La Préceptrice et la Stratège
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Chapitre 1

J'avais besoin d'argent. C'était la seule raison pour laquelle j'étais là.

Mon diplôme de la Sorbonne en histoire de l'art ne payait pas mes dettes étudiantes ni mon loyer minuscule dans le 13ème arrondissement. Alors je l'ai caché au fond d'un tiroir et j'ai accepté ce poste. Préceptrice privée pour une famille riche du 16ème.

L'appartement était immense, froid, rempli d'œuvres d'art contemporain qui semblaient crier leur prix. "Madame", la mère, m'a reçue avec un sourire qui n'atteignait pas ses yeux. Son mari, "Monsieur", était un magnat de la tech, une silhouette pressée qui m'a à peine jeté un regard.

Leur fils, Louis, dix ans, était l'héritier. On le voyait tout de suite. Il avait tout, obtenait tout.

Et puis il y avait Victoire. Quatorze ans.

Le premier jour a donné le ton.

Louis paradait avec une nouvelle tablette, la dernière sortie. Victoire l'a regardé avec un mépris glacial.

"Tu n'en avais pas déjà une ?"

"Celle-là est mieux", a répondu Louis, suffisant.

Une dispute a éclaté. Des cris. Puis un bruit sec, terrible.

Je suis arrivée dans le salon. Une sculpture de métal torsadé gisait sur le sol en marbre, brisée.

Louis pleurait.

"C'est elle ! Elle l'a poussée !"

Victoire le fixait, le visage fermé, sans un mot.

Madame est arrivée en courant. Elle n'a même pas regardé sa fille. Elle s'est précipitée sur la sculpture, puis sur son fils.

"Mon chéri, ça va ? Elle ne t'a pas fait de mal ?"

Elle s'est tournée vers Victoire. Sa voix était un sifflement venimeux.

"Espèce de monstre. Tu détruis tout."

Victoire n'a pas cillé.

"C'est lui."

"Menteuse ! Il y a des caméras partout ici. On verra bien."

Mais elles ne l'ont jamais fait. La parole de Louis suffisait.

La punition a été immédiate et disproportionnée. Pas de discussion, pas de recherche de vérité.

"Tu es incontrôlable. Tes nerfs sont à vif. On va t'envoyer te reposer."

"Te reposer" signifiait une clinique privée en banlieue. Un exil.

Madame m'a donné mes ordres.

"Vous irez avec elle. Vous serez la seule personne autorisée à la voir. Vous vous occuperez de ses cours. C'est votre travail."

Personne d'autre de la famille n'irait. Ni la mère, ni le père, ni le petit frère adoré.

Victoire était seule. Et moi, sa gardienne forcée.

            
            

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