Chapitre 3

Le lendemain matin, alors que Rona venait de s'installer à son bureau et n'avait même pas encore pris une gorgée de café, la porte de son bureau s'est ouverte.

Darren se tenait sur le pas de la porte. Il portait un costume soigné, même si sa cravate était légèrement de travers.

« J'ai besoin que tu viennes avec moi », dit-il avec désinvolture.

Kaiden et les autres collègues ont levé les yeux vers eux. Certains ont esquissé des sourires entendus.

Rona savait exactement à quoi ils pensaient. Peut-être que Darren l'emmenait encore une fois à un rendez-vous en séchant le travail. Ce genre de pensées l'avait autrefois ravie, mais maintenant elles la lassaient seulement.

« Où ? » Elle a demandé en refermant ses dossiers.

Darren s'est approché et l'a tirée vers le haut sans plus attendre. « Tu le sauras une fois que nous serons là-bas. » Sa main était chaude et sèche. Il lui tenait fermement les mains, comme s'il avait peur qu'elle s'échappe.

Rona le laissa la guider en lui tenant les mains. Elle sentait les regards envieux des collègues lorsqu'ils traversaient l'espace de travail.

Ce n'est qu'une fois les portes de l'ascenseur refermées que Darren a lâché sa main et a appuyé sur le bouton du parking souterrain. « Khloe ne va pas bien ce matin », a-t-il expliqué. « Le médecin a dit qu'il valait mieux qu'une personne qu'elle connaît passe plus de temps avec elle pour l'aider à retrouver la mémoire. »

Rona fixait son reflet flou dans le miroir de l'ascenseur. Voilà, c'était donc ça. Elle aurait dû s'en douter.

« Tu aurais pu me le dire », dit-elle.

Darren s'est tourné vers elle. Il semblait chercher sur son visage le moindre signe de mécontentement. Mais elle restait simplement là, calme, sans même battre des cils.

« Tu n'es pas en colère ? » a-t-il demandé.

« Pourquoi le serais-je ? » a rétorqué Rona. « C'est ta secrétaire, et elle s'est blessée à cause du travail. »

Darren a soupiré de soulagement et a tendu la main pour lui toucher le visage, mais l'ascenseur est arrivé à ce moment-là. Sa main s'est arrêtée en suspens. Finalement, il s'est contenté de lui tenir la porte de l'ascenseur.

Le couloir de l'hôpital était imprégné d'odeur de désinfectant. La chambre de Khloe se trouvait au bout du couloir, une chambre individuelle bien éclairée.

Quand ils sont entrés, elle était assise dans son lit et lisait. La lumière du soleil projetait des reflets délicats sur son visage pâle à travers les rideaux.

« Darren ! » Ses yeux se sont illuminés en les voyant. Mais son sourire s'est figé quand elle a aperçu Rona derrière lui. « Rona est là aussi. »

Darren s'est avancé jusqu'au lit et a pris la tasse d'eau naturellement. Il en a vérifié la température pour s'assurer qu'elle convenait à Khloe. « Comment tu te sens aujourd'hui ? »

« Beaucoup mieux », répondit doucement Khloe, même si son regard ne cessait de dériver vers Rona. « C'est tellement ennuyeux d'être seule ici, et je pense tout le temps à l'accident de voiture. »

Soudain, elle s'est tenue la tête et s'est exclamée : « Oh ! »

Darren l'a immédiatement soutenue et a demandé avec inquiétude : « Tu as encore mal à la tête ? »

Rona se tenait près de la porte et regardait Khloe s'appuyer contre Darren en serrant sa manche. Son air fragile aurait inspiré de la compassion à n'importe qui.

« Je vais chercher un médecin », dit Rona en se retournant pour sortir.

« Pas besoin », l'arrêta Darren. « C'est surtout du stress. Elle ira mieux après. »

Khloe a levé la tête de ses bras. Ses yeux étaient légèrement rouges. Elle a dit : « Je suis désolée, Rona. Je suis tellement inutile. S'il n'y avait pas eu l'accident, Darren n'aurait pas besoin d'être à l'hôpital chaque jour. »

« Khloe », Darren a froncé les sourcils pour l'arrêter. « Ne dis pas ça. »

Rona s'est approchée de la fenêtre et a tiré le rideau. « As-tu besoin de quelque chose d'utile pour le quotidien ? Je peux aller en acheter plus tard. »

Khloe ne s'attendait pas à ce qu'elle reste si calme. Elle s'est alors mordue la lèvre : « Merci, mais je n'en ai pas besoin. Darren prend bien soin de moi. Il a même choisi mon pyjama. »

Les doigts de Rona se sont resserrés inconsciemment sur le rideau.

Elle savait que Khloe le faisait exprès. Ces mots en apparence banals contenaient des piques que seule la personne visée pouvait sentir.

« Je vais chercher de l'eau », dit-elle en prenant la bouilloire et en quittant rapidement la chambre.

La salle d'eau au bout du couloir était vide.

Rona a placé la bouilloire sous le robinet, puis a fixé l'eau qui coulait, perdue dans ses pensées. Elle n'aurait pas dû venir, sachant ce qui l'attendait. Et pourtant, elle était venue, par une sorte de masochisme.

Quand elle est revenue dans la chambre, Khloe était assise sur le lit à arranger des fleurs. En voyant Rona entrer, elle a levé un bouquet de lys. « Rona, c'est pour toi. Merci d'être venue me voir aujourd'hui. »

Quand le parfum fort des fleurs l'a frappée, Rona a reculé d'un pas instinctivement. « Non merci. »

« Qu'est-ce qui ne va pas ? » a demandé Khloe, peinée par la réaction de Rona. « Tu ne les aimes pas ? »

« Rona, prends-les », dit Darren. « Khloe a de bonnes intentions. »

Rona allait expliquer son allergie au pollen. Mais Khloe a coupé : « Est-ce parce que tu trouves que les fleurs à l'hôpital sont sales ? Ou est-ce que tu n'aimes pas ce que j'ai touché ? » Sa voix est devenue plus basse. Et ses yeux se sont à nouveau humidifiés.

Darren a lancé à Rona un regard désapprobateur.

« Je ne... » La gorge de Rona a commencé à la démanger, signe d'une réaction allergique imminente.

À ce moment-là, Khloe a serré sa poitrine et s'est penchée de douleur. « Darren... Je me sens tellement étourdie. Ces souvenirs éclatés me font peur... »

Darren s'est précipité pour la soutenir et a appuyé sur le bouton d'appel. « Khloe ? Ça va ? Je t'emmène aux urgences. » dit-il rapidement en se tournant vers Rona. « Repose-toi. J'emmène Khloe pour un contrôle et je reviens vite. »

Rona restait là. Elle sentait le bouquet dans ses mains devenir de plus en plus lourd. Ses yeux se sont mis à la brûler et sa gorge s'est serrée. Elle a alors eu du mal à respirer. Elle a dû s'appuyer au lit pour ne pas chanceler.