparer un seul sac de sport. Mes carnets de croquis. Quelques vêtements de rechange. Le papier du divorce signé. Et le test de grossesse positif.
J'ai pris un taxi pour retourner une dernière fois au penthouse. C'était comme visiter le musée d'une vie qui n'avait jamais vraiment été la mienne. Je me suis dirigée vers la massive console de l'entrée et j'ai posé mon alliance sur le marbre froid.
À côté, j'ai placé un album photo que j'avais préparé. Il était rempli de photos des quatre dernières années. Moi à ses galas, à ses collectes de fonds, à ses remises de prix. Toujours souriante. Toujours seule.
Un témoignage visuel de mon invisibilité.
Puis je suis sortie et je ne me suis pas retournée.
À l'aérodrome privé, une femme sympathique nommée Élise, la coordinatrice de la résidence, m'a accueillie. Elle était chaleureuse et normale, et pour la première fois depuis des jours, j'ai eu l'impression de pouvoir respirer.
Alors qu'elle me conduisait vers notre petit avion affrété, je les ai vus.
De l'autre côté du tarmac, Adrien et Kenza montaient à bord d'un jet privé élégant. Ils riaient, leurs têtes rapprochées. Ils avaient l'air heureux. Puissants. Parfaitement assortis.
Les voir ne m'a pas fait mal. Ça a tout clarifié. C'était la confirmation finale et absolue que j'avais pris la bonne décision.
Mon propre avion a décollé, virant vers le sud-est au-dessus de la région parisienne. J'ai regardé la silhouette de Paris, avec la flèche scintillante de la tour Chevalier Tech en son centre, rapetisser jusqu'à n'être plus qu'un souvenir.
J'ai posé une main sur mon ventre plat.
Pour la première fois depuis des années, j'ai ressenti un sentiment de paix profond et sincère.