Chapitre 6 La première fois d'une femme

Chelsey s'est contentée de regarder la boîte pendant quelques secondes, son irritation atteignant des niveaux alarmants. Elle n'avait même pas à demander pourquoi sa mère avait fait le plein de réserves de tests de grossesse.

Au cours des deux dernières années, Chelsey avait surpris Sylvia à six reprises à la maison en train de faire l'amour, chaque fois avec un homme différent.

Se respecter, disait-elle ?

Quelle hypocrisie !

Mais Chelsey était consciente que Sylvia ne lâcherait pas le morceau tant qu'elle n'aurait pas obtempéré.

Sous le regard attentif de sa mère, Chelsey a maladroitement pris un kit et s'est mise à faire ce qui devait être fait. Son cœur battait frénétiquement tout au long du processus, mais plus encore quand il était question d'attendre les résultats.

Si elle était réellement enceinte...

Une idée folle lui a tout à coup traversé l'esprit. Elle garderait l'enfant et s'enfuirait. Elle quitterait cette maison, cette ville et... Jason Martin.

« Ouf, quel soulagement ! » La voix de Sylvia a ramené Chelsey au présent et a brisé ses fantasmes.

Chelsey s'est penchée et a regardé fixement l'unique ligne sur le bâton. Plusieurs émotions sans nom se bousculaient dans sa poitrine. Elle n'arrivait pas à savoir si elle était soulagée ou déçue.

Sylvia, quant à elle, continuait à jacasser. « C'est bien, mais je peux dire que tu as déjà des relations avec des hommes. Il suffit de regarder ton visage ! Il faut que tu arrêtes tout de suite tes activités. C'est tout à fait honteux ! Heureusement pour toi, je connais un médecin spécialisé dans les interventions discrètes. Je vais t'emmener chez lui pour une opération de réparation de l'hymen. Je te le dis, la première fois d'une femme est extrêmement précieuse ! »

Honteux ?

C'était ridicule.

Mais ensuite, Chelsey a pensé à la carte bancaire que Jason lui avait donnée. Il l'avait jetée sur le lit lors de leur première nuit, juste après avoir vu les taches de sang sur le drap.

Cinq cent mille d'un coup. Elle ne pouvait jamais gagner autant, même en se tuant à la tâche pendant au moins trois ans.

Sa mère avait peut-être raison. La première fois était vraiment précieuse.

Chelsey n'a rien goûté pendant le dîner, mais Tim et Sylvia s'entendaient bien. Ils parlaient de tout et de rien.

Quand Tim a pris congé, Sylvia a demandé à Chelsey de le raccompagner. Et lorsqu'ils se sont quittés, Sylvia n'a pas manqué de dire à Tim qu'elle avait hâte de rencontrer ses parents.

Chelsey et Tim se tenaient devant sa voiture quand il lui a soudainement pris la main. La paume de Tim était humide et collante de sueur, et Chelsey a dû lutter physiquement contre l'envie de retirer sa main.

Les mots de Jason lui sont revenus à l'esprit. Pouvait-elle se contenter de quelqu'un d'autre après avoir été aussi longtemps avec Jason Martin ?

C'est alors qu'elle a compris que, peu importe à quel point elle essayait de se bercer d'illusions, la réponse était toujours non.

Chelsey a très peu dormi cette nuit-là. En allant travailler le lendemain, elle se sentait étourdie et mal dans sa peau.

Le fait qu'elle était occupée toute la matinée n'a pas aidé, jusqu'à ce que le téléphone fixe de son bureau sonne à dix heures trente.

Elle a décroché le coup de fil.

« Viens à mon bureau », a dit la voix de Jason, aussi froide que la brise de fin d'automne.

Les jambes de Chelsey se sont instinctivement tendues. Elle portait un pantalon noir aujourd'hui, et s'il lui faisait quelque chose et finissait par le déchirer... Elle ne pourrait plus rien cacher.

Tous ses secrets honteux seraient exposés à la vue de toute l'entreprise.

Elle a ouvert la bouche pour refuser, mais Jason avait déjà raccroché.

Chelsey a gagné du temps aussi longtemps qu'elle le pouvait, mais finalement, elle n'avait pas le choix. Elle s'est arc-boutée et est montée au dernier étage. Elle a frappé à la porte du bureau du PDG et est entrée, laissant délibérément la porte grande ouverte.

Sa précaution n'a pas échappé à Jason. Il a esquissé un souri narquois, les yeux brillants de danger.

« Ferme la porte et viens ici », a-t-il ordonné en tapotant de l'index sur son bureau.

Chelsey s'est lentement approchée, mais a tenu à laisser la porte ouverte. « Qu'est-ce qu'il te faut, M. Martin ? »

Elle s'est forcée de rester calme. Après tout, elle était toujours sa secrétaire, et être à sa disposition faisait partie de son travail.

Jason l'a dévisagée pendant trois secondes avant de glousser doucement. Lorsqu'il a parlé, c'était à nouveau sur ce ton grave et narquois. « De quoi as-tu peur ? »

Chelsey s'est mordu la lèvre inférieure et n'a rien dit, mais elle a tremblé très légèrement. Elle avait l'air d'un petit lapin vigilant prêt à s'enfuir au premier signe de son prédateur.

Un magazine a atterri sur le bureau de Jason avec un bruit sec et craquant. Il s'est ouvert sur une page où apparaissait la photo d'une bague de fiançailles.

Il s'agissait d'une bague en or incrustée de diamants, dont l'intérieur portait un motif gravé symbolisant l'amour éternel.

Le cœur de Chelsey a sauté un battement alors qu'elle regardait Jason.

Le mois dernier, lors d'un voyage d'affaires, elle était tombée sur la publicité de cette même bague. Elle était alors en précommande et Chelsey avait été immédiatement attirée par elle.

Elle avait demandé à Jason, de manière très subtile, ce qu'il en pensait. Il avait simplement jeté un coup d'œil et dit qu'il ne valait pas le prix.

Chelsey s'est souvenue qu'elle avait immédiatement perdu le moral. Sa première pensée avait été de comparer l'opinion qu'il avait de la bague à celle qu'il avait d'elle-même, jolie et agréable, mais finalement rien de spécial.

Elle n'avait plus jamais osé parler de la bague.

Pourquoi Jason en parlait-il à présent ? Chelsey serrait les poings. Qu'essayait-il de faire ?

Le sourire narquois de Jason s'est accentué. Sa réaction était exactement celle qu'il voulait.

Même le lapin le plus errant deviendrait obéissant s'il lui faisait miroiter la bonne carotte.

« Ça te plaît ? », a-t-il demandé, d'une voix basse et presque cajoleuse.

Chelsey ne savait pas quoi répondre. Si ça avait été dans le passé, elle aurait peut-être dit oui en un clin d'œil. Mais après tout ce qui s'était passé entre eux, elle ne ressentait plus que de la peur.

Ses poings se sont desserrés, puis resserrés. Elle ne savait quoi dire.

Avant qu'elle ne puisse se décider, Jason a sorti une carte bancaire familière du tiroir du haut de son bureau. Il l'a placée sur le magazine et a tapoté dessus deux fois. « Va l'acheter. »

Le cœur de Chelsey s'est remis à battre à toute vitesse.

C'était la même carte bancaire qu'il lui avait donnée lors de leur première nuit.

Il voulait donc qu'elle se serve de cet argent pour acheter la bague ?

Qu'est-ce qu'il voulait au juste ?

Les mots qu'il a ensuite prononcés l'ont finalement éclairée, et ils lui sont tombés dessus comme un seau d'eau glacée.

« Demande au magasin de bien l'emballer et de l'apporter dès que possible. C'est un cadeau pour quelqu'un. »

L'esprit de Chelsey s'est vidé, ses appréhensions et ses illusions erronées disparaissant en un clin d'œil. La moquerie sur le visage de Jason semblait s'être gravée dans son cerveau. Bien sûr. Comme il était ridicule de sa part de penser que la bague lui était destinée.

Le visage de Chelsey brûlait de honte.

Elle a pris une grande inspiration et a desserré les poings, retrouvant enfin son calme.

C'était ce qu'elle voulait, n'est-ce pas ?

Jason était vraiment un manipulateur diabolique. Elle le savait depuis le début, et elle n'arrivait pas à croire qu'elle avait failli mordre à son hameçon. En tout cas, c'était beaucoup mieux.

Si tous ses espoirs s'envolaient, le risque de souffrir à l'avenir s'envolerait aussi.

« Oui, M. Martin. »

Chelsey s'est légèrement inclinée, puis a pris le magazine et la carte bancaire. Elle s'est tournée et a quitté le bureau, le dos bien droit et la tête haute.

Snap !

Le stylo de luxe que tenait Jason s'est fendu en deux. Alors qu'il pensait pouvoir enfin évacuer sa rage et sa frustration, celles-ci semblaient se resserrer davantage autour de son cœur.

Il lui avait demandé d'acheter la bague qu'elle voulait, pour l'amour de Dieu, avec l'argent qui était censé être le sien. Et il lui avait dit que la bague était destinée à quelqu'un d'autre !

Pourtant, Chelsey était restée si calme.

Il était peut-être parfois têtu et obtus, mais il était clair pour lui que Chelsey était sérieuse cette fois. Elle était vraiment décidée à rompre avec lui.

Une heure plus tard...

Chelsey a de nouveau frappé à la porte du bureau de Jason. Elle est entrée et a posé le coffret à bijoux emballé sur son bureau, ainsi que la carte bancaire et le reçu.

« Tout est réglé, M. Martin. Si c'est tout, je vais me remettre au travail. »

Son attitude nonchalante a mis Jason en colère. « Elle ne l'aime pas. Tu peux la garder à la place. »

Chelsey s'est arrêtée net. Elle s'est retournée pour le regarder d'un air vide.

Jason a froncé les sourcils et a plissé les yeux.

« Quoi ? Tu ne l'aimes pas ? Tu n'en veux plus ? »

Chelsey était déjà trop perturbée comme ça. Elle n'avait ni le temps ni l'énergie pour réfléchir aux sautes d'humeur de Jason.

Oui, elle était issue d'un milieu modeste. Oui, elle n'avait encore rien réussi. Et oui, elle s'était abaissée au niveau le plus bas pour lui à de nombreuses reprises.

Mais elle n'était pas totalement inutile.

Elle est restée accrochée aux lambeaux de joie qu'il lui restait dans sa vie et a tenu bon.

« Heureusement, on peut en faire le retour. Je vais aller m'en occuper tout de suite. »

Chelsey s'est approchée du bureau pour récupérer le coffret à bijoux et le reçu, mais avant qu'elle ne puisse les prendre, Jason lui a attrapé le poignet en étau.

« Qu'est-ce que tu essaies de faire, Chelsey ? », lui a-t-il demandé, sa voix résonnant d'une fureur mal dissimulée.